7 juillet 2017

[Jean-Marie Guénois - Le Figaro] Un quart des prêtres ordonnés en France sont issus des rangs traditionalistes

SOURCE - Jean-Marie Guénois - Le Figaro - 7 juillet 2017

Parmi la centaine de séminaristes français ordonnés en 2017, la mouvance traditionaliste n'est plus marginale.
     
C'est la saison des ordinations sacerdotales, mais avec 84 ordinations de prêtres diocésains en 2017, l'Église de France est inquiète. Même si l'on constate un léger progrès depuis les basses eaux de 2015, où seulement 68 prêtres avaient été ordonnés, la courbe, qui est passée sous la barre symbolique des 100 ordinations annuelles après les années 2000, indique qu'elle ne repassera pas le cap de la centaine avant longtemps. L'autre donnée de l'équation n'est pas plus réjouissante. Près de la moitié des prêtres diocésains en activité ont plus de 75 ans - 5410 exactement fin 2015 - pour 6217 prêtres de moins de 75 ans. Cet âge canonique marque normalement le départ à la retraite. Mais beaucoup de prêtres français continuent jusqu'à 80 ans. Voire jusqu'à 90 ans, comme le père de Mesmay, prêtre parisien qui a attendu cet âge pour prendre sa retraite! Il y a bientôt un an, le 26 juillet, le père Hamel était assassiné en pleine messe en Normandie à l'âge de 86 ans. Comme tant d'autres confrères, il avait tenu à continuer sa mission jusqu'au bout.
     
L'âge médian des prêtres français est ainsi de 74 ans, avec de fortes disparités régionales toutefois. La province ecclésiastique de Paris est la plus jeune, avec un âge médian des prêtres de 57 ans. Mais dans plusieurs diocèses ruraux, il se situe plutôt à 81 ans.
L'Église de France est confrontée à un phénomène de fond assez inattendu et que les statistiques officielles de l'épiscopat ne prennent pas en compte
À côté de ces courbes statistiques prévisibles depuis longtemps, l'Église de France est confrontée à un phénomène de fond assez inattendu et que les statistiques officielles de l'épiscopat ne prennent pas en compte. Il se trouve en effet qu'aux 84 prêtres diocésains ordonnés en France en 2017 - dont 25 viennent d'ailleurs de communautés nouvelles d'inspiration charismatique - il faudrait ajouter 22 jeunes prêtres français. Les uns ordonnés dans des structures lefebvristes (11 Français sur 23 ordonnés). Les autres dans le courant traditionaliste, comme la Fraternité Saint-Pierre (6 Français sur 19 ordonnés) et plusieurs autres instituts.

Ce qui signifie que sur la centaine de prêtres diocésains français ordonnés en 2017, près d'un quart sont explicitement inscrits dans une mouvance lefebvriste ou traditionaliste. Une tendance qui n'est plus marginale… mais qui reste marginalisée par la hiérarchie.
«Une génération inquiète»
Témoin, le succès étonnant de la communauté Saint-Martin de sensibilité très classique. Elle compte, à elle seule, 90 prêtres actifs et autant de séminaristes sans compter une année propédeutique qui attire beaucoup de jeunes. Tout comme des séminaires diocésains de styles classiques séduisent davantage aujourd'hui. Dans ce contexte, le dixième anniversaire du motu proprio de Benoît XVI visant à normaliser la messe en latin selon le missel de 1962, n'est pas totalement anecdotique. La tendance lourde du goût des jeunes catholiques pour une certaine tradition se confirme de plus en plus clairement.

Comment, dès lors, l'Église de France voit-elle l'avenir des vocations dans ce climat auquel il faut ajouter les effets de la crise pédophile? Secrétaire général adjoint de l'épiscopat, le père Pierre-Yves Pecqueux admet que «la période est difficile» mais que «le réveil est possible» si «nous avons assez d'audace pour proposer le chemin du ministère à des jeunes hommes pour la vie» et «si nous sommes assez porteurs de la joie de l'Évangile qui n'est pas un slogan, mais une contagion». Directeur du séminaire de Paris, le père Stéphane Duteurtre observe: «On a affaire, comme tous les contemporains, à une génération inquiète», mais «plusieurs centaines de garçons de grande qualité choisissent cette voie par amour du Christ. Ils ne sont pas une petite poignée en perdition!» Son confrère, le directeur du séminaire de Lille, le père Jean-Luc Garin, ajoute: «Le nombre des vocations est proportionnel au nombre de chrétiens fervents et actifs. N'oublions pas que nous assistons incontestablement à la naissance d'une “génération François” motivée par une réelle créativité missionnaire.»