17 décembre 2014

[Paix Liturgique] Summorum Pontificum au pied du Col d'Aspin

SOURCE - Paix Liturgique - Lettre 469 - 17 décembre 2014

C’est un joli conte de Noël que nous a raconté La Dépêche du Midi dans son édition des Hautes-Pyrénées du 2 décembre 2014 sous le titre « Il dit la messe en latin le dimanche, à Arreau ».

Entre col de Peyresourde et col d’Aspin, l’ensemble paroissial d’Arreau regroupe une trentaine de clochers pour un peu plus de 3000 habitants. Jeune prêtre issu des MEP (les Missions étrangères de Paris), l’abbé Petit y est curé depuis 2013, nommé par Mgr Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes. Et, depuis septembre 2014, il applique le Motu Proprio Summorum Pontificum le dimanche à 18 heures.

Nous vous proposons cette semaine l’article consacré par le quotidien régional à l’abbé Petit, suivi de nos commentaires.
I – L’ARTICLE DE LA DÉPÊCHE

article de Christian Sarrabayrouse, La Dépêche du Midi, 2 décembre 2014
Arreau. Village de charme. Magnifique. Réputé. Où se pratique désormais une messe en latin. Dont la notoriété commence à dépasser le cadre de la vallée.

Ringard. D’un autre temps. On entend déjà des voix (pas celle du Seigneur) s’élever pour décrier cette pratique remise au goût du jour : une messe en latin, le dimanche, à 18 heures, en l’église paroissiale Notre-Dame de l’Assomption à Arreau.

« Cette messe m’a été demandée par des fidèles. Ce n’est pas un retour en arrière, mais une découverte. J’avais l’impression qu’on m’avait caché un trésor. Et un trésor, c’est fait pour être partagé », confie l’abbé Antoine-Marie Petit. Qui, à 34 ans, porte la soutane. Naturellement… Comme une évidence.

« Tous les prêtres peuvent dire cette messe. Benoît XVI a rendu cette pratique possible en juillet 2007 », ajoute l’homme d’église qui invite les croyants, mais pas seulement, à cette «découverte».

« Une messe, c’est public. Vient qui veut. Lors d’une messe en français, on fonctionne avec l’intellect. Avec une messe en latin, on comprend au niveau du cœur. Il n’est pas nécessaire de connaître le latin. On rentre dans une prière qui ne nous appartient pas et c’est très beau », explique l’abbé Petit qui précise « qu’avec un missel, on peut cependant tout comprendre ». Les plus inquiets, les plus perfectionnistes ou les moins éclairés seront rassurés.

« C’est aussi une bonne chose pour la vallée », indique le prêtre, conscient de l’intérêt de cette « spécificité » pour les « locaux », les touristes et les gens de passage.

Le temps finit toujours par faire son œuvre.

L’abbé Antoine-Marie Petit est arrivé à Arreau il y a un an et trois mois. La messe en latin est pratiquée depuis septembre dernier dans cette localité.

À noter que dans les réseaux sociaux, on en parle de plus en plus.

«Autrement, il faut aller à Tarbes ou à Toulouse pour d’autres messes en latin», déclare le prêtre qui rappelle que le latin est une langue sacrée. «Il y a une dimension très mystérieuse lors des messes en latin», conclut l’abbé.

L’article est illustré d’une photo et de la mention du nombre de fidèles (15) qui assistent en moyenne à la messe.
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) La Dépêche du Midi est un des titres historiques de la presse quotidienne régionale française. Propriété de la famille Baylet, ce titre, qui compta parmi ses collaborateurs Jaurès et Clémenceau, n’a jamais fait mystère de son engagement radical-socialiste. Son actuel PDG, Jean-Michel Baylet, est aussi président du Parti radical de gauche et membre du Grand Orient. Qu’un tel titre, anticlérical par nature, se penche avec objectivité sur le retour de la liturgie traditionnelle dans une paroisse des Pyrénées est donc en soi significatif. Cela l'est même encore plus quand d’autres titres régionaux viennent de faire de même : La Voix du Nord au sujet de la messe de Dunkerque (article que nous avons commenté dans notre lettre 461) et Le Parisien à propos de la messe des Chapelles-Bourbon (voir notre lettre 457). Cet intérêt de la presse profane pour la diffusion lente mais continue de la forme extraordinaire du rite romain tranche avec le grand silence, quasi négationniste, des médias catholiques, à commencer par La Croix, le quotidien officieux des évêques de France.

2) « Un petit nombre suffit » nous disait le cardinal Zen la semaine dernière. Visiblement, le curé d’Arreau en est lui aussi convaincu puisqu’il a décidé d’appliquer le Motu Proprio pour une moyenne de 15 fidèles nous dit La Dépêche. Un petit groupe auquel l’abbé Petit a toutefois offert, sans ces manœuvres dilatoires auxquelles tant de ses confrères plus âgés nous ont habitués, la possibilité de vivre leur foi selon le choix préférentiel qui est le leur, comme l’Église leur en a donné le droit.

3) Nous ne connaissons pas le curé d’Arreau mais son âge, sa soutane et son appartenance aux Missions étrangères de Paris, MEP – la plus célèbre des congrégations missionnaires françaises, tournée vers la mission sans préjugés catéchétiques ou pastoraux –, nous incitent à penser qu’il fait partie de ces « catholiques néoclassiques » dépeints par Yann Raison du Cleuziou à la page 99 de son intéressante étude sur Qui sont les cathos aujourd’hui ? (DDB, 2014) : « Les enquêtés parlent beaucoup de ces nouveaux prêtres en col romain qui arrivent dans les paroisses et en changent l’orientation. Ils ont entre 30 et 40 ans et se présentent souvent comme la génération Jean-Paul II [et] entreprennent de restaurer une différence catholique visible. » Tous les diocèses de France voient ainsi arriver des prêtres et des séminaristes de ce type classique. Nous l’avons souvent souligné dans nos réflexions sur les chiffres des ordinations et des rentrées de séminaristes : les nouvelles générations de prêtres, libérées des œillères idéologiques du XXème siècle, feront faire un pas décisif à la paix et à la réconciliation à laquelle la plupart des catholiques aspirent aujourd’hui, qu’ils soient « optimistes », « zélés » ou « dégagés » selon les catégories utilisées par Yann Raison du Cleuziou.

4) Le journaliste de La Dépêche évoque avec humour quelques manifestations de mauvaise humeur : « On entend déjà des voix (pas celle du Seigneur) s’élever pour décrier cette pratique remise au goût du jour ». Ces voix, que l'on imagine facilement ecclésiastiques plus que laïques, ne devraient pas trouver longtemps de quoi nourrir leur mécontentement tant l'abbé Petit semble d'un caractère apaisé et tant la cérémonie elle-même – une messe vespérale au fond d'une vallée – ne paraît guère menacer les équilibres diocésains.

5) Complexité de la géographie pyrénéenne aidant, la plupart des fidèles d’Arreau ne sont pas des nomades parcourant le département pour trouver la messe mais des habitants des environs venant de la forme ordinaire, nouvelle confirmation des résultats de notre campagne de sondages menée entre 2008 et 2012 et de l’existence de ces silencieux de l’Église qui n’ont pas rompu le lien avec LEUR paroisse malgré la tempête postconciliaire. Rappelons qu'un catholique sur trois, et pas seulement dans l'ouest parisien comme le veut la vulgate épiscopale, assisterait volontiers à la liturgie traditionnelle si celle-ci était offerte dans sa paroisse... À ce noyau de locaux devrait se greffer durant les vacances de Noël et d’hiver quelques fidèles de passage, venus skier dans les grandes stations que sont Peyragudes et Saint-Lary-Soulan. Selon nos informations, l'abbé Petit envisage d'offrir à ses paroissiens la messe de Minuit selon le missel de saint Jean XXIII. Avis aux skieurs Summorum Pontificum !

(*) Les détails des messes dans les vallées de l'Aure et du Louron sont ici.