13 décembre 2014

[Lycobates - Le Forum Catholique] Mgr. Blasius Sigebald Kurz OFM

SOURCE - Lycobates - Le Forum Catholique - 13 décembre 2014

Le 13 décembre est le jour du décès, en 1973 à Waldsassen en Bavière palatine, d'un évêque, d'un confesseur anticonciliaire et antimoderniste, des moins connus. Il convient de ne pas l'oublier, de prier pour son âme, de remercier Dieu pour ses peines dans la vigne du Seigneur, aussi, et surtout pour nous, après son retour en Europe.

Né le 3 février 1894 à Sontheim dans le royaume de Wuerttemberg, il professe chez les Franciscains en 1914 et fut ordonné le 21 décembre 1919 par le cardinal Faulhaber. Pendant quatre ans il reste à Nurenberg comme aumônier de jeunes gens. En 1923 il est envoyé en Chine pour y rester comme missionnaire jusqu'en 1933. Il y développe une grande activité de bâtisseur et d'organisateur, sans se décourager par le manque apparent de succès de la mission. Il doit retourner pour des raisons de santé.

Rétabli, il repart de l'autre côté du monde lorsqu'il devient préfet apostolique de Mount-Currie en Afrique du Sud, établi en 1935. En élevant cette préfecture au rang de vicariat apostolique (au nom de Kokstad), le 11 juillet 1939, le pape Pie XII le nomme évêque titulaire de Terenuthis (en Égypte) et son premier vicaire apostolique (Kokstad allait encore devenir diocèse en 1951). Il est sacré à Rome par le Pape lui-même le 29 octobre 1939. Dénoncé faussement (par un confrère, comme il s'avéra par la suite) d'être un partisan du national-socialisme il est incarcéré dans un camp de concentration sud-africain. Il reste dans ce pays jusqu'en 1946, lorsqu'il doit liberer son siège pour un anglophone (Irlandais en l'occurrence, Mgr. McBride, nommé formellement seulement en 1949). Cet épisode hélas typique le marqua douloureusement.

Mgr. Kurz repart en Chine dès 1948, le pape vient de le nommer préfet apostolique de YungChow (Hunan) le 21 mai 1948, mais pour très peu de temps, car il sera bientôt expulsé par les communistes. Il en sera le dernier préfet, de jure jusqu'à sa mort en 1973. Il ira d'abord aux États-Unis pour s'occuper des réfugiés de son territoire. Il y restera environ 20 ans. Il participe pendant ce temps aux quatre sessions du malheureux rassemblement appelé par ses partisans "Vatican II", où il reste apparemment plutôt discret. Mais comme d'autres il se rendra bientôt compte des conséquences funestes qu'allait prendre la Réforme moderniste. Toujours aux États-Unis il prend part, à New York, aux actions précocement anticonciliaires de l'abbé flamand Gommar DePauw qui y avait fondé en 1964 déjà le Catholic Traditionalist Movement. Comme lui, il refusera notamment de façon absolue le NOM et les nouveaux rites conciliaires, ainsi que (plus tard, et non comme Father DePauw) aussi la légitimité de leur promulgateur.

En 1969 Mgr. Kurz retourne en Allemagne, où il est bientôt approché par des fidèles et des prêtres et séminaristes en désarroi. Son attitude intransigeante dans la foi est bientôt connue et les conséquences ne tardent pas. En tant qu'évêque franciscain (empêché de résidence dans son diocèse), il avait non seulement le droit de choisir lui-même le couvent de sa retraite, mais de plus de choisir un père comme secrétaire et un frère comme son serviteur. Il ne fit rien de la sorte. Même pour le choix de son lieu de résidence il se contenta de demander l'hospitalité. Il sollicita six fois et les six couvents où il sollicitait de pouvoir résider et célébrer lui refusèrent l'accès. Finalement un peu gêné Mgr. Graber à Ratisbonne lui demanda bon gré mal gré d'assurer l'aumônerie dans une maison de repos, mais l'hostilité du clergé local annulera à la longue aussi cette possibilité. Ce sont des simples fidèles, plus tard connus comme "traditionnalistes", qui l'ont finalement accueilli pour célébrer la Messe et administrer les sacrements.

Ainsi, le 2 novembre 1970 il ordonna (après l'avoir incardiné dans son diocèse chinois, existant de jure) l'ecclésiastique Felix Jeker, bien entendu dans le rite multiséculaire de l'Église latine. Né en Suisse allemande le 2 décembre 1944, Felix Jeker avait étudié au séminaire diocésain de Lucerne et à Rome (doctorat à l'Angelicum) mais n'avait pas pu ni voulu se confier aux mains devenues douteuses d'un évêque ordinant post-1968. L'abbé Jeker, devenu formellement prêtre de la préfecture de YungChow, a pu officier una cum omnibus orthodoxis, et administrer les vrais sacrements dans plusieurs chapelles et oratoires, semi-publics ou privés, surtout en Suisse, pendant les vingt ans de sa vie de prêtre, jusqu'à sa mort prématurée le 7 décembre 1990.

Le 21 septembre 1973, quelques mois seulement avant sa mort, il ordonna encore, également pour la préfecture de YungChow, et également dans le rite multiséculaire de l'Église latine, dans une petite église cachée de Egg (canton Zurich), l'ecclésiastique Günther Storck. Dans une petite église cachée, car on voulait éviter de procéder à l'ordination de ce brillant assistant du professeur "conservateur" Leo Scheffczyk à Munich sous l'oeil malveillant de Mgr. Doepfner, à l'époque le ravageur moderniste de service attitré pour Munich, bientôt suivi par d'autres.
Né en 1938 à Borken en Westphalie, Günther Storck fit d'abord des études de philologie germanique et classique à Muenster, Berlin et Munich. Il entra pour ses études de théologie au Borromaeum de Muenster en 1962, pour continuer à Munich à partir de 1967 chez le professeur Scheffczyk (son Doktervater, la promotion eut lieu en 1976). Mais les conséquences du Vatican d'Eux ne se laissaient pas attendre. Après le décès de Mgr Kurz, d'autres candidats à la prêtrise, ayant une vision ecclésiologique différente de la FSSPX, n'avaient plus d'évêque en Allemagne. Pour y rémédier au moins quant à l'instruction, l'abbé Storck fonda en 1980 le Seminar Heilig Blut (finalement à Munich) où il enseigna (avec d'autres). Pour pouvoir procéder à des ordinations, et continuer à assurer les vrais sacrements et la célébration de l'oblatio munda, Mgr. Guérard des Lauriers (de la lignée Thuc) le sacra évêque à Étiolles le 30 avril 1984. Quatre prêtres, tous actifs aujourd'hui, ont été instruits et ordonnés par lui, jusqu'à sa mort, prématurée aussi, par une hémorrhagie, le 23 avril 1993. Ils sont en quelque sorte des petits-fils de Mgr. Kurz.
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D'une grande foi inébranlable et d'une extraordinaire piété surtout mariale Mgr. Kurz fut une personnalité electrisante, vraiment missionnaire, un "géant", non seulement physique. Il célébrait le sacrifice, geste et parole, dans le plus grand respect de la moindre rubrique et avec une dignité hiératique que ceux qui l'ont vu n'oublieront jamais. Il portait toujours sur lui les Saintes Huiles, le Rituel romain et une étole, et il lui est arrivé de convertir quelqu'un, par une conversation fortuite, et d'entendre sa confession sur le champ, assis sur un banc en ville. 
Les épreuves de sa vie missionnaire en Chine et en Afrique, on y voit le chemin de la Providence, ont dû le préparer pour la plus dûre épreuve que fut celle de ses dernières années,redux in patria, mais ce n'est pas sa faute s'il a dû dire (comme il l'a fait selon plusieurs témoins): "Ich schäme mich, ein Franziskaner zu sein" (J'ai honte d'être un franciscain). Il a fait honneur à l'esprit de Saint François, le vrai.

R.I.P.