12 juillet 2013

[Credidimus Caritati] «Je crois en la sainteté de Madame Lefebvre»

Madame René LEFEBVRE
née Gabrielle WATINE
1880 - 1938
SOURCE - Crédidimus Caritati - 12 juillet 2013

Non, il ne s’agit pas pour nous de canoniser tout ce qui se rapproche de près ou de loin du fondateur de la Fraternité Saint-Pie X. Cette phrase concernant Gabrielle Watine, la mère de Monseigneur Marcel Lefebvre, ne peut pas être soupçonnée de reconstituer un univers arrangé a posteriori. Elle a été prononcée et même écrite à une époque où le jeune vicaire apostolique de Dakar, venant d’être sacré à l’âge de quarante-deux ans, était un prélat parfaitement inconnu dans le monde et même en France.

Il se trouve qu’à la même époque, à des milliers de kilomètres du Sénégal où le jeune prélat déployait son apostolat, le directeur spirituel de sa mère, le Révérend Père montfortain Louis Le Crom, décida de rédiger et de publier la vie de sa protégée, tant il en avait été édifié : 
« Si j’ai accepté de présenter cette esquisse biographique, écrite d’après les témoignages directs et irrécusables, c’est que je crois en la sainteté de Madame Lefebvre. Certes, nous ne devons pas préjuger des décisions de l’Église, mais, en pleine soumission à son autorité, ne nous est-il pas permis d’exprimer nos sentiments d’admiration pour des âmes qui semblent avoir réalisé l’idéal de la perfection chrétienne ? »
Gabrielle Watine était la quatrième des sept enfants d’un foyer de filateurs de Roubaix qui ne compta pas moins de dix vocations à la génération des petits-enfants. Très fervente, elle se rendait chaque jour à la messe avec son mari, René Lefebvre, et deux fois par an, ils traversaient la France pour se rendre à Lourdes, accompagnés de leurs enfants. Devenue la supérieure du tiers-ordre de saint François, elle développa une vie intérieure qui frappait son entourage :
« J’ai eu bien fréquemment l’occasion d’assister à la messe non loin de Madame Lefebvre – rapporte une paroissienne de Notre-Dame de Tourcoing – et j’ai été fort édifiée de sa piété et de son recueillement, surtout après la sainte communion ; on la sentait tellement absorbée en Dieu que ce n’est pas une distraction de la regarder, c’était un appel à la sainteté qu’elle diffusait à son insu autour d’elle ».
Elle se fit également remarquer dans l’adversité. Au cours de la Première Guerre mondiale, elle fut incarcérée à la mairie par les Allemands parce qu’elle ne consentait pas, en absence de son mari, à loger l’ennemi dans la maison paternelle. Après le conflit, alors que l’industrie textile était touchée par une grave crise économique, elle s’appliqua à tenir les comptes de l’usine que dirigeait son époux, sans pour autant négliger les devoirs familiaux. Sa force, elle la trouvait dans une inébranlable confiance en Dieu dont elle témoignait par exemple dans ces lignes qu’elle adressait un jour à l’une de ses filles :
« J’aime à me figurer, en pensant à toi, une enfant qui se trouve complètement entre les mains de Dieu et toute disposée à se mettre à l’heure de la Providence. C’est ainsi que je te recevrai joyeusement, n’ayant d’autres désirs que ceux que le bon Dieu aura pour toi ».
Ses nombreux écrits témoignent par ailleurs d’une profonde intimité avec son Créateur :
« Mon bon Maître, je n’ai qu’un désir : c’est de te voir régner en cet être que tu m’as donné, et toujours de plus en plus ; que ce souffle de mon âme qui est une portion de Dieu, reste pur d’une pureté divine, et que mon corps par lui soit animé d’une vie toute céleste ».
Clouée prématurément sur son lit de mort par une maladie aussi douloureuse que rapide, entourée de ses trois derniers, elle s’adressa à ses autres enfants, entrés en religion et dispersés aux quatre coins du monde :
« A mes cinq aînés : merci de m’avoir donné tant de consolations. Je vous demande de continuer à prier pour moi. Là-haut, je vous serai plus présente encore que sur la terre. Je vous aiderai. »
Gabrielle Watine a été rappelée à Dieu il y a tout juste soixante-quinze ans, le 12 juillet 1938 et son corps repose toujours au cimetière de Tourcoing. Resté veuf, René Lefebvre songea à entrer dans une abbaye bénédictine mais avant de conclure son dessein, il fut arrêté par la Gestapo et envoyé au camp nazi de Sonnenbourg. Avant d’y trouver la mort, il témoignait encore auprès de ses codétenus des vertus de sa défunte épouse.

Tous ces extraits sont issus du livre Une mère de famille, Madame Gabrielle Lefebvre écrit par le R.P. Louis Le Crom en 1948 et réédité par les éditions Marchons Droit, sises à Notre-Dame du Pointet, BP 4, 03110 Broût-Vernet.