15 mars 2011

[Lettre à nos frères prêtres / FSSPX] Les thèmes spécifiques de l'offertoire

SOURCE - Lettre à nos frères prêtres n°49 - Mars 2011

Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France
Directeur de Publication : abbé Régis de Cacqueray. Rédacteur en chef : abbé Grégoire Celier

Pour continuer nos réflexions sur l’offertoire, amorcées avec le numéro 47, il est bon d’essayer de déterminer les thèmes spécifiques qui se retrouvent systématiquement dans les divers offertoires (quel que soit leur nom) des liturgies des Églises d’origine apostolique. Pour ce faire, nous publions ci-après quelques extraits des offertoires de quatre rites : un latin de la famille du rite romain, mais comportant beaucoup de cérémonies propres (rite ambrosien) ; un latin tout à fait indépendant du rite romain (rite mozarabe) ; deux orientaux (arménien et chaldéen), substantiellement différents du rite oriental le plus connu, le rite byzantin. Pour des raisons de place, nous nous sommes limités à ces exemples, mais les offertoires de toutes les liturgies offrent des thèmes étonnamment parallèles.
Rite ambrosien (Milan)
«Dieu tout-puissant et éternel, que vous soit agréable et acceptable cette oblation que moi, indigne, j’offre à votre piété pour moi-même, misérable pécheur, et pour mes innombrables fautes, pour que vous m’accordiez le pardon et la rémission de tous mes péchés ; ne regardez pas mes iniquités, mais que votre seule miséricorde me profite, à moi qui suis indigne».
«Recevez, Trinité sainte, cette oblation que nous vous offrons pour la bonne direction, la garde et l’unité de la foi catholique ; pour la vénération de la bienheureuse Vierge Marie, et de tous vos saints ; pour le salut et la sauvegarde de tous vos serviteurs et servantes, et de tous ceux pour qui nous devons implorer votre clémence car nous avons reçu leurs aumônes, et de tous les fidèles chrétiens, tant vivants que morts : afin que, par votre miséricorde, persévérant fidèlement dans vos louanges, ils méritent d’obtenir la rémission de tous leurs péchés et la récompense de l’éternelle béatitude, à la gloire et à l’honneur de votre nom, ô Dieu, très miséricordieux Créateur de toutes choses. Par le Christ, notre Seigneur».
«Recevez, Trinité sainte, cette oblation, que nous vous offrons en mémoire de la Passion, de la Résurrection et de l’Ascension de notre Seigneur Jésus-Christ ; et en l’honneur de tous vos saints, qui vous ont plu depuis le début du monde, et spécialement de ceux dont la fête est célébrée aujourd’hui, ou dont les reliques sont ici présentes ; pour que [cette oblation] soit à leur honneur, en même temps que salutaire pour nous ; en sorte que tous ceux dont nous faisons mémoire sur cette terre daignent intercéder pour nous dans le Ciel. Par le même Christ notre Seigneur».
«Recevez, Trinité sainte, cette oblation pour mon amendement, et purifiez-moi des taches de mes péchés ; en sorte que je mérite de vous servir dignement, très clément Dieu et Seigneur».
Rite mozarabe (Espagne)
«Daignez, Seigneur, purifier ce vase : dans lequel j’espère consommer votre précieux et saint corps. Vous qui avec le Père et le Saint-Esprit vivez et régnez dans tous les siècles des siècles. Mettez dans ce calice, Seigneur, nous vous en prions, ce qui jaillit de votre côté : et que cela se fasse en rémission de nos péchés. Amen. (…) Du côté de notre Seigneur Jésus-Christ sortit du sang et de l’eau : nous les mêlons pareillement, pour que Dieu miséricordieux daigne les sanctifier pour le salut de nos âmes» (préparation du calice, au début de la messe).
«Que soit acceptable par votre Majesté, Dieu éternel et tout-puissant, cette oblation que nous offrons pour nos fautes et nos crimes ; pour la stabilité de la sainte Église catholique et apostolique, et pour ceux qui professent la foi. Par le Christ notre Seigneur».
«Nous vous offrons, Seigneur, ce calice, pour que soit béni le sang du Christ votre Fils ; et nous implorons votre clémence, pour qu’il s’élève devant votre divine Majesté avec une odeur agréable.
Par le même Christ notre Seigneur».
«Recevez, Seigneur, cette oblation de façon favorable ; et remettez les péchés de tous ceux qui l’offrent et de tous ceux pour qui elle est offerte. Par le Christ notre Seigneur».
Rite arménien
«Le Corps et le Sang du Rédempteur sont ici présents. Les puissances célestes, invisibles, chantent et disent d’une voix incessante : Saint, Saint, Saint est le Seigneur des armées». «[Ô Roi de gloire], nul n’est digne parmi ceux qui sont liés par les désirs de la chair ou par les voluptés de venir à toi, de s’approcher de toi, de t’offrir un sacrifice, car te servir est une chose grande et redoutable, même pour les Puissances célestes». «Néanmoins, à cause de ton ineffable bonté, tu t’es fait homme sans changement ni altération de ton être, tu es devenu notre grand-prêtre et tu nous as donné le ministère de ce commun sacrifice non sanglant, comme étant Maître de toutes choses».
«Toi seul en effet, Seigneur notre Dieu, tu commandes au ciel et à la terre, tu es assis sur le trône des Chérubins, tu es le Seigneur des Séraphins et le Roi d’Israël ; tu es le seul Saint, tu reposes parmi les saints. Je t’en prie donc, toi le seul bon et propice, jette les yeux sur moi, qui suis un pécheur et ton serviteur inutile, et purifie mon âme et mon coeur d’une conscience mauvaise». «Toi, Seigneur, à qui nous offrons ce sacrifice, accepte de nous cette oblation et mène-la à son terme en sacrement du Corps et du Sang de ton Fils unique. Que ce pain et ce calice soient donnés comme remède en rémission des péchés à ceux qui y communient».
Rite chaldéen (anaphore d’Addaï et Mari)
«Que nos coeurs soient lavés et purifiés de toute intention mauvaise afin que nous soyons dignes d’entrer dans le Saint des saints haut et sublime, et que nous nous tenions devant ton saint autel, dans la pureté, la sainteté et la vigilance, et afin que nous t’offrions des sacrifices spirituels et raisonnables, dans un esprit de foi véritable». «Toi donc, ô Très Bon, qui ne t’irrites pas pour toujours, et qui ne gardes pas ta colère éternellement, détourne ta face de mes péchés et efface mes iniquités par ta grande miséricorde, Père, Fils et Saint-Esprit à jamais».
«Mes frères, priez pour moi, afin que cette offrande soit accomplie par mon intermédiaire.
R : Que Dieu le Seigneur de l’univers, par sa grâce et sa miséricorde, te fortifie pour accomplir sa volonté et qu’il accepte ton offrande et prenne plaisir à ton sacrifice, pour nous, pour toi et pour les quatre coins du monde, à jamais. Amen». «Oui, notre Seigneur et notre Dieu, ne regarde pas la multitude de nos péchés, et que ta Majesté ne se détourne pas en raison du poids de nos iniquités ; mais plutôt, dans ta bonté ineffable, agrée ce sacrifice de nos mains, et donne-lui la puissance et la vertu d’effacer nos fautes innombrables, afin qu’à l’Avènement de ton Fils bien-aimé, à la fin des temps, revenant dans notre condition humaine, nous trouvions à ses yeux grâce et miséricorde, et méritions de chanter ses louanges avec la foule des esprits célestes».
Spécificités de l’offertoire… notamment de l’offertoire romain !
On ne peut qu’être frappé de la convergence de ces textes. Tous, ils développent avec insistance des thèmes spécifiques, que l’on retrouve très clairement dans l’offertoire romain traditionnel. Il convient ici de se souvenir que l’offertoire participe au «déploiement liturgique» (cf. LNFP 45, p. 4), c’est-à-dire qu’il explicite certains thèmes de l’action christique indivisible.

Les thèmes que développent avec une unanimité étonnante tous les offertoires sont au nombre de trois. Il s’agit d’abord de l’offrande d’un sacrifice (oblation). C’est le thème premier et majeur, que le mot «offertoire» exprime de façon très claire. A ce moment liturgique (pur «déploiement» de l’instant indivisible de la consécration), le Christ exprime son intention d’offrir, comme le dit magnifiquement le concile de Trente, «un vrai et réel sacrifice». Il s’agit ensuite, par ce sacrifice, d’implorer le pardon des péchés innombrables des chrétiens, des assistants, mais spécialement du prêtre lui-même (propitiation). Ce sacrifice, enfin, est offert pour le salut de ceux qui l’offrent, de ceux pour qui il est offert, et de tous les fidèles chrétiens, tant vivants que morts (rédemption).

L’offertoire du missel romain traditionnel n’est donc pas une singularité, un hapax liturgique créé récemment : par les thèmes qu’il développe et explicite, en harmonie avec les offertoires de toutes les liturgies, il s’inscrit pleinement dans la tradition de l’Église antique et indivise.