29 juin 2011

[Mgr Alfonso de Galarreta - DICI] «On n’a pas à choisir entre la foi et la charité ; on doit embrasser les deux !»

SOURCE - Mgr Alfonso de Galarreta - DICI - 29 juin 2011

«On n’a pas à choisir entre la foi et la charité ; on doit embrasser les deux!»
Sermon de Mgr Alfonso de Galarreta lors des ordinations du 29 juin 2011, à Ecône (Suisse)

Excellences,chers confrères,
chers ordinands,
mes bien chers frères,

Nous voici réunis, une année de plus, au séminaire d’Ecône, la Maison mère de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, afin de conférer le diaconat et le sacerdoce, afin d’accomplir par là ce qui constitue la vocation et la mission de la Fraternité. Il s’agit de transmettre, conserver, vivre le sacerdoce catholique afin d’assurer la pérennité de la Foi et de l’Eglise catholique.

Le Prêtre est un alter Christus, un autre Christ. Il agit in persona Christi, en la personne du Christ. C’est donc vraiment le sacerdoce du Christ parmi nous. C’est la présence du Christ parmi nous. Le prêtre assure la continuité des bienfaits de l’Incarnation de Notre Seigneur, de sa vie, son enseignement, sa grâce, sa rédemption. Et c’est là vraiment ce qui est l’essentiel. Au travers de cette crise – crise de la foi, crise de l’Eglise – il est évident que nous ne pouvons pas nous abstraire, ignorer la situation dans laquelle nous sommes, et surtout la situation de la sainte Eglise. A vrai dire, pour l’essentiel rien ne change. Pour l’essentiel il n’y a rien de changé. 

Le libéralisme tente de concilier le catholicisme et la pensée issue de 1789

Mgr Lefebvre avait bien vu et défini quel est le mal de notre temps, de la société, et surtout le mal dans l’Eglise. Ce mal s’appelle tout simplement le libéralisme. C’est cette conciliation, cet essai de conciliation entre l’Eglise et le monde, entre la foi catholique et les principes libéraux, entre la religion catholique et la pensée issue de 1789. Tout est là, tout le problème gît là. Tout le reste ce ne sont que des justifications théoriques, subtiles, sophistiquées, de la théologie moderniste pour justifier cette adaptation faite par le Concile Vatican II et par les autorités avec le monde issu de la révolution, avec le monde libéral.

Et je voudrais vous citer quelques paroles dues à celui qui était alors le cardinal Ratzinger dans lesquelles il affirme avec simplicité et clarté précisément cela. Dans un souci de fidélité et de précision, je vais vous les lire. Elles sont assez courtes.

« Vatican II avait raison de souhaiter une révision des rapports entre l’Eglise et le monde. Car il y a des valeurs qui, même si elles sont nées hors de l’Eglise, peuvent, une fois examinées et amendées, trouver leur place dans sa vision [du monde] ». (Entretien sur la foi, cardinal Ratzinger et Vittorio Messori, 1985, Fayard, p. 38)

« Le problème des années soixante était d’acquérir les meilleures valeurs exprimées par deux siècles de culture libérale ». (Entretien avec Vittorio Messori, mensuel Jesus, novembre 1984, p. 72)
Le pape actuel, Benoît XVI, à l’époque cardinal Ratzinger, montre également comment la constitution Gaudium et spes est le « testament du Concile », il indique son intention et définit sa physionomie en ces termes :

« Si l’on cherche un diagnostic global du texte [de Gaudium et spes] on pourrait dire qu’il est, en liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde, une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-syllabus. Le texte joue le rôle d’un contre-syllabus dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l’Eglise avec le monde tel qu’il était devenu depuis 1789 ». (Les principes de la théologie catholique, cardinal Joseph Ratzinger, 1982, Téqui, p. 427)

Voilà des textes et des affirmations assez clairs. C’est un aveu d’importance capitale, autorisé et qui nous dispense de prouver ces affirmations. Si eux-mêmes confessent que c’est comme cela, il n’est plus besoin que nous le prouvions. Vatican II a été bel et bien une conciliation de la religion catholique, de la foi de l’Eglise avec le libéralisme, avec la révolution et les principes de la Révolution française, et même – comme le pape le dit ailleurs – de la pensée de la foi avec la pensée des Lumières. Ces affirmations appellent plusieurs réflexions, plusieurs remarques.

Car tout d’abord comment est-il possible qu’il y ait des valeurs touchant si essentiellement l’ordre naturel et surnaturel – pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’Eglise avant et après le Concile ! –, comment peuvent-elles, ces valeurs, naître en dehors de l’Eglise ? L’Eglise n’est donc pas la dépositaire de la Vérité ? L’Eglise catholique n’est pas la vraie Eglise ? Et la Vérité évolue alors au gré de l’histoire et du temps, des cultures et des lieux ? Il n’est pas vrai de dire que ce sont des valeurs nées en dehors de l’Eglise. Déjà, un auteur comme Chesterton disait que les idées de la Révolution française sont des idées catholiques devenues folles. Et nous pourrions dire avec plus de précision : ce sont des vérités catholiques indûment transposées dans l’ordre naturel, des idées qui sont vraies dans l’ordre surnaturel, avec des limites, mais qui ont été transposées directement dans l’ordre naturel.

Si vraiment le Concile Vatican II avait pris les valeurs libérales et les avait corrigées, purifiées et amendées, alors on aurait retrouvé tout simplement la vérité catholique de toujours, puisque ce sont des vérités chrétiennes déformées. Le libéralisme est une hérésie chrétienne, catholique, de par son origine, je veux dire.

D’autre part, il était quand même téméraire de vouloir cette conciliation alors qu’un magistère constant des papes, pendant deux siècles et demi, a condamné ces supposées valeurs : elles ont été condamnées en gros et en détail. Non seulement la possibilité d’une telle conciliation était condamnée, mais était également condamnée la nécessité d’affirmer une telle conciliation. C’est le Syllabus, c’est Pie IX.

Il y a là un des péchés originels du Concile. Très souvent ils nous mettent devant les yeux le magistère et l’autorité. Souvent c’est le seul argument qu’ils ont. Alors qu’ils ont, eux, commencé par se débarrasser d’un magistère de deux siècles et demi, et par faire précisément ce que les papes avaient à l’avance condamné. C’est plus que téméraire.

Ensuite on cherche une conciliation avec le monde, avec un monde éloigné de Dieu et opposé à Dieu. Voyez le monde, il suffit de regarder autour de nous pour comprendre de quel monde il s’agit. Or, l’Ecriture est très claire. Saint Jean nous dit : « Tout ce qui vient du monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie ». (I, Jean, 2, 16). Et l’apôtre saint Jacques disait aux chrétiens : « Adultères, ne savez-vous pas que l’amitié de ce monde est une inimitié contre Dieu. Quiconque veut donc être ami de ce monde, se rend et s’établit ennemi de Dieu ». (Jacques, 4, 4) 

L’esprit d’indépendance conduit à la déification de l’homme

Car enfin, quelle est l’essence, la substance, le noyau de cette pensée libérale ? Les papes et les grands auteurs du XIXe et du XXe siècle ont déjà tout dit. C’est tout d’abord le naturalisme, c’est la négation de l’ordre surnaturel, de la Révélation, de la grâce, et en conséquence et dans cet ordre, négation de l’Eglise, du Christ, de Dieu. Le naturalisme cohérent aboutit à l’athéisme. Et le communisme est là pour nous le rappeler : on n’avait jamais vu une telle horreur dans l’histoire de l’humanité. Deuxièmement, c’est l’esprit d’indépendance et de rébellion. Indépendance par rapport à tout : indépendance de l’intelligence par rapport au Vrai, de la volonté par rapport au Bien, de l’homme par rapport à Dieu, par rapport à l’autorité. Et troisièmement, c’est la déification de l’homme. Déjà saint Pie X le signalait : l’homme se substitue à Dieu, il se fait dieu et il ordonne la gloire à lui-même et la création à lui-même.

Donc on a tenté, on a essayé une conciliation avec ces idées-là, foncièrement et radicalement contraires à la Foi catholique, et tout simplement contraires à l’ordre naturel, à la réalité. Bien sûr, puisqu’il s’agit d’une tentative de conciliation, ils n’ont pas réaffirmé ces principes tels quels. Ils n’ont pas nié l’ordre surnaturel mais ils l’ont réduit et inclus dans la nature. Ils n’ont pas nié l’Eglise, mais ils ont mis l’Eglise au service du monde, le royaume des cieux sur la terre, au service du monde et au service de cette entreprise humaniste de l’unité du genre humain et de la paix, toujours dans l’ordre naturel. Voyez Assise par exemple, Assise III qui est présenté ainsi.

Ils n’ont pas nié le Christ, mais ils ont mis le Christ au service de l’homme. Le Christ est uni à tout homme, il révèle l’homme à l’homme et, avec sa grâce, il fait que l’homme soit un homme parfait. Voilà leur doctrine. Ils n’ont pas affirmé l’indépendance absolue de l’homme par rapport à Dieu, mais ils sont passés de l’ordre objectif à un ordre subjectif. Objectivement parlant, oui, il y a un dieu, il y a une vraie religion, il y a une vérité. L’homme aurait donc une obligation morale d’y adhérer. Mais de toutes façons, quoiqu’il arrive, l’homme se sauve en suivant sa conscience, sa vérité et surtout en exerçant sa liberté. Car c’est là, la dignité ontologique et sacrée de l’homme. L’exercice de la liberté, non dans le sens traditionnel – la liberté de se mouvoir dans le bien – mais le simple fait d’élire entre le bien et le mal, l’homme trouve là sa perfection et son salut.

Ils n’ont pas affirmé la divinité de l’homme, mais ils ont opéré un retour anthropologique par le personnalisme qui a mis le bien commun, et tout bien commun, au service de l’homme individuellement, de la personne. Et en dernière instance, on met au service de la personne le bien commun divin, universel, suprême, qui est Dieu. Car Dieu est le bien commun suprême. C’est pour cela que le Concile affirme que l’homme est la seule créature que Dieu aime pour elle-même. Que Dieu aime pour elle-même ! Et Dieu trouve sa gloire dans la gloire de l’homme, non pas dans la gloire que l’homme rend à Dieu, mais dans la glorification de l’homme.

Et donc nous avons le même but que les libéraux, les humanistes et les révolutionnaires. Pas de problème ! Nous chercherons tous la glorification de l’homme et par là nous obtiendrons aussi la gloire de Dieu. Aussi leur dieu est-il fini et perfectionné par la gloire de l’homme. Rien de moins ! 

Tout restaurer dans le Christ pour remédier au mal présent

Voyez comment est impossible cette conciliation. Et ils en ont appliqué rigoureusement toutes les conséquences. Mgr Lefebvre nous disait : Ils L’ont découronné. Oui, ils ont systématiquement méconnu la primauté et la royauté de Notre Seigneur, ses droits, les droits de Dieu. On est pour les droits de l’homme. Négation des droits de Dieu avec la déclaration des droits de l’homme. Ils ont découronné Notre Seigneur en Lui-même dans ses droits par la liberté de conscience, par la liberté de pensée, par la liberté du péché, par la liberté de culte, par la liberté religieuse. Il a été découronné vraiment. Mais ils ont découronné aussi Notre Seigneur dans son Eglise par l’œcuménisme, car si le Christ est roi, l’Eglise est la reine. Et ils ont découronné Notre Seigneur dans son Vicaire et dans ses évêques par la collégialité et par la démolition, en dernière instance, de toute autorité.

Voilà la pensée avec laquelle le Concile a tenté la conciliation. Et alors, bien sûr, maintenant il y a la conciliation de la conciliation, entendez l’herméneutique de la continuité. Et il y en a même qui nous ressemblent ou qui étaient des nôtres, et ne sont plus des nôtres, qui tentent la conciliation de la conciliation de la conciliation. C’est peine perdue, leur entreprise est vouée à l’échec d’avance : bonum ex integra causa, malum ex quocumque defectu. Le bien procède d’une cause totalement bonne, intègre, le mal de n’importe quel défaut dans la cause.

Mais ici il s’agit d’un défaut essentiel, car c’est l’essentiel de la pensée libérale qui est totalement et radicalement contraire à la foi catholique. C’est la chose elle-même qu’on cherche à concilier qui est contraire. On ne peut pas faire un cercle carré. C’est impossible. On ne peut même pas le concevoir. C’est du bon sens. On peut demander à quelqu’un de Martigny si on peut aller en même temps à Rome, la Ville éternelle, et à Paris, la cité des Lumières. Demandez-lui si on peut prendre le même chemin pour arriver à ces deux termes ! En Espagne, on dit que cela revient à mettre un cierge à Dieu et un autre cierge au diable. Déjà l’apôtre saint Paul l’avait dit plus ou moins en ces termes : « Ne vous attachez pas avec les infidèles à un même joug ». (2, Cor. 6, 14). Car quelle société peut-il y avoir entre la justice et l’iniquité ? Quelle conciliation entre les lumières et les ténèbres ? Quel accord entre le Christ et le diable ? Entre le fidèle et l’infidèle ? Entre le Temple de Dieu et le temple des idoles ? Or, dit saint Paul, le temple de Dieu c’est l’Eglise. Alors quelle conciliation peut-il y avoir ? Aucune.

Si Mgr Lefebvre nous a signalé avec précision le mal, il nous a indiqué aussi avec précision et clairvoyance le remède. Il nous a signalé le remède : c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et c’est plus précisément le Christ Prêtre et le Christ Roi. Il n’y a pas de salut, il n’y a pas de rédemption possible, ni pour les individus ni pour les sociétés, en dehors du sacerdoce et en dehors de la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car il accomplit sa mission et par son sacerdoce et par sa royauté. « Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui été posé par la main de Dieu, le Christ Jésus », affirme saint Paul, (Cor. 3,11). Et saint Pierre dit dans le même sens : la pierre qui a été rejetée par les architectes, par les constructeurs est devenue la pierre d’angle. Car il n’y a pas de salut dans un camp autre, en personne d’autre si ce n’est en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et il n’y a pas d’autre nom sous les cieux par lequel les hommes puissent être sauvés que le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ. (cf. Actes, IV, 11-12)

Lorsque saint Paul dans l’épître aux Ephésiens veut fonder notre espérance fermement, il nous rappelle comment Dieu le Père a déployé sa puissance et la puissance de sa force en ressuscitant Notre Seigneur des morts, en le faisant s’asseoir à sa droite et mettant sous son autorité toute principauté, toute autorité, toute domination, tout trône. Ainsi que tout ce qui peut se nommer en ce siècle et dans le siècle à venir. Dieu lui a tout soumis en ce siècle et dans le siècle à venir. Il l’a constitué Chef de l’Eglise qui est son corps. L’Eglise est la plénitude de Celui qui est tout en tous. Le Christ est tout en tous dans l’Eglise. Et Dieu lui a tout soumis. (cf. Eph. I, 20-23)

Dans l’épître aux Corinthiens l’apôtre est encore plus clair en disant qu’il lui a tout soumis, qu’il n’a rien laissé qui ne lui soit pas soumis. Il n’a rien laissé en dehors de son empire, de sa royauté, et donc oportet illum regnare, il faut qu’Il règne (cf. I Cor. XV, 25). C’est là qu’est l’idéal du prêtre, du sacerdoce : tout fonder en Notre-Seigneur Jésus-Christ, tout instaurer, tout restaurer dans le Christ, mais aussi tout réunir, tout récapituler, tout ordonner à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Tout est à vous, vous êtes au Christ, le Christ est à Dieu. Voilà le dessein de Dieu de toute éternité : tout restaurer, tout réunir dans le Christ. Et en dehors de son sacerdoce et de sa royauté, la vie de l’homme est un cauchemar sans issue. Nous le voyons bien dans la société dans laquelle nous vivons ; il n’y a ni vérité, ni vertu, et hélas ni salut, ni rédemption, ni justice. Tout cela nous vient par Notre Seigneur, par son sacerdoce, par sa royauté : Je suis la voie, la vérité et la vie. (Jean, 14, 6)

Et donc, chers confrères, chers ordinands, la vie du prêtre est justement de soumettre toute intelligence à Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est la vérité, toute volonté à Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est la vie, et d’offrir à tous les hommes la seule voie du salut qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ. 

Pourquoi aller à Rome ?

Si les choses sont comme cela, quelqu’un pourrait me dire : mais alors pourquoi avoir des contacts avec ces gens-là, pourquoi aller à Rome ? Il semblerait que par principe il ne faille pas avoir de contacts, aucun contact avec eux. Eh bien ! C’est tout le contraire : par principe il faut que nous ayons des contacts et par principe il faut que nous allions à Rome. Ensuite évidemment c’est la prudence qui détermine les circonstances et qui détermine ce qu’il faut vraiment faire dans un cas concret. Mais, par principe, il faut y aller tout d’abord parce que nous sommes catholiques, apostoliques et romains. Ensuite si Rome est la tête et le cœur de l’Eglise catholique, nous savons que nécessairement la crise trouvera sa solution, la crise se résoudra à Rome et par Rome. En conséquence le peu de bien que nous ferons à Rome est beaucoup plus grand que beaucoup de bien que nous ferons ailleurs.

D’autre part, caritas Christi urget nos, la charité du Christ nous presse (2 Cor. 5,14). Il faut comprendre combien il est difficile de quitter l’erreur alors qu’on a vécu toute sa vie dans l’erreur. Il est extrêmement difficile d’avoir la lumière et la force pour rompre avec toute une série d’attaches d’ordre naturel, toute une vie vouée à cela, tout un enseignement avec la caution de l’autorité et les conséquences qui s’ensuivent. Reconnaissons que cela n’est pas facile, et ayons pitié. Car enfin ils ont besoin tout simplement de ce que nous avons déjà reçu gratuitement, la lumière et la grâce. Car qu’est-ce que nous avons que nous n’ayons reçu ? (1, Cor. 4, 7) Eh bien ! Eux, ils ont besoin tout simplement de recevoir ce que nous avons eu la grâce de recevoir par la miséricorde et la largesse de Dieu. La charité nous en fait un devoir.

Ceux qui s’opposent farouchement et par principe à tout contact avec les modernistes me rappellent un passage de l’Evangile. Lorsque Notre Seigneur n’a pas été reçu dans une ville, Jacques et Jean – les fils du tonnerre – lui proposent, s’Il le veut, de faire tomber le feu du ciel pour consumer cette ville. Et Notre Seigneur, indulgent, passe sur cet orgueil monumental mais naïf des apôtres – comme si Notre Seigneur avait besoin d’eux pour résoudre les problèmes ! –, et il leur répond : Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. (cf. Luc 9, 51-56). Oui, ils n’avaient pas encore reçu le Saint-Esprit qui répand la charité dans les cœurs, et ils ne savaient pas de quel esprit ils étaient. Ils étaient tombés dans le zèle amer. 

Nous avons cru à la charité

Et quel est cet esprit ? C’est l’Esprit de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce n’est pas trop compliqué, il faut regarder comment Notre Seigneur a fait face à ses ennemis, à ses adversaires. Aussi bien saint Jean que saint Paul nous disent : c’est en cela que nous avons vraiment connu l’amour de Dieu, que le Père nous a aimés et le Christ a donné sa vie pour nous, alors que nous étions des pécheurs, alors que nous étions ses ennemis. C’est là surtout que se manifeste la charité de Dieu, et nous avons cru à cette charité. Alors nous devons faire de même. (cf.1 Jean, IV, 9-16 et Eph. II)

Comment cet amour de Notre Seigneur s’est-il manifesté ? Par la guerre, les anathèmes, les condamnations, ou en faisant tomber le feu du ciel ? Non ! Cette œuvre d’amour s’est accomplie par l’humilité, par l’humiliation, par l’obéissance, par la patience, par la souffrance, par la mort et en pardonnant encore à ses ennemis sur la Croix. Tout au long de sa vie Notre Seigneur a déployé tous les moyens possibles et raisonnables pour faire admettre la vérité par les pharisiens et pour leur offrir le salut et le pardon. Voilà tout simplement ce que nous devons suivre.

Je ne vois pas en quoi la fermeté doctrinale serait contraire à la souplesse, à l’ingéniosité, et même à la hardiesse de la charité. Je ne vois pas. Je ne sais pas en quoi l’intransigeance doctrinale serait contraire aux entrailles de la miséricorde, au zèle missionnaire et apostolique de la charité. On n’a pas à choisir : ou la foi ou la charité ; on doit embrasser les deux. Et encore sans la charité je ne suis rien même si j’ai une foi à déplacer les montagnes. Si je n’ai pas la charité je ne suis rien. Si je donne ma vie pour les pauvres et que je n’ai pas la charité, je ne suis rien. (cf. 1, Cor. 13, 3)

Relisez l’éloge de la charité par saint Paul dans son épître aux Corinthiens (cf. 1, Cor. 13), appliquez cela à la vie de Notre Seigneur, et vous saurez sans confusion possible quel est l’esprit catholique. La charité est patiente, la charité est bonne, elle n’est pas envieuse, la charité ne cherche pas son intérêt, elle ne tient pas compte du mal, elle rend le bien pour le mal, la charité excuse tout, croit tout, espère tout, souffre tout. Voilà comment nous pourrons vraiment coopérer à la restauration de la foi, à cette restauration de toutes choses dans le Christ. Et si le remède est dans le Christ, le sacerdoce et la royauté du Christ, ce remède passe nécessairement par le cœur de notre mère la Très Sainte Vierge Marie.

Notre Seigneur a été et sera toujours exclusivement le fruit de la Vierge Marie, du cœur de Marie. C’est elle qui est la mère du Christ, mère de Dieu, la mère de tous les hommes, la co-rédemptrice du genre humain, la médiatrice de toutes les grâces. Celle qui distribue et qui donne toutes les grâces. Elle est vraiment la reine de toute la création, reine du ciel et de la terre. Comme le dit saint Bernard, nous avons tout obtenu par la Vierge Marie, nous devons donc aller avec ferveur, dévotion et constance au cœur de Marie, afin d’obtenir les grâces qui nous sont nécessaires, et surtout cette vie forte dans la foi, dans l’espérance et dans la charité. Car il nous faut aimer avec force.

Allons donc vraiment et souvent, par une dévotion vraie et intérieure, au cœur de Marie, à ce Trône de la grâce afin d’obtenir le secours nécessaire au temps opportun, afin d’être en dernière instance de vrais chrétiens et de vrais prêtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ainsi soit-il. 

Pour conserver à ce sermon son caractère propre, le style oral a été maintenu.

(Transcription et intertitres DICI du 07/07/11)