30 janvier 2011

[Abbé Xavier Beauvais, fsspx] Et si l’on commençait l’année comme il faut ?

SOURCE - laportelatine.org - Abbé Xavier Beauvais, fsspx, prieur de Saint-Nicolas-du-Chardonnet - Le Chardonnet n° 264 de janvier 2011

Il faut revenir à une chose essentielle : apprendre à raisonner selon les principes chrétiens, cela empêchera toujours la confusion d’augmenter dans nos esprits. A force de voir des scandales de plus en plus grands se produire, à force de voir une licence morale de plus en plus affichée, on finit par s’accoutumer soi-même à de moindres déviations, à ne plus y prêter d’importance ou même, à ne plus savoir que tel ou tel usage – quoique banalisé chez les meilleurs d’entre vous – n’en est pas moins imprégné de naturalisme.
C’est pourquoi – suivant en cela quelques rappels donnés par notre supérieur de district dont cet éditorial est pétri – je me permets de rappeler qu’il est anormal de voir de plus en plus de dames et de jeunes filles venir à la messe en pantalon, d’en voir de plus en plus qui ne se couvrent pas la tête à l’église, encore plus anormal de voir les jupes raccourcir de plus en plus. Ne croyez pas que nos yeux traînent par plaisir là où il ne le faut pas mais ne nous obligez pas, si cette tendance ne se corrige pas, à refuser, au nom de la bienséance, la communion à celles dont les jupes ne couvrent pas les genoux.
Quant aux hommes, nombreux sont-ils à la tenue relâchée, pas rasés, pas coiffés.Mais je vous le demande : où est le respect dû à Dieu, au culte public que vous venez Lui rendre ? Dans cette église, on vous a souvent alertés contre le modernisme – et bien d’autres choses – et c’était et c’est normal. Vous ne pourrez pas nous accuser de revenir souvent sur la question des tenues. Alors, tout simplement merci d’en tenir compte, pour nous certes, mais d’abord par respect pour ce lieu consacré et par respect pour vous-mêmes. Il y a des opinions qui chez nous peuvent corrompre l’intégrité de la foi, et la question de la modestie n’est pas si secondaire ; elle peut corrompre un jour cette intégrité de la foi, car du relativisme en cette matière, il n’y a souvent qu’un pas au relativisme doctrinal. 
Dans un souci apostolique 
« Vous perdez votre temps, Monsieur le curé » diront certains même parmi les meilleurs d’entre vous. D’autres diront : « Pourquoi vous épuiser à perfectionner la morale et la foi que quelques-uns vivent déjà tant bien que mal, alors qu’il vaudrait mieux chercher à convertir ceux qui se trouvent hors de l’Eglise, en quête de votre apostolat ? » Faux raisonnement…D’abord parce qu’il ne se passe pas une semaine sans que bien des conversions s’opèrent dans cette église et, ensuite, parce que ces mêmes convertis sont parfois bien déçus du relâchement de ceux qui, pourtant, ont tant reçu ici depuis longtemps. D’autres diront : « Mais Monsieur le curé, quelle imprudence de rappeler les règles de tenue à l’église et dehors (la modestie en effet se pratique non seulement à l’église mais dans la rue) car c’est déjà tellement méritoire pour beaucoup de venir ici à Saint-Nicolas, c’est déjà tellement méritoire de vivre chrétiennement dans un monde si hostile à Dieu, à l’Eglise, au catholicisme, que vous courez le risque de perdre jusqu’aux meilleurs. Alors ne surchargez pas les fidèles de minuties irritantes ».
Mes bien chers frères, comprenez bien ce zèle qui est le nôtre en tant que prêtres catholiques, nous ne sommes pas des paladins exaltés, inintelligents et obstinés. Mais si vous, vous restez sur vos obstinations en ces points, ces obstinations mêmes vous empêcheront irrémédiablement de progresser. Je n’ai pas le droit de me contenter du fait que certains et certaines tiendront compte de ce que je viens de demander et d’autres, non. La foi comme la morale ne se contentent pas simplement de quelques lignes générales, mais elles exigent l’intégrité et la plénitude de soi. 
Le sens de l’intégrité 
Prenez, côté morale, la vertu de pureté. Je ne crois pas que, sur ce point, on vienne oser me dire que cela ne vous concerne pas. A cet égard, toute concession prend un caractère de tache sombre, toute imprudence la met tout entière en danger. On a quelquefois comparé l’âme pure à une personne debout sur une sphère. Tant qu’elle conserve sa position d’équilibre, elle n’a rien à craindre, mais toute imprudence, tout faux pas de sa part, même minime, peut la faire glisser rapidement et parfois même jusqu’au fond de l’abîme. La condition essentielle à la conservation de cette vertu est la prudence vigilante et intransigeante d’abord avec soi-même.
Côté foi, on peut en dire tout autant. Tant que le catholique se place sur le point d’équilibre parfait, sa persévérance sera sûre et facile. Ce point d’équilibre – il faut le préciser – ne consiste pas dans l’acceptation de quelques lignes générales de foi, mais dans la profession de toute la doctrine de l’Eglise, une profession faite avec l’âme tout entière, impliquant l’acceptation loyale et cohérente de ce que le Magistère enseigne et de toutes les conséquences de cet enseignement. Pour cela, il faut que le fidèle possède cette foi vive pour laquelle il est capable d’humilier sa raison personnelle devant le magistère infaillible et de discerner avec pénétration tout ce qui – directement ou indirectement – s’oppose à l’enseignement de l’Eglise. S’il abandonne un tant soit peu cette position de parfait équilibre, il commence à sentir l’attraction de l’abîme. Une foi éclairée et robuste n’est pas le privilège des savants, elle est une vertu et, dans l’Eglise, les vertus sont accessibles à tous les fidèles ignorants ou savants, riches ou pauvres. L’exemple de sainte Jeanne d’Arc est flagrant.
Pour que nous ayons un peuple ferme et logique dans sa foi, il n’est pas nécessaire que nous en fassions un peuple de théologiens. Il suffit que celui qui aime profondément l’Eglise s’instruise des vérités révélées selon son niveau de culture générale, et possède les vertus de pureté, d’humilité nécessaires pour réellement croire, comprendre et goûter les choses de Dieu. Quand la population d’un diocèse possède l’intégralité de l’esprit catholique, elle est à même d’affronter, avec l’aide de la grâce de Dieu, les vagues d’impiété et d’immoralité.
Il est évident que notre foi doit dépasser les formules extérieures et répétées sans amour et sans conviction, car il y a toujours le risque que la sève ne circule plus. Il est donc de la plus grande importance de veiller à la plénitude de la foi, à l’esprit de foi. Les attitudes que nous avons à l’Eglise ne sont pas le tout d’un chrétien, certes, mais elles contribuent à cet esprit de foi. Croyez-vous que le fait de venir assister à la messe en mâchant un chewing-gum (témoins les nombreux chewing-gums, sous les chaises ou écrasés sur le sol) ; croyez-vous que le fait d’assister à la messe en s’affalant ou s’écroulant sur une chaise ou en passant la moitié de la messe à admirer la belle chevelure de la belle jeune fille assise devant vous – et qui n’a pas de foulard – ou en allant communier les bras ballants, croyez-vous que cela agisse peu sur l’esprit de foi, sur la ferveur, sur les fruits à recueillir de la messe, de la communion ?
« Vous perdez votre temps, Monsieur le curé, tout ce temps et ces efforts que vous employez « pour perfectionner les fidèles dans la foi » – comme vous dites – sont un temps et des efforts dérobés aux fidèles ». Non, il ne peut y avoir opposition car l’intégralité de la foi produit parmi les catholiques beaucoup de fruits de vertu et répand dans l’Eglise la bonne odeur de Jésus-Christ, qui attire à elle les infidèles, en sorte que le bien fait aux fils de l’Eglise profitera forcément à ceux qui sont récemment convertis (et il y en a beaucoup ici) ou à ceux qui se trouvent hors du bercail. 
L’appât des nouveautés
Un des fruits de la ferveur de la foi sera nécessairement le zèle apostolique. Multiplier les apôtres, c’est perfectionner les infidèles. Ne soyez pas « contre-apôtres » par vos attitudes. Et puis, Notre-Seigneur – en formant les apôtres et les disciples, et donc en perfectionnant un groupe de privilégiés – s’est-il pour autant désintéressé du reste de l’humanité ? C’est à toute époque qu’il faut prendre en compte ce qu’écrivait le pape Pie XII à l’épiscopat brésilien :
« Le danger le plus urgent, aujourd’hui, n’est pas celui d’un attachement trop rigide et exclusif à la tradition, mais principalement celui d’un goût exagéré et peu prudent pour toute nouveauté quelle qu’elle soit. C’est au snobisme des nouveautés que l’on doit la multiplication des erreurs cachées sous une apparence de vérité, et très fréquemment sous une terminologie prétentieuse et obscure ». La sensualité et l’orgueil ont toujours suscité – et susciteront jusqu’à la fin des siècles – la révolte de certains fils de l’Eglise contre la doctrine et l’esprit de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ne soyez pas de ces révoltés.
« Ces fauteurs de révolte, disait saint Pie X, deviendront plus fréquents à mesure qu’on s’acheminera vers la fin des temps ».
De plus, si la cause des erreurs et des crises, est la faiblesse de la nature déchue, c’est aussi l’action du démon. Il lui a été donné jusqu’à la fin des siècles de tenter les hommes dans les vertus et par conséquent aussi dans la vertu de foi qui est le fonctionnement même de la vie surnaturelle. Il est donc évident que, jusqu’à la consommation des siècles, l’Eglise sera exposée à des jaillissements internes de l’esprit d’hérésie et qu’il n’y a pas de progrès qui, pour ainsi dire, immunise définitivement contre ce mal.
Or, l’allié que le démon arrive à implanter au-dedans des armées fidèles est son plus précieux instrument de combat, une 5e colonne qui surpasse en efficacité les plus terribles armements. La tumeur étant formée dans les milieux catholiques, les forces se divisent, les énergies qui devraient être utilisées entièrement dans la lutte contre l’ennemi extérieur, s’épuisent en discussions entre frères.
L’Eglise aura donc toujours à souffrir de cet investissement intérieur par l’esprit des ténèbres. Pour que l’action de l’ennemi reste intérieure, il convient qu’elle soit déguisée. La fourberie est la règle fondamentale de qui agit en secret dans le camp de l’adversaire. Le démon insuffle alors l’esprit de confusion qui séduit les âmes et les conduit à professer l’erreur habilement dissimulée sous les apparences de vérité. Il ne faut pas s’attendre, dans cette lutte, à ce que l’adversaire émette des sentences clairement opposées à des vérités déjà définies. Non ! il ne le fera que lorsqu’il se jugera entièrement maître du terrain. Et la plupart du temps, il fera pulluler les erreurs cachées sous une apparence de vérité et sous une terminologie prétentieuse et obscure. La manière de propager cette multitude d’erreurs sera elle-même voilée et insidieuse.
La tactique de l’adversaire est de proposer l’erreur dans des propositions qui, à beaucoup, peuvent paraître claires et orthodoxes, ou confuses mais susceptibles de bonne interprétation, ou de la noyer dans des demi-teintes, assez habilement disposées pour qu’elle se diffuse mais qu’elle soit difficile à combattre.
La tactique de l’adversaire sera alors de mettre ainsi dans une position embarrassante ceux qui lui sont opposés. De cette façon, elle attirera parfois contre nous l’antipathie de personnes qui n’ont pas la plus petite intention de favoriser le mal. Par crainte de ces critiques, certains auraient peut-être l’idée de reculer devant l’adversaire. Non, sans exagération, sans précipitation, sans jugement non motivé, il faut malgré tout crier, chaque fois que l’adversaire caché sous la peau de brebis se présente devant vous, sans lui céder un pouce de terrain par crainte qu’il ne vous accuse d’un d’excès que votre conscience ne vous reproche pas. Notre effort à dénoncer l’erreur, à maintenir cette ligne dans la modestie chrétienne, n’a d’autre but que de vous conduire plus sûrement vers Dieu.
De cette façon seulement, nous faisons oeuvre positive et durable. Vous avez beaucoup de mérites à persévérer dans les circonstances difficiles que nous traversons ; la morale catholique, la foi catholique engagent beaucoup d’entre vous, pas toujours tous hélas, dans des choix difficiles et exigeants.
C’est bien pour cela que, malgré ces rappels du début sur les tenues à observer – par amour de Dieu – c’est un encouragement que je vous adresse, encouragement à tenir bon dans cette guerre. Puissent ces recommandations, puisse le dévouement des prêtres de Saint-Nicolas, l’amour qu’ils ont réellement pour vous, puisse la liturgie catholique ranimer, en vous, l’esprit de sacrifice qui permet d’éviter tout relâchement en matière de morale et en matière de foi. Le spectacle de la vie peu facile de bien des familles confrontées à toute sorte de soucis, le spectacle aussi d’une jeunesse qui fait tous ses efforts pour ramer à contre-courant dans cette société matérialiste et hédoniste, m’avaient fait hésiter à vous rappeler ce que certains appellent des « minuties », sachant qu’elles en irriteront quelquesuns et quelques-unes, sachant qu’elles seront même souvent incomprises.
Mais faut-il que nos sermons soient là simplement pour charmer vos oreilles, n’ont-ils pas pour but de nous faire progresser ensemble, vous et nous ? Que faire ? Vous répéter les exigences de la vie chrétienne, les répéter à une masse de fidèles qui refuse de les entendre, se bute et s’obstine ? Ou renoncer, pour ne pas user notre autorité à répéter les minuties les plus délicates et constater par la suite l’attiédissement des fidèles et une susceptibilité grandissante face à des remarques pourtant déjà devenues parfois trop timides de notre part.
Puissent ces quelques paroles s’inspirer de cette alliance délicate de l’intransigeance qu’on trouvait chez Monseigneur Lefebvre à ne rien concéder des principes, et son souci pastoral de trouver les moyens les plus adéquats pour qu’ils soient compris et mis en oeuvre pour vous tous.

Abbé Xavier BEAUVAIS

Extrait du Chardonnet n° 264 de janvier 2011