31 janvier 2009

[Monde&Vie] Entretien avec Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X
31 janvier 2009 - Olivier Figueras - Monde & Vie n° 806
On devine que le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X est surchargé en ce moment. Durant le bref entretien qu’il a pu nous accorder, au cours de son passage à Paris, son téléphone n’arrêtait pas de sonner. Mais il livre ici l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour comprendre ce que sera la suite des événements. Une réintégration pleine et entière de la FSSPX dans la hiérarchie romaine semble désormais à portée de main.


Vous attendiez-vous, Monseigneur, à cette levée de l’excommunication vous concernant?

Je m’y attendais depuis 2005, depuis la première lettre de demande de levée de l’excommunication que j’avais adressée à la demande de Rome même. Parce qu’il est clair que Rome ne demandait pas cette lettre pour refuser de lever l’excommunication. Quant au moment où cela s’est passé, je ne m’y attendais pas. Ces derniers mois, après l’affaire de l’ultimatum, même après qu’elle ait été résorbée, nous étions plutôt en froid. Puis j’ai écrit la lettre du 15 novembre, qui est mentionnée dans le décret et dans ma lettre aux fidèles…

Ce décret est-il un signe de la volonté du Pape?

Je l’attribue d’abord à la Sainte Vierge. Voilà le signe manifeste, avec une réponse presque immédiate. Je venais juste de décider d’aller à Rome pour porter le résultat du bouquet de chapelets que nous avions lancé à Lourdes avec cette intention explicite, lorsque j’ai reçu un appel de Rome m’invitant à passer.

Le contentement que vous manifestez aujourd’hui est-il tempéré par le reste du chemin à parcourir?

C’est encore trop tôt pour le dire. Il vient de se passer un acte de très grande importance dont nous sommes vraiment reconnaissants, mais c’est assez difficile de l’évaluer pour l’instant. Nous n’en voyons pas encore toutes les implications. Il y a encore beaucoup de travail, mais nous avons vraiment une grande espérance d’une restauration de l’Eglise.

A quand remonte ce changement dans vos relations avec Rome?

Al’arrivée du pape actuel. J’ai d’abord évoqué la Sainte Vierge, mais, sur le plan humain, il ne faut pas avoir peur d’attribuer à Benoît XVI ce qui vient de se passer. C’est le début de quelque chose, qui a déjà commencé avec le Motu proprio. Je pense que le Pape estime le travail que nous faisons.

Dans cette histoire, ce mouvement, certains ont estimé que vous partiez trop tard. Pensez-vous aujourd’hui que d’autres, en particulier à l’intérieur de la Fraternité Saint-Pie X, puissent estimer que vous partez trop tôt?

Je ne peux pas tout exclure, mais, s’il y a des séparations, elles seront extrêmement minimes.

Pensez-vous que votre situation va se régler d’abord sur un plan pratique?

Jusqu’ici notre ligne de route a été d’éclaircir d’abord les problèmes doctrinaux – même s’il ne s’agit pas d’absolument tout régler, mais d’obtenir une clarification suffisante – sinon on risque de faire les choses à moitié. Ou que cela finisse mal.

Et pensez-vous que, au-delà de Rome, vos contacts vont s’intensifier?

C’est le but, comme je l’ai expliqué à Rome, en disant que la situation telle que nous la proposons est certes provisoire, mais qu’elle est pacifiante, et qu’elle permettra, lentement, de pouvoir recoller avec toutes les âmes de bonne volonté. Cela se fera donc graduellement. Et cela dépendra aussi des réactions de l’autre côté. Mais il n’y a pas d’à priori, le seul à priori c’est celui de la Vérité et de la Charité.




Religion: faut-il intégrer les extrémistes?
31-01-2009 - Sandra Weber - lesquotidiennes.com
Une semaine après la levée de l’excommunication de quatre évêques intégristes, les réactions hostiles n’en finissent pas. Faut-il vraiment se rapprocher des fondamentalistes? Benoît XVI voulait favoriser l’unité de son église. C’est pour le moins raté. En levant l’excommunication de quatre évêques intégristes samedi dernier, il a provoqué un véritable tollé.
Deux éléments suscitent des sursauts l’indignation. D’une part, les propos négationnistes d’un des quatre prélats de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X choquent tant au sein de l’église catholique qu’en dehors. Et ce malgré la condamnation tardive de ce discours par le pape mercredi. D’autre part, la position très traditionaliste des lefebvristes, à l’origine du différend avec l’Eglise officielle, heurte de nombreux catholiques. Et provoque l’incompréhension notamment des protestants. La Fraternité a toujours refusé les principes de la liberté religieuse et l’œcuménisme. Or le pape veut maintenant lui faire reconnaître ces principes, introduits par le Concile Vatican II il y a plus de quarante ans. Toute cette affaire pose la question de l’attitude à adopter face aux courants religieux dont les prises de position sont considérées comme les plus extrêmes.
La volonté d’inclure un maximum de tendances est typique des catholiques, selon Jörg Stolz, directeur de l’Observatoire des religions en Suisse. «Il en va de leur identité. L’église catholique se définissant comme universelle, la pluralité doit exister en son sein même.» La maison de Rome a horreur des scissions, comme celle qui s’est produite en 1988 avec les lefebvristes, qui représentent environ 150 000 fidèles dans le monde, pour plus d’un milliard de catholiques. «Rares sont les autres religions mondiales suivant le principe de l’unicité et dont la hiérarchie permet de déterminer la doctrine à suivre. Et donc qui s’en écarte. Difficile dès lors d’établir des comparaisons.» Jörg Stolz évoque le cas des protestants, qui ne sacralisent pas leur institution. «La tendance est plutôt à la division. Les différents courants prennent leur indépendance et créent leurs propres églises et communautés.
Dans le monde juif, les marges ont un sens particulier, souligne Jacques Ehrenfreund. «Il y a énormément de courants sans qu’aucune autorité ne puisse en fixer la légitimité.» Dans un tel contexte, le professeur d’histoire des Juifs et du judaïsme à l’Université de Lausanne conçoit l’extrémisme dans un cadre plutôt politique. «Dans le conflit israélo-arabe, par exemple, la question est de savoir jusqu’où maintenir le dialogue avec des groupes extrémistes.
De par la configuration de l’islam, la réintégration d’un groupe ne peut s’envisager qu’en fonction d’un Etat ou d’une institution faisant localement autorité, selon le professeur à l’Institut des études islamiques de l’Université de Berne Reinhardt Schulze. «La réintégration dépend avant tout de la reconnaissance de l’autorité des institutions étatico-religieuses. Et surtout, elle exige l’abandon du recours à la violence.» En échange, ce groupe obtient une protection et la reconnaissance de sa doctrine. Une manière de contenir certaines dérives? «C’est parfois possible, acquiesce Jörg Stolz. Mais ce n’est en tout cas pas la raison de la levée de l’excommunication des levebvristes. Ce geste vise le renforcement des forces traditionalistes à l’intérieur de l’église pour pouvoir mieux combattre le sécularisme croissant de la société en général.»






Evêques intégristes: ne pas regarder "avec le petit bout de la lorgnette" (Boutin)
31 jan 2009 - AFP - la-croix.com
PARIS - La ministre du Logement Christine Boutin, présidente du Forum des Républicains sociaux (FRS, associé à l'UMP), a condamné samedi les propos négationnistes de l'évêque intégriste anglais Richard Williamson, sans rejeter la main tendue du pape Benoit XVI aux intégristes. Interrogé par la presse sur la décision de Benoit XVI de réintégrer quatre évêques intégristes excommuniés il y a vingt ans, parmi lesquels un négationniste, Mme Boutin a estimé qu'il ne fallait "pas ramener la position du Saint-Père à une phrase éminemment condamnable, inexcusable".
"Il ne faut pas regarder cette question-là avec le petit bout de la lorgnette, mais regarder deux objectifs", le premier étant "la réconciliation et la paix", a-t-elle ajouté, en marge d'une convention nationale du FRS.
Deuxièmement, "peut-être y a-t-il dans ce mouvement de l'Eglise, séparé pour l'instant, une possibilité de retrouver la valeur du sacré dans la liturgie que nous avions un peu oubliée", a-t-elle suggéré.
"Ce n'est pas parce qu'une personne a eu de tels propos condamnables et inimaginables qu'il faut, au nom de cela, rejeter l'ensemble", a-t-elle estimé.






Avis de tempête médiatique
31 janvier 2009 - Didyme - e-deo.info
Partout, on sonne l’hallali, on crie à la mobilisation. No Pasaran ! Les hérauts de l’ordre laïc s’apprêtent à combattre le retour de l’obscurantisme. On fourbit ses armes, on relance les anathèmes, on écrit, on publie, on signe des pétitions, on affirme une foi catholique que l’on a jamais eu. Les journaleux retrouvent les joies d’une foi oubliée depuis longtemps. Des gestes qu’une gauche libérale avait bannis du vocabulaire font soudainement leurs apparitions. On devient pointilleux, on insiste sur la lettre et la virgule, on fait de grandes sorties contre l’hérésie en l’accusant de blasphème.
Non, Mesdames, Messieurs, la France inquisitoriale n’a pas disparue. Elle survit très bien. Elle survit dans cette gauche libérale, critique d’Humanae Vitae et de l’opposition à l’avortement, soutien de Mgr Gaillot et des dissidents, théologiens de la libération et autres comparses, pourvu qu’ils ne soient pas conservateurs. Ici ou là, des prêtres lancent des anathèmes au pape et aux catholiques, refusant obstinément la politique unitaire œcuménique. L’œcuménisme, c’est bien, mais pas celui-là. Ceux-là mêmes qui ont critiqué l’infaillibilité pontificale du concile Vatican I l’invoque aujourd’hui pour excommunier des gens que l’on qualifie d’hérétiques, de schismatiques, de négationnistes, d’extrémistes ; des gens dont personne n’avait entendu parler jusque là, en dehors du petit cercle des initiés catholiques.
 
Ils n’ont jamais mis les pieds dans une église, mais ils s’autoproclament experts en religion. Et voilà qu’on interroge des Juifs pour les opposer au pape. Que des Juifs aient rompu le dialogue en 2008 suite au projet de béatification de Pie XII ne les intéressent pas. Que d’autres aient rompu le dialogue pour protester contre la prière pour les Juifs du Vendredi Saint ne les intéressent pas plus. Non, la responsabilité est catholique. Des pitres béotiens valent bien les nombreuses années de théologie du pape et de Mgr Lefebvre. “Etes-vous pour cette “réintégration” ? Comment jugez-vous l’attitude du pape ? Voulez-vous faire un communiqué ? Vous rempliriez ma feuille de choux…” Cloué au pilori, on espère que le pape reviendra sur sa décision, qu’il fera plus pour les Juifs ou qu’il provoquera l’abdication complète et généralisée de l’Eglise catholique. On en profite pour exiger la reconnaissance de tout et de rien, des amendes honorables, des expiations publiques sur l’histoire et sur le concile. Des montagnes de frustrations et de non-dits réapparaissent soudainement, comme pour dévoiler la véritable nature des évêques crypto-socialistes.
Dans un immense mouvement de lâcheté compulsive, on s’associe à nos frères juifs plutôt qu’à nos frères chrétiens ; une hiérarchie éhontée se précipite pour rappeler pompeusement que non, ce n’est pas possible, ils ne sont pas comme nous, ils ne sont pas réintégrés. Sur les fora, tout le monde est d’accord : “Ce n’est pas cette Eglise-là que je veux…puisque c’est ainsi, je quitte l’Eglise… Je boycotte le denier du culte… Ils sont tellement obscurantistes…”
Les appels à l’unité, qui furent longtemps sur toutes les lèvres, se noient sous les diarrhées chroniques d’injures et d’imprécations. Ceux-là qui prétendent que l’on ne peut lutter contre le “sens de l’histoire” voudraient précisément oublier leurs stupidités d’antan pour empêcher cette liberté-là : l’émancipation des traditionalistes. Mais ce serait peu dialectique, voyez-vous !!!
L’intégrisme désigne le fait de ne jamais interpréter les textes sacrés. Et regardez-les s’attacher à la moindre nuance qui permette d’excommunier les renégats lefebvristes. Regardez-les plonger leurs regards vitreux dans les volumes canoniques desquels émanent des volutes de poussières asphyxiantes.
Une clique de vieillards moribonds repart en guerre pour éviter “les heures les plus sombres”. Et si l’on évoque du bout des lèvres la déportation et la mort en camp de concentration de René Lefebvre, père de l’évêque, ce n’est que pour souligner son appartenance à l’Action Française, chose qui retombe, héréditairement ou génétiquement, sur son “fasciste” de fils.
Cette crise aura un double effet bénéfique : attirer l’attention sur les traditionalistes et débarrasser l’Eglise des traîtres libéraux. Car personne ne s’attaque au problème de fond : l’état de nécessité, qui entraîna le choix de sacrer des évêques. Personne ne le conteste, comme si tout le monde l’avait admis, légitimant par là le geste du prélat catholique. Les personnes honnêtes, qui sont plus nombreuses qu’on ne le pense, finiront bien par s’en apercevoir.
Les Torquemada de l’ordre libéral ne seront plus très longtemps les fossoyeurs de la liberté liturgique.






Traditionalistes. Un réseau actif
31 janvier 2009 - Didier Déniel - letelegramme.com
La levée par Benoît XVI des excommunications des quatre évêques intégristes, le 21janvier, a remis en lumière cette mouvance religieuse. En Bretagne, elle est particulièrement active. Avec ses lieux de culte mais aussi ses écoles. Brest, rue Bruat, dans le nord de la ville. On devine à peine la discrète chapelle Sainte-Anne. À l'intérieur, un jeune prêtre en robe de bure prie devant l'autel. Dans la salle, une centaine de chaises pour accueillir les fidèles. Sur un poteau, un tronc «pour les pauvres». Et un petit panneau qui incite les femmes à se couvrir la tête. Une ambiance d'église des années cinquante. La chapelle Sainte-Anne est un des lieux de culte ouverts par la Fraternité Sacerdotale Pie X en Bretagne. Ici, on dit la messe en latin. Les valeurs traditionalistes font le socle de ce mouvement qui s'est toujours opposé au «modernisme» du concileVatican II. Comme on peut le lire dans ses publications, il «s'oppose activement aux nouveautés libérales qui minent la foi et amènent sa ruine».
Des projets d'ouverture d'écoles
À ce jour, on compterait en Bretagne 5.000 croyants attachés aux préceptes de MgrLefebvre. Des ouailles encadrées par de jeunes prêtres (120 en France) dont la moyenne d'âge est de 41 ans. Outre les chapelles, le mouvement gère aussi plusieurs écoles hors contrat, qui ne dépendent pas des réseaux diocésains habituels. «En Bretagne, nous avons plusieurs projets d'ouverture dans les mois à venir, explique l'abbé Patrickdela Rocque, responsable du prieuré nantais de la Fraternité. À Brest, à Rennes, mais aussi à Guipavas». Quimperlé et la région quimpéroise seraient aussi concernées. Dans ces écoles, tout est pris en charge par les parents, le mouvement et ses «bienfaiteurs»: les investissements immobiliers et les émoluments des professeurs. La discipline semble régner en maître et le port du jean est interdit. L'apprentissage du latin est obligatoire et l'histoire est abordée «dans un esprit chrétien». Pour les internes, les uniformes sont de rigueur les dimanches et les jours de sortie. Le système est parfaitement rodé. Les familles trop éloignées des établissements peuvent opter pour l'enseignement et le catéchisme à distance.
«On attendait cela depuis longtemps»
Ces derniers jours, les fidèles de la Fraternité Pie X se disaient soulagés par la décision du pape de lever l'excommunication. «Notre communauté attendait cela depuis très longtemps», souligne l'abbéde Crécy, responsable de la chapelle Sainte-Anne à Brest. Et les propos négationnistes de MgrWilliamson, un des quatre évêques réintégrés? Il y a troismois, ce dernier soutenait devant une équipe de télévision suédoise que les chambres à gaz n'avaient jamais existé et que l'Holocauste se résumait à 200.000, voire 300.000morts (lire ci-dessous). «C'est une thèse personnelle qui ne reflète pas du tout la position de la Fraternité», répond l'abbéde la Rocque. Des propos qui rejoignent ceux de MgrFellay, le supérieur de la Fraternité SaintPieX qui, dans un communiqué, en début de semaine, écrivait: «Nous demandons pardon au Souverain Pontife, et à tous les hommes de bonne volonté, pour les conséquences dramatiques d'un tel acte». Cette minoration de la solution finale aurait sûrement intéressé au plus haut point Mgr Lefebvre, le créateur de la Fraternité Pie X, mort en 1991. Son père, résistant, a été victime de la barbarie nazie. Il est décédé en 1944 dans le camp de concentration de Sonnenburg, en Pologne.






Une joie indécente
31 janvier 2009 - Abbé Hervé Belmont
Nul ne peut l’ignorer, tellement le « battage médiatique » a été intense : le 21 janvier 2009, Benoît XVI a fait procéder par la Congrégation pour les évêques à la levée de l’excommunication qui avait été fulminée en 1988 contre Mgr Lefebvre et les quatre évêques par lui sacrés. Voici trois phrases topiques du document de ladite Congrégation, publié par Vatican Informations Service (VIS) le 24 janvier à midi [...]
  file://///ORDIPERSO/Users/PERSO/Documents/Mes%20sites%20Web/+++%20mettre%20dans%20les%20blogs/STOCK_qienfreefr/2009/200901/20090131_belmont.pdf






Italie - Les prêtres ultraconservateurs multiplient les attaques
31 janvier 2009 - Ariel F. Dumont - francesoir.fr
Depuis leur retour dans le giron de l’Eglise, les prêtres ultraconservateurs multiplient les critiques et les déclarations négationnistes. Une tentative pour délégitimer Benoît XVI ?
Pousser Benoît XVI dans ses retranchements, le délégitimer, obliger le Vatican à revenir aux « valeurs traditionnelles de l’Eglise antique ». Est-ce là le véritable objectif des lefebvristes ?
La question est sur plusieurs lèvres après la multiplication des provocations lancées par les prêtres ultraconservateurs depuis leur retour dans le giron de l’Eglise. Il y a d’abord eu les propos négationnistes tenus par Richard Williamson, qui ont suscité l’indignation de la communauté juive internationale et des associations catholiques. Sans parler des remous à l’intérieur de l’Eglise et de l’embarras du Saint-Siège qui plaide aujourd’hui non coupable. « Nous ne savions rien », jure le cardinal Dario Castrillon Hoyos, qui a mené les pourparlers avec les évêques frappés d’excommunication. Selon le président de la Commission pontificale « Ecclesia Dei » en charge de l’organisation des communautés catholiques traditionalistes dans le monde, le Vatican aurait appris « la chose » samedi dernier alors que le décret avait déjà été publié.
Tandis que le Vatican tentait alors de recomposer la situation en faisant intervenir d’abord le pape durant l’audience générale mercredi dernier, puis ses deux organes de presse Radio Vatican et L’Observateur romain pour condamner les propos de l’évêque négationniste, les lefebvristes peaufinaient une double stratégie. D’un côté, les chefs de la congrégation en rupture avec l’Eglise catholique pendant vingt ans, remerciaient Benoît XVI et semblaient prêts à faire preuve d’humilité, de discrétion pour rassurer la partie de la curie qui contestait leur retour. De l’autre, ils redoublaient les critiques et multipliaient les propos négationnistes sur la Shoah.
Jeudi après-midi, le prieur de la communauté ultraconservatrice installée à Rimini sur la cote Adriatique a ouvert le feu. « Nous avons été scandalisés par l’image de Benoît XVI en train de prier dans la mosquée bleue à Istanbul », a déclaré PierPaolo Petrucci. Quelques heures plus tard, Don Floriano Abrahamowicz montait au créneau : « Les chambres à gaz ont seulement servi à désinfecter et les chiffres sont toujours contestables. »
Du coup, l’image et la crédibilité du pape qui a réintégré les intégristes au nom de l’unité de l’Eglise sont sérieusement menacées dans son propre camp. « Le pape s’est fait avoir », estime Albert Longchamp, père provincial des jésuites de Suisse. Jeudi, plus de 200 prêtres et théologiens helvétiques ont exprimé leur désaccord avec la levée de l’excommunication des quatre évêques intégristes, estimant qu’elle s’inscrivait dans une série de décisions « fortement régressives ». En Allemagne, le président des évêques Monseigneur Robert Zollitch a qualifié de « malheureuse » la position de Benoît XVI. Visiblement, l’opération des lefebvristes est en train de fonctionner.

« Ces pacotilles antisémites de la pire espèce », Riccardo Di Seni, grand rabbin de Rome
FRANCE-SOIR. Comment expliquez-vous l’affaire Williamson ?
RICCARDO DI SENI. En réintégrant les évêques excommuniés, l’Eglise risque de légitimer un courant de pensée alternatif dangereux à différents niveaux. Ceci dit, Richard Williamson n’est pas le vrai problème. La question concerne le monde entier. Un monde ou le négationnisme est la pointe d’un iceberg qui reflète une certaine tradition catholique et la diffusion systématique d’idées antisémites alimentées par des lieux communs comme « juifs = déicides », les chambres à gaz n’ont jamais existé ou le grand complot juif international. Une panoplie de pacotilles antisémites de la pire espèce.
Les autorités juives religieuses parlent d’impossibilité de relancer le dialogue. Quel est votre sentiment à ce propos ?
L’Eglise peut punir Williamson mais le fond du problème ne sera pas pour autant réglé. La question qui se pose aujourd’hui est celle d’une Eglise où des personnes qui contestent Vatican II occupent une position identique à celles, qui, en revanche, ont accepté ses thèses. Faut-il accepter la présence de religieux qui refusent de faire vœux d’obéissance et veulent au contraire démolir la structure de l’Eglise ? Le dialogue prévoit, en règle générale, des moments difficiles, basés sur l’incompréhension. C’est là qu’il faut intervenir. Aujourd’hui, l’Eglise doit comprendre l’ampleur de la situation et trouver des solutions. Dans le cas contraire, nous n’aurons pas le choix. Mais nous comptons sur la pression de l’opinion publique qui a déjà prouvé sa force dans d’autres affaires importantes.
Peut-on parler aujourd’hui de rupture avec le passé, avec la politique des prédécesseurs de Benoît XVI ?
Je n’irais pas jusque-là. Benoît XVI a une personnalité complexe et ne ressemble en rien à Jean-Paul II. Le dialogue est composé de différents niveaux, à savoir la mise au point de documents communs, les discussions sur la doctrine et les grands gestes historiques. Avant de devenir pape, le cardinal Ratzinger a accompli des gestes importants, notamment en ce qui concerne l’étude des textes bibliques. Je ne sais pas ce qui va se passer. Il est évident qu’il y a fracture et que tout dépendra de la force de l’Eglise. De sa volonté et de sa capacité à faire plier les lefebvristes ou à les écarter de l’Eglise s’ils refusent d’obéir. La question est la suivante : qu’est-ce qui est plus important pour l’Eglise de Benoît XVI ? La sauvegarde des principes ou l’unité a tout prix ?

Edition France Soir du samedi 31 janvier 2009 page 11






Une Église réunie ?
31 janvier 2009 - François Régis Hutin - ouest-france.fr
Joie pour certains, étonnement, stupéfaction pour d'autres, indignation et colère pour d'autres encore, voilà ce qu'a provoqué l'annonce soudaine de la levée de l'excommunication des quatre évêques intégristes séparés depuis le 30 juin 1988.

Il faut reconnaître que le surgissement de cette décision et le manque d'information qui l'accompagne en ont surpris plus d'un et même parmi ceux qui, à juste titre, comprennent que le pape ait pour grand souci de ne pas laisser, après lui, une Église divisée. Cependant, la manière solitaire dont il a agi étonne d'autant plus que les fidèles, et pas eux seulement, croyaient abandonné ce genre de méthodes depuis la collégialité instaurée par le concile Vatican II.

Sur le fond, il faut reconnaître que de sérieux problèmes se posent. Il paraît, en effet, que les évêques concernés ont exigé une sorte de préalable : levée d'abord de l'excommunication, discussion ensuite... Certes, les quatre évêques, en agissant ainsi, reconnaissent l'autorité du pape. Mais les divergences n'étaient pas là. Elles portaient sur l'interprétation de Vatican II, sur ses orientations et, pire encore, sur sa nature même, et cela jusqu'à une date tout à fait récente. Il était bien tard et donc grand temps que le pape fasse savoir que, dans son ouverture, il appelait les évêques concernés à respecter l'autorité du concile.

En effet, maniant successivement les proclamations, les protestations virulentes et des paroles plus ou moins rassurantes, selon leurs interlocuteurs, ces évêques n'ont pas cessé, tour à tour, de critiquer Vatican II.

Mgr Richard Williamson est-il désireux d'une réconciliation authentique, lui qui, en se référant au protocole des sages de Sion, voit, dans le concile « l'oeuvre d'un complot judéo-maçonnique contre l'Église » (1) ? Et pourquoi s'est-il empressé, juste au moment où le pape lève l'excommunication, de lancer son affreuse provocation réfutant l'existence des chambres à gaz ? Il aurait voulu entraver la démarche papale en cours qu'il n'aurait pas agi autrement.

Quelle est donc l'attitude actuelle des autres évêques envers le concile ? Mgr Tissier de Mallerais, qui fait partie des évêques concernés, disait encore, en 2006 : « L'Église devra effacer ce concile. Elle devra l'oublier, en faire table rase » (1). Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, concerné lui aussi, dans la lettre qu'il adressait à Benoît XVI pour demander la réintégration, écrivait que les quatre évêques « acceptaient et faisaient leurs tous les conciles jusqu'à Vatican II au sujet duquel ils émettaient des réserves » (1).

Voudraient-ils un nouveau concile ?

Comment donc ces évêques peuvent-ils, en quelques mois, se dédire à ce point, à moins d'une conversion miraculeuse ? Certes, la barrière de l'excommunication étant levée, il est naturel et souhaitable qu'il y ait, avec eux et avec d'autres, échanges et recherches communes dans le but de consolider l'unité a priori souhaitée par tous et de cicatriser la blessure. Mais la condition de telles discussions est tout de même qu'elles doivent être conduites dans l'Église d'aujourd'hui, c'est-à-dire l'Église de Vatican II. Sinon, il faudrait avoir le courage et l'honnêteté de dire clairement qu'il faut réunir un nouveau concile. Devrait-il alors corriger le précédent ? Cela paraît inacceptable et invraisemblable...

Quand on entend certains prêches qui résonnent comme des cris de victoire, on peut se demander aussi quel effet la décision papale aura sur le clergé « lefebvriste ». Ainsi l'abbé Régis de Cacqueray, supérieur de la Fraternité Saint Pie X en France, déclarait, dimanche dernier, à la grand-messe de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, au lendemain même de l'annonce de la levée de l'excommunication : « L'heure est donc venue de démontrer au pape, aux évêques et aux prêtres que la crise de l'Église n'a pas pour origine de mauvaises interprétations du concile, mais le concile lui-même. » Après s'en être pris à la liberté religieuse, le prédicateur poursuit en dénonçant « le regard démagogique » sur les autres religions, notamment l'Islam, avant de fustiger la « collégialité » : « L'Église est une monarchie dont le monarque est le pape », a-t-il martelé, déplorant « le souffle démocratique » de l'épiscopat qui « pénalise » le pouvoir de Rome. Bref, le concile doit « être mis sur le tapis » (1).

Voilà donc tout le contraire de ce que l'on pouvait espérer après un tel geste du pape, qui apparaît, sans doute, à ce personnage, comme une faiblesse plutôt que comme un geste d'accueil paternel...

Qu'on le veuille ou non, la vraie question désormais est de savoir si, au-delà des arguties, des proclamations de victoire et des rodomontades, ceux qui sont invités à réintégrer aujourd'hui l'Église admettent l'oecuménisme, la liberté religieuse, la liberté de conscience, le dialogue interreligieux, la relation au monde moderne, la collégialité et tout ce que comporte Vatican II.

Nombreux sont les catholiques, les chrétiens des autres Églises, les membres des autres religions qui ont hâte de le savoir et de savoir comment les choses vont désormais se passer dans l'Église catholique.

(1) La Croix du 26 janvier 2009.


30 janvier 2009

Mgr Di Falco compare Mgr Williamson aux Français qui dénonçaient des Juifs
30 janvier 2009 - AFP - google.com
LYON (AFP) — Mgr Jean-Michel di Falco, évêque de Gap et d'Embrun, a comparé vendredi l'évêque intégriste anglais Richard Williamson, qui avait nié l'existence des chambres à gaz, aux Français qui dénonçaient des Juifs pendant la guerre. "En entendant ces propos je me suis demandé ce qu'aurait éprouvé le cardinal Jean-Marie Lustiger. Sa mère, femme juive, à qui il devait lui-même d'être juif, est morte à Auschwitz après avoir été dénoncée par un Français sans doute de la même famille de pensée que Mgr Williamson", écrit Mgr Di Falco dans son communiqué.
L'évêque a comparé les propos en cause à "l'écho de nouveaux coups de marteaux sur les clous qui transpercent les mains du juif Jésus" venant "briser notre espérance (née) de la fin d'un schisme".
Il a également rappelé avoir souligné, en septembre, lors de la visite du Pape à Lourdes, que certains intégristes faisaient de la messe en latin "l'étendard d'une idéologie, souvent d'extrême droite, et dont le discours raciste, antisémite et xénophobe est en contradiction avec l'Evangile".
Cette prise de position lui avait vallu de violentes insultes et menaces, "tout cela bien sûr au nom de Jésus-Christ et de la fidélité à son Eglise".
"Merci donc à Mgr Williamson d'avoir par ses propos illustré de manière on ne peut plus explicite ce que je disais alors !", ajoute-t-il
"L'Eglise n'est pas une assemblée de parfaits mais une assemblée de pécheurs appelés à la sainteté. Si je pousse ici ce cri de honte et de colère, c'est en pensant à celles et ceux que la souffrance de se sentir exclus consume. Celles et ceux qui n'ont pas été excommuniés mais qui vivent leur marginalisation de fait comme s'ils l'avaient été", poursuit-il.
"Je sais que des centaines d'hommes et de femmes familiers de la messe en latin ne se reconnaissent pas dans les propos de Mgr Williamson ni dans l'attitude gonflée d'orgueil et d'arrogance de certains responsables. Ceux-là, qu'ils soient accueillis les bras ouverts, l'Eglise vivifiée par l'Esprit du Concile Vatican II est leur maison comme elle est la nôtre", conclut-il.
L’épiscopat allemand aux lefebvristes : «Reconnaissez Vatican II»
30-01-2009 - zenit.org
ROME, Vendredi 30 janvier 2009 (ZENIT.org) - Les évêques allemands invitent les quatre évêques ordonnés sans mandat pontifical par Mgr Lefebvre en 1988, dont le pape vient de lever l'excommunication, à reconnaître officiellement le Concile Vatican II, en particulier la déclaration 'Nostra Aetate' sur les relations avec le judaïsme et les religions non chrétiennes. Dans une déclaration, le président de la sous-commission épiscopale pour les relations religieuses avec le judaïsme, Mgr Heinrich Mussinghoff, précise que les évêques allemands soutiennent les efforts accomplis par le pape pour « obtenir l'unité de l'Eglise », mais que certaines questions « restent ouvertes ».
La mesure prise par le pape, souligne le texte, « a soulevé une série de questions critiques », en raison surtout des thèses négationnistes de l'holocauste exprimées par Mgr Richard Williamson.
« Nous nous opposons fermement à cette négation de l'holocauste qui, en Allemagne, fait déjà l'objet d'enquêtes judiciaires », écrit Mgr Mussinghoff.
En Allemagne, la négation de l'holocauste est en effet depuis 1994 considérée comme un délit passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 5 ans d'emprisonnement.
« Nous tenons à exprimer haut et fort, lit-on encore dans le communiqué, l'ampleur de nos attentes et demandons avec urgence que les quatre évêques et la Fraternité Saint Pie X, manifestent sans équivoque et de manière crédible leur fidélité au Concile Vatican II et en particulier à la déclaration ‘Nostra Aetate' ».
Pour sa part, la Conférence épiscopale suisse, le pays où Mgr Lefebvre avait installé, à Ecône, la maison de formation de la Fraternité sacerdotale de saint Pie X, a déclaré dans un communiqué que le décret signé par le cardinal Re « est l'expression de la volonté du pape de résorber le schisme avec une communauté qui compte dans le monde quelques centaines de milliers de fidèles et 493 prêtres. On a cependant accordé peu d'attention au fait que ces quatre évêques demeurent suspendus (suspens a divinis). Il ne leur est donc pas permis légalement d'exercer leur ministère épiscopal ».
 « Il faut éviter les malentendus », écrivent les évêques suisses en expliquant que « d'après le droit de l'Eglise, la levée de l'excommunication n'est pas la réconciliation ou la réhabilitation, mais l'ouverture de la voie vers la réconciliation. Cet acte n'est donc pas un aboutissement, mais bien le point de départ pour un dialogue nécessaire sur les questions disputées ».
L'évêque de Regensburg (Ratisbonne), en Allemagne, Mgr Gerhard Ludwig Mueller, a quant à lui décidé d'interdire à Mgr Richard Williamson (qui réside habituellement en Argentine) tout accès aux églises et institutions du diocèse, accusant le prélat de blasphème.
L'interview controversée accordée en effet par Mgr Williamson à la télévision suédoise SVT, en novembre 2008, a été réalisée non loin de Regensburg, à Zaitzkofen, où a son siège un séminaire de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X.
A Regensburg, une procédure pénale a été lancée contre Mgr Williamson, alors que le parquet de Ratisbonne a ouvert une instruction contre lui pour incitation à la haine raciale.
L'évolution de l'Eglise en débat sur le Net
30.01.09 - lemonde.fr
Une semaine après la réintégration par l'Eglise de quatre évêques traditionalistes, parmi lesquels le révisionniste Richard Williamson, le débat reste vif sur les blogs et forums catholiques. Mais si certains reprochent au Vatican une dérive intégriste, que d'autres le félicitent au nom de l'unité de l'Eglise, tous s'accordent sur la condamnation du révisionnisme. Le curé de Pessac (dans le Bordelais), Christian Alexandre, est radicalement opposé aux traditionalistes. Il a publié sur son blog une lettre adressée au pape, très critique. "Tu sais qu'ils ne sont qu'une poignée, ces intégristes et que nous sommes des millions ? Pourquoi tant de sollicitude à leur égard ?" Si la vision traditionnelle venait à l'emporter, il affirme qu'il se "mettrait sur la touche discrètement".
Julien Dupont, un séminariste de la région de Poitiers, formé à la communication, a réfléchi sur son blog à l'impact de cette décision sur l'image de l'Eglise. Le soir même, des commentaires (anonymes) l'ont attaqué violemment : "Vous ne méritez qu'une sanction", "Il n'y a rien à commenter maintenant : obéissez plutôt !", ou encore "le but final [de l'œcuménisme] reste la conversion au catholicisme".
Les relations entre catholiques et juifs restent très présentes dans les débats. Miguel Garroté, un journaliste-blogueur qui se définit comme "néoconservateur, catholique et ami du peuple juif", fait dans une note un retour critique sur la couverture médiatique de la décision du Vatican, et appelle à l'œcuménisme. Il conclut ainsi :"Il m'en faudrait beaucoup plus que ça pour remettre en question mon amitié envers le peuple juif [...] ou ma fidélité à l'Eglise catholique."
Les débats sont plus virulents sur les forums utilisés par la communauté catholique. Sur le site Croire.com, Lebarjo s'enthousiasme : "Un geste fort pour terminer la semaine pour l'unité des chrétiens" ; Guyg est cynique : "Si Benoît XVI a besoin des intégristes pour remplir les églises, c'est que notre religion est très mal comprise." Le site du quotidien La Croix héberge également plusieurs forums, dont l'un intitulé Le Vatican et les intégristes. Dans un message intitulé "J'ai mal à mon Eglise", Tainier s'inquiète : "Je souffrirais de constater que mon Eglise est en train de perdre la raison."
La condamnation du négationnisme fait consensus, les messages douteux sont très rapidement modérés. Mais la peur de l'amalgame reste permanente. Sur le site de l'hebdomadaire La Vie, des intellectuels catholiques ont lancé une pétition contre l'antisémitisme.

Richard Williamson présente des excuses modérées à Benoît XVI Richard Williamson a présenté ses excuses au pape Benoît XVI dans une lettre adressée il y a deux jours au Saint-Siège et reprise vendredi sur son blog : "Je vous prie d'accepter (...) mes regrets sincères pour les problèmes et les souffrances inutiles que je vous ai causés, à vous et au Saint-Père", écrit-il. Il se contente toutefois de juger ses déclarations "imprudentes".



Les évêques de la FSSPX ne sont plus frappés de la suspens
2009-01-30 - Ennemond - leforumcatholique.org
Ces évêques, à leur demande , se trouvent désormais déclarés pleinement catholiques et lavés de toutes censures (l'interprétation qui semble devoir l' emporter étant que la suspense qui les frappait aussi était « accessoire » par rapport à l' excommunication et qu'elle disparaît en même temps qu'elle pour ces évêques). On imagine mal que la FSSPX n' essaye pas de faire en sorte que la situation de ses prêtres ne devienne semblable à celle de ses évêques.

Abbé Claude Barthe, Présent, 30 janvier 2009
Lettre d'excuses de Mgr Williamson
30 janvier 2009 - rorate-caeli - traduction: leforumcatholique.org
À Son Éminence le Cardinal Castrillón Hoyos

Votre Éminence,

Au milieu de la formidable tempête médiatique provoquée par mes imprudentes remarques à la télévision suédoise, je vous prie respectueusement de bien vouloir accepter mes sincères regrets pour avoir causé à vous-même et au Saint Père tant d’inutiles trouble et problèmes.

Pour moi, tout ce qui importe est la Vérité Incarnée, et les intérêts de Son unique et vraie Église, par lesquels seuls nous pouvons sauver nos âmes et, selon nos faibles moyens, rendre gloire éternelle à Dieu Tout-Puissant. Aussi ferais-je un seul commentaire, tiré du prophète Jonas, I, 12 :

« Prenez-moi et jetez-moi à la mer, et la mer s'apaisera pour vous. Car, je le sais, c'est à cause de moi que cette violente tempête vous assaille. »

S’il vous plaît, acceptez également et transmettez au Saint Père mes personnels et sincères remerciements pour le document signé mercredi dernier et rendu public samedi. Le plus humblement, j'offrirai une messe pour vous deux.

Bien à vous dans le Christ.
+Richard Williamson





Dans Newsweek : "Réconciliation à Rome"
30.01.2009 - Newsweek le 26 janvier - publication française: nouvelobs.com
Le pape a-t-il guéri, ou aggravé le schisme lefebvriste ? Que peuvent avoir en commun le cardinal Richelieu et le Roi Louis XVI, la prise de la Bastille et la Terreur, les Bourbons et Robespierre, les exactions révolutionnaires en Vendée, l’affaire Dreyfus, l’anticléricalisme de la Troisième République, et le régime de Vichy, avec le mouvement schismatique que feu l’archevêque Marcel Lefebvre a mené hors de l’église catholique romaine en 1988 — un mouvement que le pape Benoît XVI tente aujourd’hui d’amener vers la réconciliation en annulant le 21 janvier l’excommunication de ses quatre évêques illégalement ordonnés ?
En un mot : tout.
Le mouvement lefebvriste regroupe, bien entendu, des gens très différents. La grande majorité d’entre eux sont des hommes et des femmes qui considèrent que les formes plus anciennes du rite catholique — et notamment la messe latine célébrée dans la forme tridentine — apportent un plus grand bénéfice spirituel que la liturgie réformée instaurée à la suite du Concile Vatican II (1962-1965). Il est également vrai que l’archevêque Lefebvre, un des leaders de la faction anti-réformiste lors du Concile Vatican II, fut très mécontent de ce qui avait été fait à la liturgie à la suite du Concile.
Mais Lefebvre fut également un homme forgé par les haines profondes qui ont défini les lignes de fracture dans la société et la culture française, de la Révolution au régime de Vichy. Ses critiques les plus acharnées lors du Concile étaient dirigées vers une autre réforme : la déclaration par de Vatican II que "la personne humaine dispose du droit à la liberté religieuse", qui impliquait que la puissance séculaire de l'état ne devait pas être mise au service de la vérité proclamée par l’église catholique, ou toute autre communauté religieuse. Pour Lefebvre, ceci confine à l’hérésie. Car cette réforme remettait en question l’alliance du trône et de l’autel, que Lefebvre aurait voulu voir perdurer mais qui fut renversée par la révolution de 1789, avec selon Lefebvre des conséquences désastreuses pour l’église et la société.
La guerre de Marcel Lefebvre, en d’autres mots, n’est pas simplement, voire premièrement dirigée contre la liturgie moderne. C’est une guerre contre la modernité, point à la ligne. Car la modernité, dans l’esprit de Lefebvre, implique un sécularisme agressif, un anticléricalisme, et la persécution de l’église par des hommes sans dieu. C’est la modernité qu’il connaissait, ou pensait connaître (apparemment, Lefebvre n’a jamais lu les considérations d’un de ses compatriotes sur un genre très différent de modernité "De la démocratie en Amérique", d’Alexis de Tocqueville). La modernité qu’il haïssait, en tout cas. Pour Lefebvre, traiter avec cette modernité — en affirmant par exemple le droit à la liberté de culte et la séparation de l’église et de l’état — revient à signer un pacte avec le diable.
La certitude que l’église catholique avait effectivement conclu un pacte avec le diable en rendant les armes au concile Vatican II devant le monde moderne est la pierre angulaire idéologique du mouvement lefebvriste. Le résultat fut spectaculaire. Les lefebvristes en vinrent à se considérer comme les dépositaires en exil du Catholicisme authentique — ou comme le mouvement le définit, de la Tradition (toujours avec un T majuscule). Dix ans durant, le Pape Jean Paul II tenta de convaincre l’archevêque récalcitrant, sans résultat. Le Cardinal Joseph Ratzinger tenta ensuite une médiation. Mais au bout du compte, Marcel Lefebvre détestait la modernité plus qu’il n’aimait Rome. Alors, en 1988, ignorant les supplications de Jean Paul II et de Ratzinger (des hommes qu’on peut difficilement accuser de céder facilement à la modernité), un Lefebvre vieillissant ordonna quatre évêques pour poursuivre son œuvre, sans l’autorisation de Rome. Ces quatre évêques (dont l’ordination, bien qu’illégalement conférée selon le droit canon, est néanmoins un sacrement valide aux yeux de l’église) encouraient automatiquement l’excommunication de par leur participation à un acte schismatique — un acte de rébellion envers l’autorité de l’Église qui place celui qui le commet hors de la communauté des fidèles. Ce sont ces excommunications qui viennent d’être levées par Benoît XVI, afin d’amener le mouvement lefebvriste à la réconciliation avec Rome et le retour à la pleine communion.
Le fait qu’un des évêques lefebvristes, Richard Williamson nie la réalité de l’holocauste et soit un prosélyte des "Protocoles des Sages de Sion" a provoqué un retentissement considérable et nombre de commentaires, notamment chez les universitaires et les leaders religieux juifs, qui ont beaucoup investi dans le dialogue judéo-catholique depuis Vatican II. Leur souci est parfaitement compréhensible, bien qu’il faille rappeler que l’annulation de l’excommunication de Williamson ne constitue en aucun cas une reconnaissance par le pape de sa vision malade de l’histoire, ni un retour sur la déclaration de Jean-Paul II de 1998 regrettant l’holocauste, ni une invalidation des enseignements de Vatican II sur le péché de l’antisémitisme. Il faut néanmoins admettre que le négationnisme de Williamson et son adoption d’un cliché antisémite aussi caricatural que les "Protocoles" n’est pas tellement surprenante, quand on sait que l’idéologie politique lefebvriste vient des mêmes marécages nauséabonds français que les anti-dreyfusards (il faut toutefois reconnaître que les hyper-sécularistes de la Troisième République haïssaient autant les Catholiques que certains anti-dreyfusards ont pu haïr les Juifs).
Les sottises de Williamson, bien que regrettables et ignobles, ne sont toutefois qu’un épiphénomène. Car les principaux enjeux de ce drame sont apparus lorsque l’évêque Bernard Fellay, leader actuel du mouvement lefebvriste, envoya le 24 janvier aux fidèles du mouvement une lettre consacrée à la levée de l’excommunication. C’est un document surprenant, qui déclare que "la Tradition catholique n’est plus excommuniée" et que les lefebvristes constituaient "les catholiques du monde entier attachés à la Tradition ". La lettre concède plus loin la validité de "tous les conciles jusqu’à Vatican I. Mais nous ne pouvons qu’émettre des réserves au sujet du Concile Vatican II", et suggère que les entretiens qui sont prévus entre le Vatican et les lefebvristes, à présent que les excommunications ont été levées, seront consacrés à ces "réserves".
Des juristes canonistes crédibles se demandent si l’arrogance de l’évêque Fellay ne remet pas en cause le respect des règles canoniques nécessaire à une levée de son excommunication. Quoi qu’il en soit, les non-canonistes interpréteront la lettre de Fellay comme une proclamation de victoire unilatérale : les lefebvristes avaient raison, la papauté reconnaît enfin son erreur, il ne reste à discuter que les termes de la reddition. De façon peu surprenante, la gauche catholique (qui a eu l’intelligence d’éviter le schisme, tout en vivant de facto dans un schisme intellectuel et psychologique depuis l’encyclique Humanae Vitae du pape Paul VI de 1968 sur le planning familial) a salué le sauvetage canonique des évêques lefebvristes par Benoît XVI. En effet, chez de nombreux dissident de gauche de l’église catholique, on se demande : "et moi, où en est mon plan de sauvetage ?".
Benoît XVI a sans doute conçu cette levée d’excommunication comme un pas vers la guérison d’une blessure au sein de l’église. La lettre de l’évêque Fellay, en réponse au geste du pape suggère que la guérison n’a pas eu lieu. De plus, la lettre de Fellay n’a d’effet que de faire monter les enchères pour tout le monde, et jusqu’au plus haut niveau. Car l’enjeu est à présent pour l’église sa connaissance d’elle-même, qui se doit d’inclure les enseignements de Vatican II.
Le porte-parole du pape, le père jésuite Federico Lombardi, précisait à la presse le 24 janvier dernier que la levée de l’excommunication ne signifiait pas que les lefebvristes étaient revenus dans la pleine communion. Les termes d’une telle réconciliation seront, on le présume, le sujet des "entretiens" auxquels fait référence l’évêque Fellay dans sa lettre. Ces entretiens ne manqueront pas d’être passionnants. Difficile de savoir comment en effet on pourrait faire progresser l’unité de l’Église Catholique si la faction lefebvriste ne reconnaît pas publiquement et sans ambiguïté les enseignements du concile Vatican II sur la nature de l’église, la liberté religieuse, et le péché de l’antisémitisme. L’absence d’une telle reconnaissance signifierait la renaissance chez ses franges les droitières d’une sorte de catholicisme de self-service, où chacun prend ce qui l’arrange et ce, au moment où la formule semblait définitivement passée aux oubliettes chez une gauche catholique en perte de vitesse, sa maison de toujours.
Par George Weigel
Traduction de David Korn
Lire la version américain sur le site de Newsweek






Levée de l’excommunication : un éclairage canonique
30 janvier 2009 - Abbé Bernard du Puy-Montbrun - libertepolitique.com
En la fête de saint François de Sales, le 24 janvier 2009, a été publié le décret de la Congrégation pour les évêques rédigé à la demande du pape Benoît XVI par le préfet de ladite congrégation romaine, Son Eminence le cardinal Re, décret signé par lui le 21 janvier.
Ce décret a pour objet de lever ou de supprimer l’excommunication, peine dite médicinale ou faite pour guérir, qui avait immédiatement frappé les quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre à Ecône le 30 juin 1988 sans mandat pontifical, c’est-à-dire sans l’autorisation expresse du pontife romain (canon 1382). Cette sanction pénale canonique dite latae sententiae toucha au moment même de la consécration illicite, Mgr Lefebvre, Mgr de Castro Mayer en tant que co-consécrateur, tous deux décédés en 1991, et les prêtres ordonnés : Mgr Fellay, Mgr de Gallareta, Mgr de Mallerais et Mgr Williamson.
À l’époque, cette excommunication intervînt dès cette consécration publique de nature schismatique parce qu’elle avait correspondu au désir de créer une propre hiérarchie réalisée par Mgr Lefebvre (bien qu’en rigueur de terme une consécration épiscopale illicite n’est pas en soi sanctionnée en tant que schisme mais parce qu’il n’y a pas eu mandat pontifical) et malgré la monition, l’avertissement formel, qui lui furent auparavant adressés (en particulier le 17 juin 1988 par le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi qui était le cardinal Ratzinger) pour qu’il n’agisse pas ainsi.
Partant, l’excommunication fut ensuite déclarée par le décret de la Congrégation des évêques le 1er juillet 1988. Mgr Gantin, préfet de cette Congrégation avait alors précisé à ce sujet après avoir constaté que les auteurs du délit ne regrettaient rien :
« Je déclare à tous que les effets juridiques [canoniques] en sont les suivants : d'une part Mgr Marcel Lefebvre, d'autre part Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galaretta ont encouru ipso facto l'excommunication "latæ sententiæ" [dont la levée est] réservée au Siège Apostolique. Je déclare en outre que Mgr Antonio de Castro Mayer, évêque émérite de Campos, ayant participé directement à la célébration liturgique comme consécrateur, et ayant publiquement adhéré à l'acte schismatique, a encouru l'excommunication latæ sententiæ prévue par la canon 1364, §1. Nous avertissons les prêtres et les fidèles de ne pas adhérer au schisme de Mgr lefebvre, car ils encourraient ipso facto la peine très grave de l'excommunication » (Documentation catholique, n° 1966, 1988, p. 789).
La conjoncture changea progressivement et notamment lorsque Mgr Fellay, supérieur actuel de la Fraternité Saint Pie X, a demandé expressément la levée de cette sanction, le 15 décembre 2008, dans sa lettre remise à Son Éminence le cardinal Hoyos, président depuis l’an 2000 de la Commission pontifical Ecclesiae Dei, et en écrivant :
« Nous sommes toujours fermement déterminés dans notre volonté de rester catholiques et de mettre toute nos forces au service de l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est l’Église catholique romaine. Nous acceptons son enseignement dans un esprit filial. Nous croyons fermement à la Primauté de Pierre et à ses prérogatives, et c’est pour cela même que nous souffrons tant de l’actuelle situation. »
Grâce à cette évolution mise en acte, favorable à une sérieuse réconciliation, le préfet actuel de la Congrégation pour les évêques souligne cette volonté patente de restaurer la communion ecclésiale qui ouvre le droit à la levée de l’excommunication.

Par le décret du 21 janvier 2009, il est décidé de « consolider les relations réciproques de confiance » et d'augmenter, de « stabiliser les rapports de la Fraternité Saint Pie X avec le Siège Apostolique. Ce don de paix, au terme des célébrations de Noël, veut être aussi un signe pour promouvoir l’unité dans la charité de l’Église universelle et arriver à supprimer le scandale de la division ». Il est vrai que le pape Benoît XVI a promulgué le 7 juillet 2007 le motu proprio Summorum Pontificum redonnant droit de cité à la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970 mais au titre d’une forme extraordinaire de célébration (Documentation catholique n° 2385, 2007, p. 702).
Il reste, en conséquence, à envisager quel sera désormais le statut à retenir de la Fraternité sacerdotale saint Pie X et des prêtres qui en sont membres, sachant que les documents du concile Vatican II n’ont pas perdu de leur actualité :
« Leurs enseignements [avait souligné Benoît XVI lors du 40e anniversaire de la conclusion du concile le 8 décembre 2006] se révèlent même particulièrement pertinents au regard des nouvelles exigences de l’Église et de la société actuelle mondialisée. »
Il reste donc à continuer le chemin vers la pleine communion ecclésiale, à continuer de le mettre en œuvre en procédant par étapes « en des temps raisonnables », ajoute le souverain pontife, pour aborder tous les problèmes à résoudre dans un bon esprit de vérité et de cohésion.
Dans cet espoir, il est clair que maintenant les évêques de la Fraternité sacerdotale saint Pie X, les prêtres de cette fraternité et les fidèles qui y sont attachés, ne sont plus soumis à une excommunication, au nom des canons 1364 et 1382, dont les effets indivisibles consistent à une interdiction d’exercice de droits et de devoirs, en conformité avec les prescriptions du Code de droit canonique de 1983 ; interdiction d’exercice de droits et de devoirs qui entraînait une exclusion presque totale (ce qui ne veut pas dire définitive) des biens spirituels de l’Église.

L’abbé Bernard du Puy-Montbrun est recteur de la faculté de droit canonique de l’Institut catholique de Toulouse.


[Abbé Guillaume de Tanoüarn - MetaBlog] "Recoudre les fils déchirés du filet du Christ"

SOURCE - Abbé Guillaume de Tanoüarn - MetaBlog - 30 janvier 2009

C'est ainsi que le cardinal Bertone secrétaire d'Etat, caractérise l'objectif du pape Benoît XVI, dans une déclaration faite aujourd'hui même. Et il précise que pour comprendre le dessein du pontificat, "il faut partir du concile Vatican II" et de la double herméneutique qu'il a suscité. Vatican II "ne peut pas avoir été une assemblée constituante", visant à "changer la constitution de l'Eglise pour en mettre une nouvelle", parce que "la constitution de l'Eglise vient du Christ" et que nous ne saurions la remplacer par un projet d'Eglise, humain trop humain. L'Eglise n'est pas le mouton du Petit Prince, qui se laisserait dessiner, au gré de l'idée du moment. Hiérarchique et monarchique, ce Royaume de Dieu demeure semblable à lui-même et les contre-façons humaines n'ont pas de prise sur lui.
 
Si l'herméneutique de rupture ne peut avoir aucun succès, il importe pour le bien pastoral de l'Eglise de s'en tenir à l'herméneutique de continuité. Cette continuité se représente d'abord dans le temps, comme une cohérence foncière entre les différents états de l'Eglise. Elle se représente ensuite dans l'espace, et dans un espace toujours plus large, car c'est la Tradition qui seule est capable de regrouper tous les chrétiens. La Tradition est le meilleur moteur de l'oecuménisme raisonnable et efficace. L'élection du Patriarche Cyrille sur le siège de Moscou pourrait bien réserver des surprises à ceux qui croient que Benoît XVI est un conservateur. Il est indéniable que ce pontificat est animé d'un souffle et d'une espérance que l'on n'avait pas senti depuis plusieurs siècles.
 
Nécessairement court, hélas, étant donné l'âge du Pontife, après le long pontificat de transition que Jean Paul II nous a fait vivre (de Redemptor hominis, première encyclique à Ecclesia de eucharistia, quoi de commun, 25 ans ont passé), le pontificat de Benoît XVI, avec son herméneutique de continuité, pourrait bien changer considérablement le paysage, en surmontant définitivement, au nom de l'Eglise ce que j'appellerais volontiers la tentation socinienne.
 
Fausto Socin est un Italien qui vit à la fin du XVIème siècle. il est hélas trop peu connu. On peu considérer que, plutôt que Luther et Calvin, c'est lui le véritable père de la modernité chrétienne, c'est lui l'ancêtre des protestants libéraux. Renonçant délibérément à tout ce que la foi peut comporter de mystérieux (à commencer par le Mystère de la Sainte Trinité : un seul Dieu en trois personnes), il réduit le christianisme à une morale de l'amour du prochain et à une foi minimale dans le principe divin, au nom duquel le Christ s'est exprimé. Parmi les plus célèbres adeptes de Socin, le juif christianisant Spinoza n'hésitait pas à écrire que le Christ est la bouche de Dieu (Traité théologico-politique) ; mais il refusait résolument toutes les formes du mystère et toutes les expressions du surnaturel (la prophétie comme les miracles).
 
La grande hérésie du XXème siècle (le modernisme) succombe à cette tentation : Alfred Loisy, exégète, figure emblématique du modernisme, devient même agnostique tout en demeurant "mystique". C'est un disciple involontaire de Socin, par Renan qui, lui, se rattache explicitement à Spinoza.
 
Au Concile, toute une frange de l'Eglise, au nom de la foi comme simple expression de la conscience du croyant, a cru trouver une nouvelle forme d'universaliuté et comme un nouveau catholicisme (catholique= universel). Cette perspective est celle que les docteurs du Nouvel Israël ont appelé dans les années Soixante dix "la foi adulte" (par opposition sans doute à la foi de ceux qui acceptent de redevenir comme de petits enfants selon le précepte de l'Evangile, la foi adulte est une foi qui ne s'en laisse pas compter et met en cause tant l'authenticité des miracles que l'infaillibilité des prophéties). On a vraiment cru, dans les années Soixante dix que c'est autour de cette foi adulte que l'on "recoudrait les fils déchirés du filet du Christ". On a pensé que cette "foi adulte", partagé par tous les esprits raisonnables, favoriserait l'oecuménisme et le dialogue interreligieux. On a imaginé que cette foi adulte allait séduire les Etats, en rapprochant la croyance de l'Eglise du noyau laïc sur lequel se construit la vie politique occidentale. On s'est terriblement, on s'est tragiquement trompé. Cette foi adulte est stérile. Elle n'engendre pas dans le Christ. On a voulu "refaire chrétiens nos frères" : peanuts !
 
Benoît XVI est le premier a prendre acte publiquement de ce ratage dans le discours à la Curie romaine du 22 décembre 2005. Il est le premier à comprendre que pour "recoudre les fils déchirés du filet du Christ", c'est à l'enseignement du Christ, dans son authenticité fontale qu'il importe de revenir, car c'est cet enseignement, et rien d'autre, qui fera l'unité. Mais l'enseignement du Christ ne nous est accessible que par la tradition qui l'a fait parvenir jusqu'à nous. Des clercs, fatigués de la foi des anciens jours, avaient rêvé d'une assemblée constituante qui, selon l'idée émise semble-t-il par Jean XXIII lui-même d'une "nouvelle Pentecôte", serait pour l'Eglise comme un nouveau commencement. Les papes successifs, sans admettre cette idée, ont sacrifié à cette rhétorique. Benoît XVI lui, entend, dans les quelques années que dureront son Pontificat, donner le coup de barre qui empêchera définitivement la barque dont il a la responsabilité de s'embrocher sur les récifs du socinianisme contemporain. Il le fait à travers des gestes forts, parce qu'il sait bien qu'il ne dispose pas d'un quart de siècle comme son prédécesseur. le premier vise à réaliser l'unité des catholiques, en indiquant à tous que le centre de gravité de leur équilibre spirituel est la Tradition, toujours respectable, en liturgie comme en théologie.
 
Mais qui sait si le pontificat que Malachie appelle "la gloire de l'olivier" ne nous réservera pas d'autres surprises, dans le sens de la Tradition comme ferment de l'unité des chrétiens ? L'élection du Patriarche Cyrille à Moscou, qui de notoriété publique est philo-romain, constitue certainement un signe. Oui : un vrai signe des temps, pour "recoudre les fils déchirés du filet du Christ".





Saint Pierre et ses brebis galeuses
30.01.09 - Caroline Fourest - lemonde.fr
L'un des quatre évêques intégristes réintégrés par Benoît XVI, Mgr Williamson, est ouvertement négationniste. Qui peut feindre la surprise ? Il ne s'agit pas d'une première. Mais de l'énième main tendue à l'extrême droite anti-Vatican II, intolérante et antisémite, sous prétexte de retrouver l'"unité de l'Eglise". Cette "unité" est rarement invoquée pour réhabiliter les théologiens de la libération excommuniés, ou même pour adoucir l'amertume des catholiques de gauche placardisés. Entre la tentation moderniste et la tentation intégriste, le nouveau pape préfère combattre la première et courir après la seconde. La Fraternité Saint Pie X n'a jamais caché son enthousiasme : "C'est un pape traditionaliste !" Le compliment est exagéré mais mérité.
Benoît XVI aura fait plus de concessions en quatre ans que Jean Paul II en vingt-sept. Réhabilitation de la messe en latin, que l'on peut désormais célébrer comme "rite propre", messes tournées vers l'Orient et non plus vers les fidèles, réhabilitation de la prière pour la conversion des Juifs, réaffirmation du dogme au détriment de l'oecuménisme... Vatican II, ce "concile inspiré par le diable", selon l'expression lefebvriste consacrée, est en lambeaux. Presque tous les voeux de ses détracteurs ont été exaucés. Il ne restait plus qu'une exigence pour sceller la réconciliation : la remise en cause de l'excommunication des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre. Voilà qui est fait.
Bernard Fellay, l'un des quatre évêques réintégrés, étant le successeur de Lefebvre, sa Fraternité entre dans le giron de l'Eglise. Or elle compte bien d'autres brebis galeuses que Richard Williamson. Bernard Tissier de Mallerais, également réintégré, a fait partie du comité d'honneur de l'Union des nations de l'Europe chrétienne, au côté de membres du Front national. L'organisation avait l'habitude de se rendre à Auschwitz pour célébrer le "plus grand génocide de tous les temps". Non pas celui des Juifs, bien sûr. Mais celui des foetus avortés.
L'Eglise parisienne de la Fraternité, Saint-Nicolas-du-Chardonnet organise volontiers des offices à la mémoire d'écrivains négationnistes comme Maurice Bardèche. Son ancien curé, Philippe Laguérie, grand admirateur du milicien Paul Touvier, fait partie des toutes premières brebis traditionalistes réintégrées par Benoît XVI, grâce à un Institut dit du "Bon pasteur" taillé sur mesure. D'où il a pu baptiser un enfant de Dieudonné à la demande de son parrain, Jean-Marie Le Pen. Persuadé que les Juifs exercent une forme de "dictature" à travers la "banque et les médias", le bon pasteur est hostile à toute forme de dialogue avec le judaïsme : "On ne flirte pas avec cette secte !"
Ces discours extrémistes n'ont rien d'exceptionnel parmi les nouveaux soldats du pape. Les catholiques traditionalistes rejettent souvent l'oecuménisme de Vatican II par nostalgie pour l'antijudaïsme chrétien, ce bon vieux temps où l'on pouvait prier pour l'âme du juif déïcide. Leurs militants français s'inscrivent donc logiquement dans la plus pure tradition maurrassienne. Certes, d'autres catholiques ouvertement d'extrême droite, comme Bernard Antony, de Chrétienté-solidarité (élu FN), ou don Gérard Calvet, du monastère du Barroux, se sont ralliés à l'Eglise du temps de Jean Paul II.
Mais à l'époque, quand le monastère du Barroux se remettait à prier pour le "Juif perfide", cela faisait désordre et le Vatican intervenait. Aujourd'hui, la prière pour la conversion des juifs est parfaitement tolérée. Sa formulation a été atténuée mais son esprit restauré.
Les rabbins italiens qui ont osé protester contre cette prière se sont vus sèchement éconduits par le Cardinal Kasper, pourtant chargé du dialogue interreligieux : "De notre point de vue, elle est tout à fait correcte sur le plan théologique. C'est simplement difficile pour les Juifs de l'accepter."
Le ton du "dialogue" est donné.

Article paru dans l'édition du 31.01.09






"Aux catholiques du diocèse de Créteil, aux habitants du Val de Marne" par Mgr Santier
30 janvier 2009 - eglise.catholique.fr
Je comprends l’émotion et le trouble de beaucoup d’entre vous, et de ceux que vous côtoyez chaque jour, suite à la décision du Pape Benoît XVI.
Le trouble est accentué par la simultanéité de l’annonce, dans les médias, de la décision du Pape et des déclarations négationnistes de Monseigneur Richard Williamson.

Il est important de distinguer les deux événements. Les propos de Monseigneur Williamson sont inacceptables et inadmissibles, un déni de la vérité historique, et nous ne pouvons admettre sur ce point aucune concession.

Nos frères Juifs, habitant dans Val de Marne, peuvent être assurés de mon engagement et de celui de l’Église diocésaine, à combattre toute forme d’antisémitisme, comme toute forme d’exclusion vis à vis d’autres communautés croyantes, ou toute forme de racisme, et je partage leur émotion.

La décision du Pape Benoît XVI de lever l’excommunication des quatre évêques, ordonnés par Monseigneur Lefebvre, est d’un autre ordre. Cette décision est loin de conclure le dossier.

Il est hors de question, dans notre diocèse, de remettre en cause l’enseignement du Concile Vatican II : l’émergence du visage de l’Église comme communion et complémentarité des vocations au service du Peuple de Dieu, l’engagement de l’Église dans la société, notamment auprès des plus pauvres, la liberté de conscience, le dialogue œcuménique, qui a un fondement évangélique, et les relations avec les autre religions.

Mais, nous pouvons entrer dans la compréhension de l’intention du Pape. Il a essayé jusqu’au dernier moment d’empêcher Monseigneur Lefebvre de commettre l’irréparable qui brisait la communion. Il a partagé la souffrance de Jean-Paul II : la rupture de communion dans l’Église. Il ne veut pas que cette fracture demeure durant des siècles.

En donnant la possibilité de célébrer la messe dans le rite précédant le Concile, et en levant l’excommunication, il veut ouvrir le chemin du dialogue en vérité et de la réconciliation.

Mais ce dialogue demandera encore du temps pour cheminer vers la pleine communion, et le décret souligne bien que l’acceptation de l’enseignement du Magistère du Pape comprend l’acceptation entière du Concile Vatican II.

En accueillant ce désir légitime du Saint Père, notre Église diocésaine ne change pas de cap : elle demeure une Église à l’écoute de la Parole de Dieu et à l’écoute des hommes et des femmes de ce temps, engagée dans l’histoire. Elle est faite pour le monde, pour annoncer l’Évangile à toutes les générations, soutenir l’espérance des hommes en ce temps de crise économique et sociale.

Ne nous laissons pas troubler. Que l’espérance habite nos cœurs.

Tournons-nous vers ce qui doit nous préoccuper : proposer la Parole de Dieu à tous, comme nous le vivrons dans le grand rassemblement du 14 juin, où j’invite chacun et chacune d’entre vous.

Mgr Michel Santier
Evêque de Créteil

Le 30 janvier 2009






Traditionalistes ? Voire…
30 janvier 2009 - Emmanuel Pic - la-croix.com
Une paroissienne d’un certain âge me racontait l’autre jour combien elle avait été surprise, assistant aux obsèques d’une de ses amies selon l’« ancien rite », de ne pas y retrouver la liturgie qu’elle avait connue autrefois. Tout y était, pourtant : le latin, les chants, les vêtements liturgiques… Mais il y manquait quelque chose qu’elle n’a pas su nommer avec précision, quelque chose comme l’esprit de son enfance.
Cette dame avait mis le doigt sur quelque chose qui me frappe beaucoup, et qui concerne aussi bien la mouvance lefebvriste que d’autres mouvements d’Eglise un peu vite qualifiés de « traditionalistes » (je me garde bien de mettre les deux sur le même plan). Ce traditionalisme-là est revisité par des gens, souvent jeunes, qui n’ont pas connu la messe de toujours. Ils découvrent dans des lectures, à travers des enseignements, ce qui était autrefois transmis par l’action liturgique et l’habitus qu’elle créait dans le peuple chrétien.
Le soin apporté à la beauté de la liturgie, au détail – au risque de tomber dans le rubricisme - , et surtout la réflexion et l’importance accordées au sens de ce qui se vit dans l’action liturgique, tout cela était absent des préoccupations des catholiques d’autrefois : on se contentait, alors (et sauf exceptions notables bien sûr) de se laisser porter par ce qui se vivait dans l’Eglise, sans trop réfléchir au pourquoi du comment.
De ce point de vue-là, le traditionalisme rejoint le fondamentalisme, car tous deux sont des manifestations paradoxales de la modernité dans le champ du religieux : ils sont des expressions, à la fois, de la liberté qui est donnée à chacun de construire sa propre démarche spirituelle comme il l’entend ; et, sans aucun doute, d’une inquiétude vis-à-vis d’un monde perçu comme dangereux.
En ce sens, l’excommunication n’est certainement pas une solution. Elle aboutit à marginaliser davantage des populations qui ont déjà tendance à s’estimer ostracisées injustement, et concourent au morcellement du paysage religieux.
Une autre voie me semble préférable, celle de la compréhension et de l’analyse du phénomène, en le resituant dans ce grand mouvement dans lequel nous sommes embarqués sans trop savoir où nous allons et auquel nous donnons le nom commode de “modernité”.
Un mouvement qui transforme de fond en comble notre rapport à l’autorité et aux dogmes : sous ce rapport, il est frappant de constater que le lefebvrisme a été d’abord un refus d’adhérer aux décisions d’un concile, et d’obéir au magistère de l’Eglise ; position éminemment “moderne”, qui ne peut se fonder en dernière analyse que sur la revendication d’une liberté de conscience totale vis-à-vis de l’enseignement romain.
Un mouvement qui, du même coup, touche à notre compréhension de l’Eglise : puisque nous ne pouvons nous opposer à un mouvement aussi profond, nous devons trouver un moyen de vivre ensemble, dans une diversité qui frise parfois l’éclatement. Ce vivre ensemble passe évidemment par le dialogue, et non par l’exclusion. C’est en ce sens que doit se comprendre la levée des excommunications qui frappaient les quatre évêques : un indispensable préalable au dialogue, qui va s’ouvrir maintenant sur les questions vraiment fondamentales qui touchent à la réception du concile Vatican II.
Emmanuel Pic






Reconnaître théologiquement un concile
30 janvier 2009 - Isabelle de Gaulmyn - la-croix.com
La difficulté, c’est qu’il est parfois peu aisé de comprendre la ligne suivie par le Vatican dans cette affaire. La vérité, c’est qu’il y a plusieurs lignes, avec sans doute un jeu d’influence entre elles. Car Benoît XVI a bien rappelé, mercredi, que l’acceptation du concile Vatican II était un préalable à la réintégration des membres de la Fraternité Saint-Pie-X.
Mais dans le même temps, celui qui est chargé de négocier avec ces membres, le cardinal Castrillon Hoyos, dans le Corriere della Sera livre ces propos significatifs : « La pleine communion arrivera. Dans nos conversations, Mgr Fellay a reconnu le Concile Vatican II, il l’a reconnu théologiquement », explique-t-il, il « ne reste que quelques difficultés ». Lesquelles donc ? « il s’agit de discuter de certains aspects, comme l’œcuménisme, la liberté de conscience »… Certains aspects ? A ce point là, on se demande ce que signifie l’expression reconnaître « théologiquement » un Concile…
Isabelle de Gaulmyn






L'amour crucifié
30 janvier 2009 - Mgr Jean-Michel di Falco Léandri - diocesedegap.com
L’annonce de la fin d’un schisme devrait nous réjouir, mais l’écho de nouveaux coups de marteaux sur les clous qui transpercent les mains du juif Jésus a de nouveau retenti, venant briser notre espérance. Mgr Williamson, de la Fraternité Saint Pie X, l’un des évêques pour lesquels le Pape Benoît XVI a levé l’excommunication, nie l’existence des chambres à gaz et remet en cause le nombre de juifs morts en camps d’extermination.
En entendant ces propos je me suis demandé ce qu’aurait éprouvé le Cardinal Jean-Marie Lustiger. Sa mère, femme juive, à qui il devait lui-même d’être juif, est morte à Auschwitz après avoir été dénoncée par un Français sans doute de la même famille de pensée que Mgr Williamson.
En septembre dernier, lors du voyage du Pape Benoît XVI à Lourdes, j’ai été interviewé par un journaliste de Radio France. Parmi ses questions, une sur la messe en latin. J’ai toujours accordé les autorisations qui m’étaient demandées dans mon diocèse, lui dis-je, et je fais le nécessaire pour mettre en application le Motu proprio. Mais le Motu proprio dérange certains de vos confrères, me dit-il alors. J’ai répondu que ce n’était pas la messe en latin qui troublait plusieurs d’entre nous, les évêques, mais l’usage idéologique que l’on en faisait dans certains cas. Et j’ajoutai que la messe ne pouvait être instrumentalisée comme l’étendard d’une idéologie, souvent d’extrême droite, et dont le discours raciste, antisémite et xénophobe est en contradiction avec l’Evangile. La messe n’a pas sa place dans un meeting politique comme ce fut le cas dans le passé.
Je ne sais ce que le journaliste a gardé de cette interview et ce qui a été diffusé ensuite sur l’ensemble des antennes de Radio France. Je connais en revanche la violence des insultes qui ont circulé sur internet à mon propos ou celles que j’ai reçues par mail et par la poste. Je ne parlerai pas des lettres de menaces. Tout cela bien sûr au nom de Jésus-Christ et de la fidélité à son Eglise.
Merci donc à Mgr Williamson d’avoir par ses propos illustré de manière on ne peut plus explicite ce que je disais alors !
Mgr Williamson est un évêque membre de la fraternité Saint Pie X. « Fra/ter/ni/té », vous avez bien entendu : « fraternité ». En niant le calvaire et la souffrance de ses frères juifs, Mgr Williamson a sans doute voulu leur donner une preuve de sa pseudo-fraternité ! Le paravent de la « Fraternité » cache parfois des nœuds de vipères. « Ils ont un venin pareil au venin d’un serpent, d’un aspic qui ferme son oreille. » (Psaume 58)
« Le loup habitera avec l’agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau ; le veau, le lionceau, et le bétail qu’on engraisse, seront ensemble, et un petit enfant les conduira. La vache et l’ourse auront un même pâturage, leurs petits un même gîte ; et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille. Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère. » (Isaïe 11, 6-8)
Le pape Benoît XVI, avec la foi inébranlable qui est la sienne et dans sa grande bonté, a peut-être médité ces paroles du prophète Isaïe avant de tendre la main.  Le faisant, il plonge courageusement sa main faite pour bénir dans un nœud de vipères. Puisse-t-il, fort de l’Esprit Saint qui l’assiste, tel Moïse devant pharaon pour libérer son peuple, faire que les serpents se changent en bâtons de pasteurs. Le Pape avance fort de cette parole du Christ : « Je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions… Rien ne pourra vous nuire. » (Luc 10, 19)
L’Eglise n’est pas une assemblée de parfaits mais une assemblée de pécheurs appelés à la sainteté. Si je pousse ici ce cri de honte et de colère, c’est en pensant à celles et ceux que la souffrance de se sentir exclus consume. Celles et ceux qui n’ont pas été excommuniés mais qui vivent leur marginalisation de fait comme s’ils l’avaient été. Celles et ceux qui, les bras tendus vers l’Eglise leur mère, attendent les mots d’Amour qui leur diront qu’ils en sont toujours les filles et fils bien-aimés.
J’ai été le témoin privilégié de la souffrance du cardinal Decourtray, alors archevêque de Lyon et président de la Conférence des évêques de France, lorsqu’il recevait des dizaines de lettres dans lesquelles se trouvaient des crachats et d’autres matières nauséabondes pour avoir tendu la main à nos frères juifs. J’ai vu le visage blême du cardinal Lustiger interrompu pendant une homélie par un hurlement bestial : « Sale Juif ».
Après cette chronique, des tombereaux d’immondices ne tarderont pas à être déversés sur moi. Merci, ils feront la démonstration que mes propos ne sont pas dans l’erreur. De plus, les cris d’orfraie de ceux qui se seront reconnus ne parviendront pas à couvrir la sourde clameur de milliers d’enfants juifs torturés et assassinés dans les camps de la mort.
Enfin je sais, je sais, inutile de m’en faire la remarque, je sais que des centaines d’hommes et de femmes familiers de la messe en latin ne se reconnaissent pas dans les propos de Mgr Williamson ni dans l’attitude gonflée d’orgueil et d’arrogance de certains responsables. Ceux-là, qu’ils soient accueillis les bras ouverts, l’Eglise vivifiée par l’Esprit du Concile Vatican II est leur maison comme elle est la nôtre.
Quant à ceux qui trouveront mes propos véhéments qu’ils s’interrogent, jugent-ils ces paroles du Christ véhémentes : « Races de vipères, comment pourriez-vous dire de bonnes choses, méchants comme vous l’êtes ? Car c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle. » (Matthieu 12, 34)
A Gap, le 30 janvier 2009 + Jean-Michel di FALCO LEANDRI
Evêque de GAP et d’EMBRUN