27 avril 2006

Quand le futur Benoît XVI défendait la messe à l'ancienne
27 avril 2006 - AFP
La messe en latin selon l'ancienne manière, toujours pratiquée par les catholiques intégristes, a compté parmi ses partisans le cardinal Joseph Ratzinger, le futur pape Benoît XVI, démontre un livre publié jeudi à Rome.

Le livre du prêtre allemand Uwe Michael Lang, intitulé "Rivolti al Signore" (Tournés vers le Seigneur), paraît avec une préface rédigée en 2003 par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, qui critiquait la réforme liturgique adoptée après le concile Vatican II.

L'usage actuellement en cours dans l'Eglise catholique est de célébrer la messe dans la langue locale, avec les prêtres faisant face aux fidèles, alors qu'auparavant ils tournaient le dos au "peuple" et célébraient en latin.

Or, selon le cardinal Ratzinger, le concile Vatican II (1961-1965) n'a prévu aucun de ces changements introduits après coup.

"Si on lit les textes conciliaires, on pourra constater avec étonnement que ni l'un ni l'autre de ces changements ne s'y trouvent sous cette forme", écrivait-il en 2003. Il regrettait "les fanatismes" du débat sur la liturgie et appelait à "éviter dans ce domaine les positions unilatérales et érigées en absolu".

Le livre et sa préface ont déjà été publiés en 2003 en allemand et en 2004 en anglais, alors que le cardinal Ratzinger n'était pas encore pape.

Dans un autre texte publié en 2001, le cardinal Ratzinger estimait que "la position du prêtre tourné vers le peuple a fait de l'assemblée priante une communauté refermée sur elle-même".

Depuis le début de son pontificat il y a un an, Benoît XVI a manifesté le désir de réintégrer dans l'Eglise les catholiques intégristes membres de la fraternité Saint-Pie X, qui posent comme condition la liberté de célébrer la messe selon l'ancien rite.

Benoît XVI a déjà amplifié l'usage du latin dans les liturgies pontificales au Vatican. Il a également reçu en septembre 2005 le chef de la fraternité Saint Pie X, Mgr Bernard Fellay.

Mais les critiques des intégristes envers le Vatican concernent aussi des questions de fond comme l'oecuménisme, que Benoît XVI n'est pas disposé à abandonner.
Le prix de la pourpre
Romano Libero, 27 avril 2006 - Golias - http://golias.ouvaton.org/
Parmi les cardinaux tout récemment créés, trois d’entre eux ont été nommés à la Commission Pontificale "Ecclesia Dei" chargé des négociations en vue de la pleine réintégration des lefebvristes. Il s’agit de l’américain Wiillam Levada, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi mais aussi du français Jean-Pierre Ricard et de l’espagnol Antonio Canizarès Llovera. SI ces trois prélats n’ont rien de dangereux contestataires, il n’en est pas moins vrai qu’ils ont en commun de ne pas être de ceux qui se réjouissent trop fort de la réintégration probable de la Fraternité Saint Pie X.

Certes, Mgr Ricard a célébré des ordinations à l’abbaye bénédictine du Barroux ; il a encouragé lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Cologne le mouvement "Juventutem" rassemblant des jeunes attachés à la liturgie en latin.

Pourtant, l’archevêque de Bordeaux ne cache guère son hostilité à la création dans l’Eglise d’une structure canonique indépendante qui séparerait trop les tradis de l’autoritaire ordinaire des évêques.

Mgr Levada ne partage pas tous les points de vue de Benoît XVI sur la liturgie et semble davantage convaincu que l’intégrisme représente une erreur symétriquement opposée à celle du progressisme, et en définitive tout aussi grave.

A notre avis, cela ne veut pas dire que le Pape veuille freiner la réconciliation entreprise. Au contraire, ayant revêtu la pourpre cardinalice, nos trois prélats sont comme tenus à une obéissance plus radicale à l’égard du Pape.

Joseph Ratzinger leur confie en quelque sorte une nouvelle mission, d’autant plus difficile peut-être qu’elle exigera des trois cardinaux de se faire un peu violence : convaincre les évêques de la Curie et des Etats-Unis, de France et d’Espagne, milieux où sont nées de fortes réticences à la perspective d’une réintégration à trop bon compte des disciples de Mgr Lefebvre, de mettre de l’eau dans leur vin conciliaire et de favoriser un rabibochage tout de même suspect.

La pourpre vaut bien un Concile (surtout Vatican II).

26 avril 2006

Abbé Cekada interviewé sur Radio courtoisie
Emission de Serge de Beketch - 26 avril 2006 - transcrit par www.virgo-maria.org
Serge de Beketch :
Bonsoir Monsieur l’Abbé
Abbé Cekada
Bonsoir la France
Serge de Beketch
Vous êtes aux Etats-Unis. Je vous est appelé parce que j’ai découvert sur votre site internet qui s’appelle www.traditionalmass.org un exposé particulièrement clair d’une chose d’une gravité immense. C’est une étude sur la validité de la consécration des évêques conciliaires depuis le 18 juin 1968. C’est une étude que vous intitulez « Absolutely nul and utterly void », c’est-à-dire « absolument nulles et entièrement vaines ». Ce faisant vous reprenez la conclusion anticipée de la bulle apostolique « Apostolicae Curae » de 1896 de Léon XIII qui avait sanctionné définitivement l’invalidité des sacres anglicans. On va expliquer pourquoi. Mais la première question que je vais vous poser, c’est celle de votre intention en publiant cette étude. Ce n’est pas par hasard. Vous la publiez le jour de l’Annonciation puis qu’elle est datée du 25 mars 2006 et qui est également le jour du quinzième anniversaire de la mort de Mgr Lefebvre.
Abbé Cekada
Exactement, j’ai été ordonné par Mgr Lefebvre. J’étais dans la ville de Milwaukee dans l’Etat du Wisconsin au centre des Etats-Unis et j’étais petit séminariste à cet endroit. Après je suis entré dans l’ordre des cisterciens et je fus envoyé en Suisse à l’abbaye de Fribourg au nord de la Suisse. J’ai beaucoup lu sur la question de la messe tridentine et à ce moment là, il y avait un grand débat dans la presse. C’était dans les années 1975 sur le cas de Mgr Lefebvre. J’ai été attiré par les positions de Mgr Lefebvre et je suis entré au séminaire d’Econe cette année. Je suis allé parler une fois avec Monseigneur sur la question de mes anciens amis dans le séminaire moderniste, s’ils voulaient travailler avec la Fraternité Saint Pie X, il m’a expliqué sa position sur la question des ordres conférés dans le nouveau rite.
Serge de Beketch
Alors qu’elle était cette position de Mgr Lefebvre ?
Abbé Cekada
Mgr Lefebvre m’a dit que l’on a supprimé quelque chose pour la prêtrise et donc c’est douteux et il m’a expliqué que pour les consécrations épiscopales c’est tout à fait invalide parce que l’on a changé la forme sacramentelle. J’ai été choqué d’entendre une telle chose.
Serge de Beketch
Est-ce que la position de Mgr Lefebvre sur la question de la validité de ces consécrations a évolué par la suite et dans quel sens ?
Abbé Cekada
Après quelques années, il a modifié, je crois, sa position. Dans les années 1980, je crois qu’il est entré dans les négociations avec le Vatican et il a changé sa position un peu en disant que apparemment cela vient des rites orientaux et qu’ils sont valides.
Serge de Beketch
L’argument des défenseurs de la validité, c’est de dire que le rituel conciliaire a repris des éléments de rituels beaucoup plus anciens qui étaient des rituels orientaux et que cela confère à cette consécration la même validité. C’est la position actuelle des conciliaires.
Abbé Cekada
C’est tout à fait faux parce que j’ai fait une comparaison entre la nouvelle forme de la consécration épiscopale et les rites orientaux. Il y a quelque chose en commun mais ils ne sont pas la même chose.
Serge de Beketch Ce que je voudrais préciser d’abord selon la bonne vieille formule : d’où parlez-vous ? C’est une formule trotskiste si je ne m’abuse mon cher Patrick Goffman.
Patrick Goffman
Intégralement marxiste
Serge de Beketch
Vous parlez en tant qu’enseignant de théologie et de liturgie catholique au séminaire de la Très Sainte Trinité de Brooksville en Floride. Vous êtes prêtre, théologien et liturgiste. Par conséquent, vous êtes fondé à avoir un regard et une opinion professionnelle sur ces questions. Pouvez-vous rappeler pour les auditeurs ce qui fait un sacrement ?
Abbé Cekada
Il faut avoir pour un sacrement, la matière et la forme. La forme est la formule essentielle. Pour le sacrement de l’Ordre, Pie XII a expliqué qu’il faut avoir deux choses dans la forme sacramentelle : la grâce du Saint-Esprit et la potestas Ordinis (c’est-à-dire le pouvoir de conférer l’Ordre). Ces deux choses sont requises. Si on enlève la potestas Ordinis, on change la substance de la forme et la forme ne dit pas la même chose. La conséquence est que la forme est invalide.
Serge de Beketch
Ne peut-on pas penser que, si la forme devient invalide par la maladresse ou par la mauvaise volonté du célébrant ou de la personne qui ordonne, la bonne foi de celui qui reçoit le sacrement n’engage pas dans la voie de l’Ecclesia supplet, est-ce que le Saint-Esprit ne supplée pas en quelque sorte à l’absence de célébrant ?
Abbé Cekada
L’Eglise ne peut pas suppléer le manque d’une chose essentielle dans la forme. Parce que c’est requis. Par exemple, dans le baptême, il y a des choses qui sont requises. Si on omet par exemple, le mot ‘baptise’ dans la forme, l’intention du célébrant n’a rien à faire.
Serge de Beketch
Est-ce que l’on peut dire que c’est du même ordre que l’invalidité de certaines messes, par moment en Afrique on voulait faire de l’inculturation, et on célébrait certaines messes avec du vin de palme et fruit de l’arbre à pain ? J’ai toujours appris que ce ne sont pas des messes Est-ce du même ordre ?
Abbé Cekada
C’est à peu près du même ordre. Mais là on a changé la matière. Et ici avec la consécration épiscopale, on a changé la forme.
Serge de Beketch
Quelles sont les conséquences de ce changement de forme ? C’est naturellement l’invalidité sacramentelle. Quelles sont les conséquences de l’invalidité sacramentelle dans la consécration d’un évêque ?
Abbé Cekada
Tous les sacrements qui dépendent du caractère sacerdotal deviendront donc invalides : la messe, les absolutions, l’extrême onction, etc. Parce que ces sacrements dépendent de la validité de l’ordination sacerdotale qui vient d’un évêque, d’un vrai évêque.
Serge de Beketch
Cela veut dire que si l’évêque est invalide, tous les actes qu’il accomplit dans son ministère deviennent invalides.
Abbé Cekada
Oui dans son ministère sacerdotal, sacramentel.
Serge de Beketch
S’il donne l’Ordre à quelqu’un, la personne en question n’est pas prêtre.
Abbé Cekada
Oui malheureusement, malheureusement. Ce sont les conséquences.
Serge de Beketch
C’est une modification qui date de quand exactement ?
Abbé Cekada
De 1968. Paul VI a changé le pontifical romain et a modifié la formule pour l’ordination sacerdotale avec la suppression d’un mot et pour la consécration épiscopale, il a tout à fait changé la forme essentielle.
Serge de Beketch
Est-ce que vous pouvez nous dire quel est le mot qui a été changé ? En quoi la modification devient manifeste pour quelqu’un qui assiste à une ordination ou à un sacre d’évêque ?
Abbé Cekada
L’ancienne forme exprimait deux choses très nettement, très clairement : la grâce du Saint-esprit et la plénitude du sacerdoce. La nouvelle forme exprime dans un sens la grâce du Saint-Esprit mais elle n’exprime pas le pouvoir de l’évêque, la potestas Ordinis. On a utilisé une autre expression en latin « Spiritus Principalis », c’est le mot essentiel dans la forme. J’ai fait une petite étude sur la signification de cette expression « Spiritus Principalis ». J’ai découvert qu’il y a une bonne douzaine de significations. Parmi ces significations, on ne peut pas trouver l’idée de la potestas Ordinis d’un évêque. Donc on a enlevé tout à fait dans la nouvelle forme, le concept de la plénitude du sacerdoce. Cela a disparu
Serge de Beketch
Est-ce que cela peut être expliqué par une maladresse de traduction ou c’est quelque chose qui procède d’une volonté claire de modifier la forme du sacrement ?
Abbé Cekada
A mon avis c’est le deuxième cas parce que les hommes qui ont travaillé avec le nouveau rite de consécration épiscopal étaient de vrais modernistes. Dom Botte et le Père Lecuyer avaient une théologie tout à fait moderniste. Je crois que c’est fait exprès.
Serge de Beketch
Vous parlez de l’Abbé Botte qui est celui qui a argumenté sur la base du précédent des liturgies orientales, coptes, syriennes occidentales, etc. Mais il dit que le nouveau rituel n’est pas un nouveau rituel mais c’est un emprunt qui est fait à rituel qui est beaucoup plus ancien et qui est le rituel oriental. Vous nous dites que cela n’est pas vrai. La position de Dom Botte a été défendu récemment dans un article publié dans le « Sel de le terre » par le Frère Pierre-Marie qui a exactement la même position que Dom Botte. Vous dites que le rituel moderne n’est pas conforme au rituel oriental.
Abbé Cekada
Non parce que Dom Botte, lui-même, a fait une étude des rites orientaux et a identifié une forme tout à fait différente dans le rite syrien et dans le rite maronite pour la consécration épiscopale, une formule tout à fait différente. Dom Botte a pris comme nouvelle forme pour la consécration épiscopale, son œuvre de reconstitution d’une œuvre d’Hippolyte. C’est une reconstitution, c’est tout-à-fait une reconstitution, ce n’est pas un vrai rite en usage dans l’Eglise catholique et approuvé par les Papes. C’est une création savante de Dom Botte
Serge de Beketch
Votre étude, c’est quelque chose de totalement effrayant. Ce que vous affirmez vous c’est que dans l’état actuel des choses tous les évêques qui ont été consacrés selon le rituel nouveau, le rituel conciliaire, à partir du 18 juin 1968, ne sont pas des évêques.
Abbé Cekada
Oui malheureusement, malheureusement.
Serge de Beketch
Donc tous les prêtres qu’ils ont ordonnés, ne sont pas des prêtres.
Abbé Cekada
Oui malheureusement. C’est la conséquence si on applique les principes théologiques très très clairs que Pie XII a énoncés dans son encyclique « Sacramentum ordinis ». C’est très très clair.
Serge de Beketch
A votre avis, selon votre analyse, si on accepte votre examen de la question, combien reste-t-il d’évêques validement consacrés dans le monde aujourd’hui  ? Car 1968, cela fait 40 ans bientôt, on n’est pas consacré évêque avant 40 ans, ce sont des évêques de 80 ans.
Abbé Cekada
Je ne connais pas le nombre exact. Mais la consécration n’a pas changé beaucoup dans les rites orientaux. Ce que je dis s’applique seulement au rite romain.
Serge de Beketch
Cela veut dire également que les évêques de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Fellay, Mgr Williamson, Mgr de Galaretta et Mgr Tissier de Mallerais sont eux validement consacrés.
Abbé Cekada
Oui, il n’y a pas de question
Serge de Beketch
Donc que les prêtres qu’ils ont ordonnés, sont validement ordonnés.
Abbé Cekada
Oui, ce sont des ordinations vraiment valides et c’est Mgr Lefebvre qui a vraiment sauvé le sacerdoce dans ce sens là.
Serge de Beketch
Si on retient votre position, c’est Providentiel, c’est plus que Providentiel l’intervention de Mgr Lefebvre. Ce qui est étonnant, c’est que votre position ne semble pas convaincre les prêtres et les évêques de la Fraternité. Avez-vous une explication à leur réserve ?
Abbé Cekada
C’est bien possible, qu’il n’y ait pas beaucoup de prêtres de la Fraternité qui ont vu ma petite étude. Elle est nouvellement publiée.
Serge de Beketch
Elle est publié chez vous en anglais sur votre site internet : www.traditionalmass.org Elle est publiée également en français, il y a une traduction qui a été faite qui est excellente, je le signale d’ailleurs, sur le site : www.rore-sanctifica.org où il y a le texte en français et j’invite les auditeurs que ça intéresse, et comment ne s’y intéresseraient-ils pas, à se reporter à ce site rore-sanctifica.org où ils auront une excellente traduction de votre travail d’une façon très facilement accessible. Une question encore, Monsieur l’Abbé Cekada. Quels sont les sacrements qui « passent au travers » si je puis dire et qui restent valides ? Il y a le baptême et le mariage ?
Abbé Cekada
Le baptême et le mariage
Serge de Beketch
Dans le cas du sacrement de pénitence, de la confession, j’ai toujours entendu dire que si on se confessait à quelqu’un qui n’est pas validement prêtre mais si on le fait avec la sincérité du cœur, on est absout.
Abbé Cekada
La théologie de l’Eglise exige qu’il faille avoir un prêtre validement ordonné pour vous donner l’absolution.
Serge de Beketch
C’est assez effrayant ce que vous nous expliquez là. Il ne reste plus qu’à nous abriter derrière la phrase de l’Ecriture qui disent : « les portes de l’Enfer ne prévaudront pas », mais comment pourraient-elles ne pas prévaloir dans une situation pareille ?On va se retrouver dans une situation où il n’y aura plus de prêtre ni d’évêques.
Abbé Cekada
On dit assez souvent en effet que l’Eglise est un peu éclipsée. Tout ceci sont les conséquences horribles du concile Vatican II, les conséquences horribles qui ont suivi le second concile du Vatican. C’est vraiment horrible de vivre dans ce temps.
Serge de Beketch
Avez-vous fait des propositions ou reçu des propositions de prêtres, je pense au Frère Pierre-Marie ou aux dominicains d’Avrillé, des propositions de disputatio ? ou à d’autres sur cette affaire ?
Abbé Cekada
Non pas encore.
Serge de Beketch
Mais vous seriez disposé bien sûr à débattre, j’imagine, de cette question ?
Abbé Cekada
Oui, je crois que je suis toujours disponible. Je préfère écrire des articles parce que les questions des rites orientaux sont vraiment très compliquées.
Serge de Beketch
Monsieur l’Abbé nous allons faire quelque chose si vous le voulez bien, nous avons des questions mais nous n’allons pas pouvoir y répondre ce soir, car comme vous le dîtes ce sont des questions complexes. Je propose à nos auditeurs qui s’intéressent à ces questions, de m’écrire leurs questions que je vous ferai parvenir aux Etats-Unis. Puis je vous ré-inviterai à cette antenne pour que vous puissiez répondre et approfondir cette question.
Abbé Cekada
Oui, d’accord.
Serge de Beketch
Je vous remercie beaucoup Monsieur l’Abbé, et gardez-nous dans vos prières.
Abbé Cekada
Merci pour votre patience avec mon français.
Serge de Beketch
Votre français est parfait et puis vous savez en temps de guerre on ne s’occupe pas trop de l’accent des gens qui combattent dans le bon combat.
Patrick Gofmann
Le latin avec un accent américain plus une touche d’accent suisse c’est délicieux.
Serge de Beketch
Merci Monsieur l’Abbé, à bientôt.

22 avril 2006

L’unité des chrétiens
Entre catholiques d’abord
Philippe Oswald - Editorial de Famille Chrétienne n° 1475 du 22 avril 2006
« Aide-nous à être des serviteurs de l’unité ! »
Voici un an, dans l’homélie de la messe inaugurale de son pontificat, Benoît XVI priait pour que lui soit donné d’accomplir la mission de Pierre, pasteur et pêcheur : « […] Oui Seigneur, invoquait le pape, fais que nous ne soyons […] qu’un seul troupeau ! Ne permets pas que ton filet se déchire…»
Pour Benoît XVI, on ne saurait travailler à l’unité des chrétiens sans donner la priorité à celle des catholiques. Il est grand temps de mettre un terme aux divisions entre progressistes et traditionalistes attisées par des interprétations erronées et des applications fantaisistes du Concile.
On se souvient que le cardinal Ratzinger avait ouvertement déploré, dans plusieurs livres et discours, ces dérives doctrinales et liturgiques, comme d’ailleurs l’interdiction, de fait sinon de droit, de l’ancien missel. Conscient de ce problème, Jean Paul II avait demandé aux évêques dans le motu proprio Ecclesia Dei adflicta de 1988, de répondre « largement et généreusement » aux demandes de fidèles souhaitant une célébration de la messe dite « de saint Pie V ». A chacun d’apprécier, quelques dix-huit ans après cette demande, si la largesse et la générosité furent la règle. 
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Le risque de la constitution d’« églises parallèles » ayant leurs séminaires, leurs écoles, leurs paroisses, grandit avec le temps, comme l’a relevé le cardinal Ricard, président de la Conférence des évêques de France, dans son discours de clôture de l’assemblée plénière à Lourdes (9 avril). Aussi, s’exprimant au nom de ses confrères, a-t-il promis : « Nous sommes prêts, comme évêques, à nous engager dans ce vrai travail de communion » entrepris par Benoît XVI. 
Cette ouverture fait notamment écho aux contacts renoués avec la Fraternité Saint-Pie X (lire enquête). Dans son cas, il ne s’agit pas simplement d’une sensibilité traditionnelle à respecter. La communion rompue par les ordinations illicites de quatre évêques par Mgr Lefebvre doit être restaurée « dans la charité et la vérité », comme l’a dit encore Mgr Ricard.
La charité implique qu’on apprenne à se connaître en renonçant aux fausses images, aux procès d’intention, aux arrière-pensées. La vérité exige un examen loyal des points de dissension : non seulement sur la liturgie, mais sur l’enseignement du « vrai » Concile et des papes. Qu’on puisse enfin se consacrer ensemble à l’essentiel : adorer, évangéliser ! 
Rome et les lefebvristes - La réconciliation est-elle possible ?
Benjamin Coste - 22/04/2006 - Famille Chrétienne
Depuis l'accession de Benoît XVI au Siège de Pierre, les contacts ont repris comme jamais entre Rome et la Fraternité Saint-Pie-X. Faisant naître l'espoir d'une prochaine sortie de crise. Néanmoins, malgré des relations plus sereines, les désaccords entre les lefebvristes et Rome demeurent.

Lourdes, en octobre dernier. Grisaille et froide bruine toutes pyrénéennes. Dans la cité mariale, la saison des pèlerinages touche à sa fin. Aux abords du sanctuaire, des écriteaux "Fermé" barrent l'entrée de nombreux hôtels. Déjà, plusieurs boutiques d'objets religieux ont baissé leur rideau de fer. Seul un imposant cortège, recueilli et discipliné, s'enfonce dans la basilique souterraine Saint-Pie-X.
Des familles et des religieux prennent place sous la voûte bétonnée. Les femmes arborent un fichu noir ou une mantille. Les hommes ont ouvert leur missel protégé par une housse en cuir. Des ribambelles d'enfants s'enfilent comme des perles sur les bancs. Près de la sacristie, des religieux de tous âges, en robe de bure et tonsurés, sont agenouillés et attendent le début de l'eucharistie célébrée en latin selon le rite de saint Pie V (lire encadré "La messe de saint Pie V").
La longue procession s'ébranle pour rejoindre l'autel. La messe débute. Dos à l'assemblée, tourné vers le tabernacle, le prêtre se signe. "In nomine Patris, et Filii et Spiritus Sancti. - Amen !" Les responsables de la Fraternité Saint-Pie-X peuvent avoir le sourire : jamais le pèlerinage à Lourdes des disciples de Mgr Lefebvre n'avait fait autant recette. Selon les organisateurs, ils sont près de sept mille à participer à celui proposé cette année en " réparation pour les millions de morts du génocide par avortement".
En dépit de la sombre aura qui les entoure depuis la rupture de Mgr Lefebvre avec Rome en 1988 (lire encadré "Genèse d'un schisme"), ses disciples circulent, paisibles, dans le sanctuaire. "On s'est mis d'accord sur des façons de faire", explique Jean-François Monnory, secrétaire général des sanctuaires en charge de l'organisation des pèlerinages.

"Des discussions fructueuses"

Depuis l'élection de Benoît XVI, les tractations entre Rome et les responsables de la Fraternité Saint-Pie-X fondée par Mgr Marcel Lefebvre ont repris. "Ce sont les discussions les plus fructueuses que nous ayons eues jusqu'ici", signalait récemment Mgr Bernard Fellay, le supérieur de la Fraternité, dont le mandat de douze ans touchera à sa fin en juillet prochain. Le pape semble même avoir fait du retour dans la pleine communion des lefebvristes une de ses priorités. "Dans les semaines ou les mois qui viennent, Benoît XVI devrait donner des directives pour faciliter le chemin vers un retour possible à une pleine communion", a indiqué début avril le cardinal Ricard, à l'issue de la dernière assemblée plénière des évêques français à Lourdes.
Un empressement à trouver une solution justifié par la distance qui se creuse chaque jour entre les fidèles de Mgr Lefebvre et Rome. "Plus les années passent et plus on aura affaire à des prêtres et des laïcs qui n'auront connu que la Fraternité", s'inquiète un prélat qui connaît bien le dossier. Le 12 février, à Rome, le successeur de Jean-Paul II a consulté la Curie pour étudier la stratégie à mettre en place pour réintégrer les lefebvristes dans le giron de l'Eglise.
De son côté, Mgr Fellay semble moins pressé. "Au sein de la Fraternité, beaucoup ont peur de se "faire avoir" par Rome et d'être obligés de renier ce pour quoi ils se sont battus ", analyse le cardinal archevêque de Bordeaux et président de la Conférence des évêques de France Mgr Jean-Pierre Ricard, également membre de la commission pontificale Ecclesia Dei, créée en 1988 pour "faciliter la pleine communion ecclésiale" des traditionalistes, schismatiques ou non.
Militant pour une meilleure connaissance réciproque, Mgr Fellay sait qu'il ne serait pas suivi par tous si un accord était signé prochainement entre Rome et la Fraternité Saint-Pie-X. "Il est néanmoins conscient que celle-ci n'a d'avenir que dans la communion avec Rome", ajoute le cardinal Ricard.
Les héritiers de Mgr Lefebvre fixent trois conditions à leur retour dans la pleine communion : l'élargissement à chaque prêtre du droit de célébrer selon le rite de saint Pie V, la révision de certains points du concile Vatican II, et la levée des excommunications.
Ce dernier point serait en bonne voie, et pourrait constituer un premier pas vers une régularisation. L'option est défendue par le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé. Le cardinal colombien a dernièrement déclaré sur une chaîne de télévision italienne que l'ordination des quatre évêques pour la Fraternité sans l'accord de Jean-Paul II (lire encadré "Genèse d'un schisme") ne constituait pas un acte schismatique mais relevait plutôt d'une "attitude schismatique".

Au centre du conflit, le problème de la messe

En ce qui concerne la messe tridentine, "l'église est entrée dans un processus irréversible", selon Mgr Fellay, qui prêche pour sa libéralisation, " c'est-à-dire la possibilité pour chaque prêtre de célébrer cette messe s'il le souhaite ". Pour les lefebvristes, ce serait la fin de la suppression par Paul VI d'un droit qu'ils jugent imprescriptible. "Cette question ne devrait pas poser de problème", confirme le cardinal Ricard. Qui poursuit : "Mais une chose est de dire qu'il y a deux formes possibles pour célébrer la messe, une autre que d'affirmer que le rite de Paul VI est hérétique".
Avant son élection pontificale, le cardinal Ratzinger s'était largement et plusieurs fois exprimé sur la question. "Si cela pouvait servir à nourrir la religiosité de certains croyants [...], je serais personnellement favorable à un retour à la situation ancienne, c'est-à-dire à un certain pluralisme liturgique ; pourvu naturellement que soit reconfirmé le caractère légitime des rites réformés, et que soient clairement circonscrits le cadre et le mode des quelques cas extraordinaires où l'on aura concédé la liturgie pré-conciliaire", expliquait-il par exemple dans son livre Entretien sur la foi paru en 1985.
Au sein de la Fraternité, les prêtres ne célèbrent que selon le rite de saint Pie V : la messe de Paul VI est officiellement considérée comme valide par ses responsables, mais dangereuse pour la foi. Et la célébrer au sein de la Fraternité constitue un motif d'exclusion. "Je n'écarte pas la perspective que l'on doive remettre un jour en question la validité de ce rite. Comme d'ailleurs l'ensemble des sacrements de l'Eglise conciliaire...", note en aparté un prêtre intégriste. Hélène, paroissienne de "Saint-Nic'" (Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, l'emblématique église illégalement occupée depuis 1977 par les lefebvristes), regrette, elle, la "désacralisation" qu'entraîne le nouveau rite. "Pour moi, la messe de saint Pie V exprime de façon plus forte le mystère de la messe. J'ai du mal à prier avec le rite actuel et je suis gênée que le prêtre soit face à l'assemblée : j'ai l'impression qu'il est obligé de jouer sa messe comme le ferait un acteur..."
Les autorités de la Fraternité ont bien conscience que, pour leurs fidèles, l'attente la plus forte vis-à-vis de Rome concerne la messe de saint Pie V. "Les problèmes de doctrine liés à Vatican II sont plus des questions qui intéressent les élites", souligne l'abbé de Cacqueray, supérieur du district de France de la Fraternité.

A Lourdes, à Lisieux... des pélés lefebvristes accueillis sous conditions

Retour à Lourdes. Malgré l'importance du pèlerinage, aucune trace des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre : l'Anglais Richard Williamson, l'Espagnol Alfonso de Galarreta, le Français Bernard Tissier de Mallerais, et l'actuel supérieur de la Fraternité le Suisse Bernard Fellay, ont pour consigne de ne pas se montrer. Ce fut l'une des conditions à l'acceptation par le recteur des sanctuaires du pèlerinage de la Fraternité à Lourdes. " Ils symbolisent trop fortement la rupture avec Rome", explique-t-on dans les bureaux du sanctuaire.
Seconde condition : qu'aucune publicité ne soit faite dans et autour du sanctuaire. Le pèlerinage n'est d'ailleurs pas inscrit au programme officiel, et se déroule hors saison. "Mais cela a des avantages pour eux", précise Jean-François Monnory. "De cette manière, il est plus facile de leur donner la basilique souterraine, qui se prête mieux à leur conception de la liturgie. On met même à leur disposition certains ornements liturgiques spécialement sortis pour l'occasion du Trésor du sanctuaire", ajoute-t-il.
Du côté des intégristes, l'abbé Pinaud, qui coordonne depuis quelques années l'organisation de ce pèlerinage de la "Frat'", est satisfait de l'accueil. Il mesure le chemin parcouru. "Des erreurs ont été faites dans le passé qui ont créé des situations "désagréables"", regrette-t-il : coups de force pendant la messe internationale, messes "sauvages" célébrées dans la prairie en face de la Grotte, recteur vigoureusement pris à partie... A Lourdes, les tensions exacerbées et les coups de sang de l'après-Concile semblent désormais de vieux souvenirs.
De même à Lisieux, où Mgr Bernard Lagoutte, l'ancien secrétaire de la Conférence des évêques de France désormais recteur de la basilique, accueille depuis quatre ans un autre pèlerinage lefebvriste. "Auparavant, les gens de la Fraternité Saint-Pie-X installaient un podium au pied de la basilique... avant d'y entrer en force pour prier ! Avec le nouveau responsable de la Fraternité en Normandie, nous sommes tombés d'accord pour dire que Lisieux n'est pas un lieu pour venir exposer ce qui nous sépare, ni pour résoudre les difficultés actuelles, raconte Mgr Lagoutte. J'ai l'impression que la rencontre du pape avec Mgr Fellay en août dernier a ouvert des perspectives...", conclut-il.

Une certaine détente...

De fait, en France, où la Fraternité Saint-Pie-X compte environ la moitié de ses effectifs, soit près de cent mille fidèles, l'heure semble à une certaine détente. Dans les diocèses où elle est implantée, les prêtres diocésains et leurs confrères lefebvristes ne s'ignorent plus, et entretiennent même souvent des rapports qui seraient d'autant plus facilités que l'âge des protagonistes est moins élevé. "La plupart d'entre nous n'ont pas connu le traumatisme du schisme de 1988. On n'a pas de passif avec le Vatican", explique un jeune prêtre de la Fraternité. "Nous souffrons moins d'ostracisme que par le passé", ajoute l'abbé de Cacqueray. "J'ai récemment déjeuné avec quatre jeunes prêtres diocésains. Et s'ils ne nous donnent pas raison, ils m'ont néanmoins témoigné de la sympathie pour ce que nous faisons." A l'inverse, "les 50-70 ans nous renient et ne partagent pas du tout nos perspectives. Nous leur rappelons une autre vie dont ils ne veulent plus", explique Mgr Bernard Fellay (lire entretien avec Mgr Bernard Fellay).
Parfois même, prêtres diocésains et prêtres lefebvristes s'entraident, comme dans le diocèse de Bayonne, où un modus vivendi a, semble-t-il, été trouvé pour les mariages. Certains curés prêtent leurs églises aux fiancés de sensibilité lefebvriste. Le prêtre de la Fraternité célèbre la messe et le curé de la paroisse vient recevoir le consentement des époux afin que le mariage soit valide.
Les récentes nominations épiscopales en France (Mgr Centène à Vannes, Mgr Legrez à Saint-Claude...) suscitent également une certaine sympathie chez les lefebvristes français. "De son temps, je n'ai jamais pu rencontrer le cardinal Lustiger. J'espère que cela sera différent avec Mgr Vingt-Trois...", ajoute le supérieur du district de France. La blessure toujours ouverte de Saint-Nicolas-du-Chardonnet n'est certainement pas étrangère au silence de l'archevêché parisien.

Encore de nombreuses embûches sur le chemin de la réconciliation

Des lefebvristes "assagis", un clergé souvent mieux disposé au dialogue, une volonté d'aboutir plusieurs fois manifestée par Benoît XVI depuis son élection... Cent ans après la naissance de Mgr Lefebvre, 2006 pourrait-elle être l'année du retour à la pleine communion ?
Tout reste à faire. Et les embûches ne manquent pas sur le chemin de la réconciliation, qui pourrait prendre pour les lefebvristes la forme d'une administration apostolique. Les disciples de Mgr Lefebvre devront pour cela se soumettre à l'autorité du pape et reconnaître l'orthodoxie du concile Vatican II. "J'ai accueilli l'élection du successeur de Jean-Paul II avec joie, explique l'abbé de Cacqueray. Mais je ne me fais pas d'illusion. Nous savons que Vatican II tient une grande place dans son intelligence." Du côté de la base lefevbriste, le sentiment est le même. "Avec Benoît XVI, nous faisons les mêmes constats sur l'état de l'Eglise... Mais les solutions divergent !", résume, sans espoir, une paroissienne de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
Le pape l'a montré, il désire faciliter un rapprochement. "Mais il ne le fera pas à n'importe quel prix...", souligne Mgr Ricard. Minoritaire mais significatif, qualifié de "révolutionnaire" par l'abbé de Cacqueray, un courant d'opinion a vu le jour au sein de la Fraternité Saint-Pie-X, selon lequel Benoît XVI sera le pape de la réconciliation.
Yves Amiot, 70 ans, est un des principaux défenseurs de cette thèse. Ancien rédacteur en chef du Chardonnet, le bulletin de Saint-Nicolas, dont il est toujours paroissien bien qu'"en rupture avec son clergé", il préside l'Association Sensus Fidei ("le sens de la foi", en français), qui reven-dique cinq cents adhérents. Elle entend saisir la chance que représente l'élection de Benoît XVI pour "conclure un accord valable et viable avec Rome et seconder ainsi par la suite les efforts du pape pour remettre l'église sur la bonne voie".
Installé dans un appartement cossu du XVIe arrondissement de Paris, Yves Amiot, qui estime "avoir une certaine image au sein de la Fraternité", a toujours gardé sur le cœur la rupture avec l'Eglise. Il raconte "son" 19 avril 2005, jour de l'élection de Benoît XVI. "Je l'ai vécue comme une libération. Ma femme a même pleuré de joie devant la télévision !", se souvient-il. "Alors que nous vivions dans une perpétuelle insécurité avec Jean-Paul II, capable par exemple d'embrasser le Coran, Benoît XVI nous inspire une confiance raisonnée", explique le vieil homme. "C'est un signe de la Providence, il ne faut pas rater cette occasion en étant trop exigeant. Pour moi, la séparation ne peut être quelque chose de durable."
Pour ce vétéran de la Fraternité, acteur de la prise de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, sa hiérarchie actuelle n'a pas senti les changements dans l'Eglise. "Quand les Brésiliens de Campos se sont ralliés à Rome, beaucoup se sont indignés sans chercher à en savoir plus. De même avec l'élection de Benoît XVI. "Il sera pareil que Jean-Paul II", entendait-on à la sortie de la messe. Mais ce n'est qu'une façon de ne pas être dérangé dans son confort et de pouvoir continuer à donner du "monsieur l'abbé" sur les parvis. Entre gens bien-pensants issus du même monde..."

Des partisans d'un rapprochement avec Rome exclus de leur Fraternité

Le malaise d'Yves Amiot à l'égard de la Fraternité Saint-Pie-X remonte à plusieurs années. "Le nombre des vocations est en baisse. On voit des jeunes quitter le séminaire d'Ecône sans trop qu'on sache pourquoi... Et puis, il n'y a plus de créations de nouveaux prieurés de la Fraternité en France." Un constat qui traduit pour lui l'absence de finalité à l'action ecclésiale menée par les lefebvristes. Il décide de s'en ouvrir par écrit à Mgr Fellay. "Je n'ai jamais eu de réponse..."
Les mêmes interrogations sont reprises par l'abbé Philippe Laguérie, une des figures de la Fraternité. En réponse, le bouillant ancien curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, qui avait tenté de "prendre" en 1993 Saint-Germain-l'Auxerrois, une autre église parisienne, est muté au Mexique ! Il refuse, ce qui entraînera son exclusion... pour "mutinerie".
Dans son sillage, d'autres sont exclus et non des moindres, tel l'abbé Guillaume de Tanoüarn - le propre cousin de l'abbé de Cacqueray -, qui depuis son éviction a fondé à Paris le Centre Saint-Paul. S'y retrouvent régulièrement les "remerciés" de la Fraternité : les abbés Héry, Laguérie, Guelfucci, ou encore Aulagnier, qui a été pendant dix-huit ans supérieur du district de France... D'ex-piliers de la Fraternité qu'Yves Amiot tient comme "les plus en faveur d'un rapprochement avec Rome". Y a-t-il un lien avec leur exclusion ? Il en est convaincu.
Du côté des autorités de la Fraternité, on tend à minimiser ces comportements jugés séditieux. "Une affaire limitée, localisée à Paris et à Bordeaux", pour l'abbé de Cacqueray. L'Association Sensus Fidei ? "Un petit mouvement de laïcs pas significatif..." Mais "cette prétention à l'indépendance se trouve en opposition radicale avec l'obligation d'obéissance et de soumission aux autorités de l'église rappelée en particulier par tous les papes d'avant le concile Vatican II", a prévenu l'abbé de Cacqueray... apparemment sans voir le paradoxe d'un tel propos quand on sait la situation de la Fraternité Saint-Pie-X par rapport à Rome.
Tiraillées entre les partisans d'un retour à la pleine communion et ceux qui jugent Rome comme définitivement "protestantisée", les autorités lefebvristes pratiquent un double langage qui pourrait compromettre un éventuel accord. Mgr Fellay lui-même n'est pas le dernier à souffler le chaud et le froid.
Ainsi, le 13 janvier dernier, devant un parterre de journalistes français, il déclarait, satisfait : "Je suis convaincu que nous aboutirons". Mais quelques semaines auparavant, lors d'une conférence donnée à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, le ton avait été moins optimiste. Voire agressif. Le successeur de Mgr Lefebvre n'hésitait pas à décrire Benoît XVI comme ayant "une tête malformée par une philosophie moderne, libérale, parfois moderniste, et un cœur conservateur. On a l'impression que le pape ne conçoit pas un catholique qui ne soit imbu de l'esprit de Vatican II. Ça promet !" Rome en prenait aussi pour son grade : "Rome ne nous traite pas comme des gens qui seraient en dehors de l'Eglise. Avec eux, on dialogue. Avec nous, pas de dialogue. Nous sommes les enseignés et Rome l'enseignant".
"L'obéissance n'est pas quelque chose d'absolu. On a le droit de désobéir pour un bien. Comme Mgr Lefebvre l'a fait pour le bien de l'Eglise", abonde Fabienne, maman de sept enfants, Parisienne d'origine désormais installée au Pays basque pour scolariser ses garçons dans l'une des écoles de la Fraternité.
"Au fond, c'est toujours l'orgueil qui conduit à la désobéissance...", déplore pour sa part l'abbé Christian Laffargue. "Les lefebvristes adhèrent au magistère extraordinaire de l'Eglise (les dogmes comme l'Assomption, l'Immaculée Conception...), mais posent des réserves quant à son magistère ordinaire enseigné dans les encycliques ou le Catéchisme de l'église catholique, par exemple, qu'ils n'ont pas accepté."
Un accord sans que les questions théologiques soient réglées ?
Ordonné prêtre à écône, l'abbé Laffargue, 58 ans, a quitté la Fraternité juste après les ordinations de 1988. Il fut l'un des fondateurs de la Fraternité Saint-Pierre, traditionaliste mais en communion avec Rome (1). Aujourd'hui incardiné dans le diocèse de Belley-Ars, il a gardé de nombreux contacts parmi les lefebvristes. "Finalement, en n'acceptant que partiellement l'enseignement de l'Eglise, en s'opposant perpétuellement au pape, ils procèdent comme les "progressistes" qu'ils honnissent." Coupés de l'autorité du Magistère, ils ont érigé leurs propres critères de discernement. "Je suis attristé de constater que mes confrères ne lisent pas les encycliques des papes", poursuit l'abbé Laffargue. Constatant cette lacune, le district de France de la Fraternité a créé une commission chargée de lire les textes pontificaux afin de leur en fournir un résumé...
L'abbé Laffargue ne voit pas d'accord prochain sans que les questions de fond, théologiques, soient réglées. "Sinon, ce serait comme le retour au pays d'expatriés après dix-huit ans d'absence : ils seraient complètement déphasés, déçus, cherchant à retrouver les gens et les choses "comme avant !"."
Il estime également nécessaire que l'église fasse son aggiornamento concernant les dérives, notamment liturgiques, qui existent toujours. "On ne s'oppose plus frontalement aux papes, on salue respectueusement les documents du Magistère romain, mais sont-ils toujours appliqués ? C'est encore difficile de trouver deux prêtres qui célèbrent la messe de la même façon et, suivant les paroisses, ce n'est pas la même doctrine qui est enseignée. Je ne suis pas sûr que cela donne envie aux lefebvristes de revenir..."
Son espérance ? "Beaucoup de prêtres et de fidèles liés à la Fraternité Saint-Pie-X aiment l'église et désirent une réconciliation. Le pape Benoît XVI leur redonne espoir. Son discours du 23 décembre dernier à la Curie sur "l'esprit du Concile" (2) leur a montré qu'un pape osait dénoncer clairement les dérives. La réconciliation ne se fera pas par un simple accord technique, disciplinaire, mais par le haut. Par une conversion. Tous, nous devons tomber à genoux pour demander pardon."

(1) L'abbé Laffargue a raconté son itinéraire dans Pour l'amour de l'église, publié chez Fayard en 1999.
(2) Pour certains, Vatican II marquerait une rupture dans l'Histoire de l'Église. Benoît XVI, lui, légitime le Concile comme une "réforme", un "renouveau dans la continuité".

21 avril 2006

Interview de Monseigneur Mgr Bernard Tissier de Mallerais
par Stephen L.M. Heiner - Colton, Californie, le 21 avril 2006, pour The Remnant du 30 avril 2006 - Traduction non officielle depuis l'original anglais par http://www.virgo-maria.org/

[NDTN: The Remnant a supprimé la remarque sur Fatima avant de publier ce entretien. Par ailleurs, ce texte se termine par une citation attribuée à celui qui était alors l'abbé Ratzinger, c'est une distorsion du texte allemand tel qu'écrit par l'abbé Ratzinger, et que nous donnons à la suite.]
Je n’avais rencontré Mgr Bernard Tissier de Mallerais qu’une seule fois auparavant, en 1997,  lors de l’ordination de l’abbé Frank Kurtz. Le sachant féru de droit canon, je lui avais alors posé quelques questions sur la nature « intrinsèquement perverse » de la nouvelle messe. Il avait bien voulu me consacrer une partie de son temps et m’avait brièvement exposé ses idées sur la question. Sa courtoisie et sa gentillesse m’avaient frappé, d’autant plus que je venais de lui voir célébrer la messe avec une précision et une sainteté telles que j’en avais rarement vu l’équivalent.
J’ai exprimé le désir d’interviewer Monseigneur à Michael Matt, qui m’a autorisé à le « pourchasser ». Bien que je ne sois pas européen et que mon français et mon allemand soient, au mieux, très sommaires, j’ai fini par le trouver à Écône (il était 2 heures du matin en Californie alors quand on était au milieu de la  matinée en Suisse ; j’étais donc fatigué, et de plus, mon français est exécrable), et il m’a permis de le rencontrer à Colton, où il devait se rendre pour des confirmations. J’ai enregistré personnellement l’interview, qui a duré environ quarante-cinq minutes.
Monseigneur a vérifié le texte ci-dessous quant à la précision de la forme et du fond. Il en a approuvé la totalité aux fins de publication. Je préfère employer le titre « Your Lordship » (Monseigneur) que le titre plus contemporain « Your Excellency » (votre Excellence), et c’est pourquoi on retrouvera le premier partout dans le texte.

S.H. : Monseigneur, l’agence Zenit a publié le 7 avril un texte contenant certaines déclarations des évêques français sur la fin de leur assemblée plénière :
« La vérité nous impose d’exprimer clairement nos sujets de désaccord. Plus que sur des points de liturgie, ce désaccord porte sur l’acceptation du Magistère, en particulier celui du deuxième concile du Vatican et des papes des dernières décennies. La Communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou de réflexion complémentaire. Mais on ne saurait tolérer un rejet systématique du Concile, une critique de ses enseignements ou un dénigrement de la réforme liturgique décrétée par lui. »
En outre, le site Internet AngelQueen.org a publié dernièrement une «interview exclusive» de Mgr Rifan, du diocèse de Campos. Dans le texte de cette interview, Mgr Rifan déclare (par l’intermédiaire d’un subordonné) que la communion dite essentiellement «pratique» et «effective» avec le rite romain est démontrée par la concélébration dans le Novus Ordo, et il cite à cet égard le canon 541.
Que répondriez-vous à ces commentaires sur la «communion» en tant qu’évêque du rite romain reconnaissant la validité de l’élection de Benoît XVI ?
Mgr : Tout d’abord, je ne suis pas au courant de ce texte. Je ne l’ai pas lu. Cela ne m’intéresse pas, je ne suis pas ce genre de nouvelles. Ce n’est pas le problème qui se pose ici. Le problème, ce n’est pas la «communion», qui correspond à l’idée stupide entretenue par ces évêques depuis Vatican II. La communion n’est pas ce qui pose problème ; ce qui pose problème, c’est la profession de la foi. La «communion» n’est rien, c’est une invention du concile Vatican II. L’essentiel, c’est que ces gens (les évêques) n’ont pas la Foi catholique. La «communion» ne signifie rien à mes yeux, ce n’est qu’un slogan de la nouvelle Église. La définition de la nouvelle Église est la «communion», qui n’a jamais été une définition de l’Église Catholique. Je ne puis vous fournir que la définition de l’Église telle qu’on la comprenait traditionnellement.
S.H. : Quelle est cette définition, Monseigneur ?
Mgr : L’Église est la société visible de ceux qui sont baptisés, qui professent la foi catholique et qui se soumettent au Pontife romain. Ces trois éléments sont essentiels et nécessaires et représentent tout ce qui compte selon moi ; la «communion» n’a aucune valeur à mes yeux.
Si j’ai quelque chose d’important à vous dire, c’est bien que ces gens ont perdu la Foi, surtout la foi dans le mystère et le dogme de la Rédemption. Car ainsi que vous le savez, le concile Vatican II n’a pas un dit un mot de la Rédemption. La réforme liturgique, c’est un fait, a complètement falsifié le mystère de la Rédemption.
S.H. : Le Saint-Père a beaucoup travaillé sur ce concile en tant que théologien. Vous le connaissiez quand il était encore cardinal, en 1988, et je sais qu’à l’époque, vous aviez eu affaire à lui de très près dans le cadre des «négociations». Vous avez eu l’occasion de l’observer pendant plus d’un an (on fêtait il y a quelques jours le premier anniversaire de son élection) : y a-t-il eu un changement dans ses paroles, ses actions ou son ton depuis qu’il est devenu pape ?
Mgr : Je le connaissais pour être un négociateur cherchant à nous réconcilier avec l’Église conciliaire et à nous y réintroduire. Je voyais en lui un homme intelligent et intéressé par ce projet de «réintégration». Nous avons esquivé ses initiatives. Mais à présent, je considère qu’il est le pape, oui, le pape, et qu’il est investi de grâces spéciales. Pourtant, il ne se sert pas de ces grâces, car il ne fait rien pour l’Église. Il est en place depuis un an, et il n’a rien fait !
S.H. : On a dit qu’il éprouvait une certaine culpabilité à propos de 1988, car extérieurement, il semble «combattre» pour la Fraternité. Pensez-vous que ce soit exact ?
Mgr : Il était honnêtement persuadé que nous étions hors de l’Église et qu’il avait le devoir de nous y réintroduire. Une telle idée était ridicule, bien entendu, car nous ne sommes pas hors de l’Église et nous ne l’avons jamais été. C’était son grand désir (la réconciliation). Ces événements ont eu lieu quelques mois avant ma consécration épiscopale. Mais maintenant, c’est lui qui est pape ! Il doit faire quelque chose pour l’Église ! Or, il ne fait rien !
S.H. : Donc, vous ne lui avez rien vu accomplir de concret, Monseigneur ?
Mgr : Non, rien.
S.H. : Au cours du récent consistoire, il a accru le poids électoral de l’Europe au détriment des autres parties du monde. On dit qu’il veut que l’Europe reprenne les rênes de l’Église. Mais l’Europe est infectée par la montée de l’islam. Nous sommes très mal placés, en Amérique, pour observer l’islam militant, car il n’y a chez nous qu’une très petite minorité de musulmans. Compte tenu des récentes émeutes et de l’article publié par Dici  en février au sujet de la montée de l’islam en Europe, que pouvez-vous dire de l’état de l’Église en Europe ? Est-elle prête à « prendre les rênes » ?
Mgr : Cette question concerne non pas Benoît XVI, mais les gouvernements européens, qui permettent à l’islam de se développer sans freins. Le gouvernement français, par exemple, invite pratiquement les musulmans à venir en France. Il prétend contrôler leur religion et adopte à cette fin lois et règlements. Les évêques ne voient pas le danger ; en fait, ils ne sont pas cohérents. D’un côté, ils voient ce danger et refusent de donner des églises aux musulmans pour que ceux-ci en fassent des mosquées ; de l’autre, ils disent que chrétiens et musulmans doivent se réconcilier, qu’il n’existe pas de différence entre la religion des uns et celle des autres, et que l’islam est une religion très « tolérante ». Ils sont donc en complète contradiction avec eux-mêmes.
S.H. : Diriez-vous que cette attitude est partagée par les évêques d’Allemagne, de France et de Suisse, qu’il n’y a pas de différence entre les pays ?
Mgr : Je ne vois pas la moindre différence. Ils sont tous parfaitement incohérents. Ils voient le danger, parce qu’ils vont être contraints (en vertu de la législation française relative aux édifices publics) de céder des églises vides aux musulmans. Mais à côté de cela, ils disent que l’islam est une religion très bonne et très tolérante.
S.H. : Le « projet européen » de Benoît XVI se heurte donc à de nombreux obstacles. Vous avez dit qu’en son temps, vous aviez vu agir l’actuel Saint-Père en tant que négociateur. Mgr Fellay l’a présenté dernièrement comme très attaché au Concile. Quelles sont les principales idées de ce pape qui détonent avec la Tradition ?
Mgr : La collégialité, par exemple. Il veut gouverner l’Église avec les évêques, avec les cardinaux. Il se rend donc incapable de gouverner l’Église. C’est évident, car il est pape depuis un an et il n’a rien fait !
[Monseigneur a déjà tenu ces propos à deux reprises, mais je remarque que sur cette question, il les tient avec plus de véhémence. Il poursuit…]
La collégialité le paralyse. C’est cela même : la collégialité paralyse le pape.
S.H. : Et il veut être paralysé ?
Mgr : Oui, il y croit (à la collégialité) !
S.H. : En ce qui concerne l’œcuménisme, on dit qu’il n’a pas été content d’Assise…
Mgr : L’œcuménisme, c’est une autre chose, en effet, et l’on a dit qu’il méprisait Assise, mais nous ne sommes pas certains que ce soit vrai. De plus, il s’est déjà rendu à maintes reprises dans des synagogues, avec les Juifs, alors… Ce n’est pas clair… car il a une inclination pour la religion juive.
S.H. : N’a-t-il pas restreint l’indépendance dont jouissent les franciscains à la basilique (d’Assise) ?
Mgr : Si, mais c’est secondaire.
S.H. : Lorsque j’ai eu Mgr Fellay au téléphone pour me faire préciser par ses soins ce qu’il avait déclaré à sa conférence de Denver, je lui ai dit que j’avais retranscrit ceci (n’ayant pas enregistré la conversation) : «Il (Benoît XVI) pense que la laïcité est le mode d’existence préféré dans la vision catholique de l’organisation sociale». Mgr Fellay m’a corrigé pour que j’écrive «est le seul mode d’existence…».  N’est-on pas là en présence des «trois grands thèmes», à savoir la collégialité, l’œcuménisme et la liberté religieuse ? N’est-il pas entièrement acquis à ces idées ?
Mgr : Si, il est acquis à ces trois erreurs. Pour ce qui est de la liberté religieuse, il est presque exactement sur la même longueur d’ondes que Jean-Paul II. Comme lui, il est convaincu qu’aucun gouvernement ne peut être catholique, qu’aucun gouvernement ne peut reconnaître Jésus-Christ comme vrai Dieu. Bien entendu, c’est contraire à l’enseignement catholique, très précisément à celui que le pape Pie XI a donné dans Quas Primas.
S.H. : Oui, et le Syllabus…
Mgr : Oui, mais le Syllabus, c’était dans les années 1860, alors que Quas Primas, c’était en 1925 ; ce n’est donc pas si vieux, pas si dépassé, comme ils diraient.
S.H. : Monseigneur, outre son éventuel sentiment de culpabilité par rapport à 1988, on dit que Benoît XVI se sent coupable vis-à-vis de Fatima. Vous-même et vos trois confrères dans l’épiscopat vous êtes rendus à Fatima pour y accomplir un acte de réparation… Que pouvez-vous dire du silence persistant au sujet de Fatima, qui remonte à l’époque du pape Pie XII ?
Mgr : Je ne peux rien dire à ce sujet. Fatima, c’est une révélation privée. Pardonnez-moi, mais je n’en parle pas.
S.H. : J’ai quelques autres questions personnelles à vous poser. J’ai lu dernièrement votre biographie de Mgr Lefebvre. Vous l’avez très bien connu. Avez-vous eu des surprises en effectuant vos recherches pour écrire cet ouvrage ?
Mgr : Ma principale surprise a été la grande affection et le grand respect que tous ces pères progressistes éprouvaient à son égard, y compris s’ils n’étaient pas d’accord avec lui : c’est vraiment sidérant. Ils le respectaient énormément pour sa personnalité chrétienne, catholique. Tous en ont témoigné lorsque je les ai rencontrés : ils l’aimaient, quand bien même ils ne le comprenaient pas. Car en fait, ils ne parvenaient pas à faire cadrer sa gentillesse, sa charité, sa franchise avec sa force dans la Foi. Cela, ils en étaient incapables.
S.H. : Puisqu’ils percevaient la personnalité chrétienne de Mgr Lefebvre, comment ne comprenaient-ils pas ses conclusions chrétiennes ?
Mgr : Parce qu’ils étaient libéraux, ils ne pouvaient comprendre qu’un homme puisse être à la fois si aimable et si fort.
S.H. : On sait que c’est Mgr Lefebvre qui vous a consacré évêque. Et vous voici proche du dix-huitième anniversaire de votre consécration. Que pensiez-vous de l’épiscopat, ou plutôt à quoi ne vous attendiez-vous pas en juin 1988 ?
Mgr : Ce qui me surprend beaucoup, c’est que la crise de l’Église dure depuis si longtemps. Quelques années après ma consécration, nous priions pour que le Seigneur nous envoie un pape vraiment catholique, un saint pape catholique, et dix-neuf ans après, nous voilà dans la même situation qu’alors. C’est extrêmement décevant. La crise s’éternise, et nous devons poursuivre le combat. C’est très difficile, non pour moi, mais surtout pour les fidèles. Il faut leur donner du courage, les inciter à tenir bon, à ne pas se lasser. Nous devons continuer le combat.
S.H. : Votre rôle d’évêque vous amène donc à voyager dans le monde entier pour visiter les fidèles. Que remarquez-vous de commun à nous autres, de la Tradition ?
Mgr : Je crois que c’est une grande estime pour les familles nombreuses catholiques. Voilà ce qu’il y a de commun : la grâce du mariage chrétien et le désir d’avoir beaucoup d’enfants. Nos fidèles comprennent que l’avenir de l’Église et celui de leur foyer sont centrés sur un mariage fécond. Et c’est là une grâce de Mgr Lefebvre, avec la sainte Messe, car c’est cela qu’il prêchait.
S.H. : Monseigneur, le Chapitre général de la Fraternité, qui se tiendra cet été…
Mgr : Ah, oui.
S.H. : On observe une certaine confusion parmi les fidèles sur le point de savoir si quelqu’un ayant été Supérieur général dans le passé peut être élu à nouveau. Par exemple, l’abbé Schmidberger, qui a été Supérieur général, peut-il être à nouveau élu ?
Mgr : Oui, il n’y a pas de restriction.
S.H. : L’abbé Schmidberger a été Supérieur général après votre consécration, de sorte qu’en tant qu’évêque, vous deviez rendre compte à un prêtre. Je crois que dans l’esprit des fidèles, dès lors que Mgr Fellay a été élu au poste en question, celui-ci doit continuer d’être occupé par un évêque, et non par un simple prêtre. Qu’en pensez-vous ? Soyons plus précis, sans pour autant vous demander de formuler une prévision : est-il probable que la pratique consistant à placer un évêque à la tête de la Fraternité continuera ?
Mgr : Non, ce n’est pas normal. En fait, le plus normal serait que ce poste aille à un simple prêtre.
H.L. : Pourquoi, Monseigneur ?
Mgr : Parce que c’est dans notre constitution, et parce que l’existence d’évêques au sein de notre Fraternité représente quelque chose d’extraordinaire, d’imprévu, parce qu’elle n’est pas normale. C’est pourquoi je pense qu’il serait très normal pour un simple prêtre d’être Supérieur général, et je serais prêt à lui obéir, à me soumettre à lui.
S.H. : C’est donc une situation extraordinaire, pour la Fraternité, d’avoir des évêques, mais pouvez-vous envisager de devoir rendre compte à un prêtre, même à un évêque, quand bien même vous l’avez fait avec l’abbé Schmidberger ? Je m’explique : les constitutions n’empêchent pas un ancien Supérieur général d’être réélu ?
Mgr : Non.
S.H. : Par conséquent, Mgr Fellay pourrait être réélu.
Mgr : Oui.
S.H. : Monseigneur, on ne vous entend guère ici, et c’est en grande partie pour cette raison que je souhaitais vous interviewer. Étant anglophones, nous entendons très souvent Mgr Williamson, et assez souvent Mgr Fellay, mais Mgr Alfonso de Galarreta ne parle pas l’anglais. Les trublions ne manquent pas : sur des sites Internet, principalement, ils citent des «sources intérieures» réputées anonymes qui, bien souvent, ne savent rien et cherchent à diviser la Fraternité en parlant d’un prétendu «schisme au sein de la Fraternité» pour le cas (probable selon elles) où Mgr Fellay conclurait un «marché» avec Rome. Ma question est la suivante : lorsque Mgr Fellay prend la parole ou fait une déclaration, peut-on dire qu’il le fait «au nom des évêque » de la Fraternité ?
Mgr : Non. Je dirais qu’il s’exprime en tant que Supérieur général de la Fraternité, tout bonnement.
S.H. : Donc, en tant qu’évêques, votre rôle principal consiste…
Mgr : Seulement à donner les confirmations et à faire les ordinations. Tel est le rôle que Mgr Lefebvre nous a assigné. Aussi ne jouons-nous pas, en soi, un «rôle directeur» dans la Fraternité ; nous sommes simplement soumis au Supérieur général.
S.H. : En somme, s’il y avait une restauration au sein de l’Église, il n’y aurait plus besoin d’évêques de la Fraternité ?
Mgr : S’il y avait des évêques catholiques occupant des sièges catholiques, non, il n’y aurait plus besoin de nous.
S.H. : Monseigneur, The Angelus a reproduit dernièrement une étude du Père Pierre-Marie, O.P. concluant à la validité du nouveau rite de consécration des évêques, question importante puisque l’actuel Saint-Père est le premier pape à avoir été consacré évêque dans le nouveau rite. On trouve sur l’Internet des déclarations selon lesquelles Mgr Lefebvre doutait de la validité des nouveaux rites de consécration épiscopale…
Mgr : Non, non, non. Il n’a jamais parlé de cela, jamais. Non, non.
S.H. : Alors, on n’a jamais mis en question, au sein de la Fraternité, la validité de tel ou tel nouveau sacrement ?
Mgr : Mgr Lefebvre n’a jamais traité la validité des consécrations épiscopales.
S.H. : Non ? Et à propos de l’épiscopat ?
Mgr : Je ne sais ce qu’il pensait de cette question. Il ne connaissait pas le nouveau rite de consécration épiscopale. Il n’avait rien étudié ni lu à ce sujet. Car lui-même se bornait à continuer d’appliquer l’ancien rite.
S.H. : Je pense avoir une autre question à vous poser : où la Fraternité croît-elle le plus vite dans le monde ?
Mgr : L’essentiel est que nous rétablissions les familles catholiques, les écoles catholiques : là est le grand moyen de croissance de l’Église catholique. Du reste, beaucoup de nos prêtres sont issus de nos écoles. Nous insistons auprès de nos fidèles pour qu’ils inscrivent leurs enfants dans des écoles catholiques.
S.H. : Eh bien, j’en ai fini avec mes questions, Monseigneur. Mais en écrivant cela, je tiens à m’assurer que je vous cite fidèlement ; c’est pourquoi je vous en communiquerai une transcription avant que vous ne vous rendiez à Veneta…
Mgr : Non, non, dans vos questions, vous n’avez pas touché à l’essentiel ; je les trouve pertinentes, mais elles n’ont rien abordé d’essentiel…
S.H. : Qu’y a-t-il d’autre, Monseigneur ?
Mgr : Eh bien, par exemple, que ce pape a professé des hérésies dans le passé ! Il a professé des hérésies ! Je ne sais s’il les professe encore.
S.H. : Lorsque vous dites «a professé», voulez-vous dire qu’il le fait encore ?
Mgr : Non, mais il n’a jamais rétracté ses erreurs.
S.H. : Mais, Monseigneur, s’il ne les a pas rétractées, y souscrit-il toujours ? De quoi parlez-vous ? Pouvez-vous être plus précis ? Je dois reconnaître que je ne suis pas théologien et que je n’ai lu aucun de ses ouvrages. Voulez-vous parler de l’époque où il était cardinal ?
Mgr : Je veux parler de celle où il était prêtre. En tant que théologien, il a professé des hérésies, il a publié un ouvrage empli d’hérésies.
S.H. : Monseigneur, j’ai besoin que vous soyez plus précis, afin que nous puissions approfondir la question.
Mgr : Oui, bien sûr. Il a publié un livre intitulé Introduction au christianisme ; c’était en 1968. Or, ce livre est bourré d’hérésies, notamment la négation du dogme de la Rédemption.
S.H. : Dans quel sens, Monseigneur ?
Mgr : Il y dit que le Christ n’a pas satisfait pour nos péchés, qu’Il ne les a pas rachetés, que Lui, Jésus-Christ, en mourant sur la Croix, n’a pas satisfait pour nos péchés. Cet ouvrage nie le rachat des péchés par le Christ.
S.H. : Je ne suis pas certain de comprendre…
Mgr : Il nie la nécessité de la satisfaction.
S.H. : On dirait du Luther.
Mgr : Non, cela va beaucoup plus loin que Luther. Luther admet le sacrifice, la satisfaction par le Christ. C’est pire que du Luther, bien pire.
S.H. : Monseigneur, je dois reprendre cette question au début : voulez-vous dire que Benoît XVI est un hérétique ?
Mgr : Non, mais il n’a jamais rétracté ces propos.
S.H. : Eh bien, dans ce cas, que diriez-vous, Monseigneur ? Diriez-vous qu’il est «suspect», «discutable», «favorable à l’hérésie» ?
Mgr : Non, c’est clair. Mais je peux le citer. Il rejette «une présentation extrêmement rudimentaire de la théologie de la satisfaction (perçue comme) un mécanisme de rétablissement d’un droit lésé. Ce serait la manière dont la justice de Dieu, infiniment offensée, aurait été apaisée par une satisfaction infinie… certains textes de dévotion semblent laisser entendre que la foi chrétienne en la Croix comprend Dieu comme un Dieu dont la justice inexorable exigeait un sacrifice humain, le sacrifice de Son propre Fils. Et nous fuyons avec horreur une justice dont la noire colère ôte toute crédibilité au message d’amour» (traduit de la version allemande, pages 232 et 233).
S.H. : Quelles autres hérésies a-t-il émises, Monseigneur ?
Mgr : Beaucoup d’autres. Beaucoup d’autres. Il a jeté des doutes sur la divinité du Christ, sur le dogme de l’Incarnation…
S.H. : Ce ne peut être vrai…
Mgr : C’est tout ce qu’il y a de vrai. Il fait une relecture, une réinterprétation de tous les dogmes de l’Église. C’est cela même. C’est ce qu’il a appelé l’«herméneutique» dans son discours du 22 décembre 2005…
S.H. : Cette herméneutique est connue aussi sous l’appellation «tradition vivante»… Elle consiste à interpréter les doctrines existantes sous de nouveaux éclairages…
Mgr : Oui, exactement. Selon la nouvelle philosophie, la philosophie idéaliste de Kant.
S.H. : Ce sont là de très fortes paroles, Monseigneur ; pourtant, la Fraternité n’est pas sédévacantiste…
Mgr : Non, non, non, non. Il est le pape…
S.H. : Mais ce sont de fortes paroles…
Mgr : Ecclesia supplet. L’Église supplée. C’est même inscrit dans le code de droit canon : «en cas de doute, l’Église supplée au pouvoir exécutif». Il est le pape. Ecclesia supplet. Mais nous devons savoir qu’il a professé des hérésies.
S.H. : Monseigneur… Je dois souligner que l’article que je suis en train d’écrire est largement diffusé dans le monde anglophone… Sont-ce là les mots que vous souhaitez employer ?
Mgr : Oui. Oui. J’ai lu Joseph Ratzinger, et j’ai lu ses ouvrages. Je puis vous assurer que c’est vrai.
S.H. : Bien, alors j’aimerais savoir ce que Mgr Lefebvre pensait de lui lorsqu’il était le Cardinal Ratzinger ?
Mgr : Il ne l’avait pas lu. Il ne l’a jamais lu. Il voyait en lui un négociateur, un homme intelligent et honnête prenant des initiatives dangereuses à notre endroit.
S.H. : Ce thème de discussion que vous avez introduit, Monseigneur, nous ramène au Protocole de 1988, dont l’une des points dit que la Fraternité interprétera le Concile «à la lumière de la Tradition». Est-ce encore le cas aujourd’hui ?
Mgr : Absolument pas. Ce n’est plus le cas.
S.H. : Alors, que dire ? Que le Concile doit être revu, entièrement révisé ?
Mgr : Non, car nous le lirions à la lumière de la «nouvelle philosophie». Oui, c’est là la vraie «lumière» (rires). C’est la seule «lumière» à laquelle on puisse le lire.
S.H. : Vous diriez donc que la Fraternité lit le Concile à la lumière de la «nouvelle philosophie» ?
Mgr : Exactement.
S.H. : Et, par conséquent, le rejette ?
Mgr : C’est la seule manière dont on puisse le lire. On ne peut pas lire Vatican II comme une œuvre catholique. Il repose sur la philosophie d’Emmanuel Kant.
S.H. : L’idéalisme ?
Mgr : Exactement, l’idéalisme allemand.
S.H. : Alors, si vous dites que la bonne manière d’interpréter le Concile est de le faire à la lumière de la «nouvelle philosophie », comment l’Église doit-elle traiter ce concile ?
Mgr : Je dirais qu’un jour, l’Église devra effacer ce concile. Elle n’en parlera plus. Elle devra l’oublier. L’Église se montrera sage si elle oublie ce concile.
S.H. : Je vous relis mes dernières notes : L’Église doit effacer ce concile, ne plus en parler, l’oublier.
Mgr : L’oublier, oui. En faire table rase (tabula rasa). Ah, vous allez devoir m’excuser, Stephen, je dois aller entendre des confessions avant la Messe. Veuillez me pardonner.
S.H. : Monseigneur, ce fut un grand plaisir, à la fois intéressant et surprenant.
Mgr : Ce fut un plaisir pour moi aussi.

Voilà donc ce qu’il en est. Ce sont là quelques-unes des paroles les plus fortes que j’aie jamais entendues d’un évêque de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Je n’ai aucun commentaire à y ajouter, si ce n’est que Monseigneur Tissier de Mallerais s’est exprimé avec beaucoup de calme et de clarté, et il m’a semblé intéressant qu’il m’eût empêché de mettre fin à l’interview parce que selon lui, il y avait des questions importantes que je n’avais pas posées. Je me félicite de l’occasion que Michael Matt m’a donnée de conduire cette interview.
J’ai parlé du fond de l’interview avec le Dr Tom Droleskey, qui a étudié de son côté certains écrits de l’abbé Ratzinger, futur Benoît XVI, et qui m’a communiqué cette citation supplémentaire de l’intéressé :
« La dévotion eucharistique que l’on remarque dans la visite silencieuse du fidèle à l’église ne doit pas être perçue comme une conversation avec Dieu. Cela signifierait, en effet, que Dieu est présent à cet endroit et de manière confinée. Justifier une telle assertion dénote un manque de compréhension des mystères christologiques liés à la notion même de Dieu. Cela répugne à la pensée sérieuse de l’homme qui connaît l’omniprésence de Dieu. Aller à l’église au motif qu’on peut y rendre visite à Dieu qui y est présent est un acte insensé que l’homme moderne rejette à juste titre». (Die Sakramentale Begrundung Christlicher Existenz 1966, Kyrios Publishing, Freising-Meitingen-Germany).

[NDTN: Texte allemand écrit par celui qui était alors l'abbé Ratzinger]

"Eucharistische Anbetung oder stille Besuchung in der Kirche kann sinnvollerweise nicht einfach Unterhaltung mit dem lokal zirkumskriptiv präsent gedachten Gott sein. Aussagen wie "Hier wohnt Gott" und das auf solche Weise begründete Gespräch mit dem lokal gedachten Gott drücken eine Verkennung des christologischen Geheimnisses wie des Gottesbegriffes aus, die den denkenden und um die Allgegenwart Gottes wissenden Menschen notwendig abstößt. Wenn man das In-die-Kirche-Gehen damit begründen wollte, daß man den nur dort anwesenden Gott besuchen müsse, so wäre dies in der Tat eine Begründung, die keinen Sinn hätte und vom modernen Menschen mit Recht zurückgewiesen werden würde. Eucharistische Anbetung ist in Wahrheit bezogen auf den Herrn, der durch sein geschichtliches Leben und Leiden "Brot" für uns geworden ist, d.h. der durch seine Fleischwerdung und Todeshingabe der für uns Offene geworden ist."

20 avril 2006

L’accueil des intégristes en débat
Jean Molard - 20 avril 2006 - Golias - http://golias.ouvaton.org
Notre article paru dans l’Hebdo-Net de la semaine dernière a provoqué de nombreuses réactions, beaucoup se réjouissant de voir ainsi reconnue l’importance des intégristes aujourd’hui, et d’autres nous reprochant notre refus d’unité. Preuve que la question reste brûlante.

CE débat instauré fait éclater cette réalité qui traverse l’Eglise aujourd’hui : il y a bien deux manières, presque opposées, de lire l’Evangile.

On peut même aller jusqu’à dire qu’il y a deux manières, toutes aussi opposées, de se représenter Dieu, de l’imaginer, de le concevoir. L’être humain est ainsi fait qu’il a besoin dans sa tête de représentation.

Jésus lui-même nous a fourni quelques-unes de ces images, dont celle du Père est la plus connue, restée même dans la Prière.

L’opposition d’aujourd’hui se fait essentiellement entre "conciliaires" et "tradis", ( qu’il nous soit permis d’utiliser ici des appellations qui peuvent être critiquées, mais qui évitent les longueurs).

Cette opposition n’est pas une guéguerre de rites liturgiques ou de boutons de soutane,

elle est affrontement entre deux manières quasiment contradictoires de "voir" Dieu, de lire l’Evangile, de penser sa foi. Cet affrontement touche essentiellement les domaines de l’interprétation de l’Ecriture, des cheminements de la Parole de Dieu à travers l’histoire des hommes et l’histoire personnelle de chacun, de la vie du chrétien et de ses responsabilités dans le monde d’aujourd’hui, et aussi de la place de la conscience et de sa liberté dans le Salut.

L’affrontement se fait aussi sur la place du christianisme dans une société religieusement pluraliste et laïque... Et cette liste n’est pas exhaustive.

Il n’est pas question ici de pousser plus loin l’analyse, c’est un travail de longue haleine. Depuis plus de 20 ans, Golias, à son niveau, cherche à faire avancer la réflexion sur la foi de l’homme et de la femme de notre temps, sur l’Eglise, sur l’autorité ecclésiastique, sur la place des laïcs...

Nous le savons, rien que l’énoncé de ces thèmes va faire monter l’adrénaline chez qui n’accepte même pas que des questions soient posées, puisque "la Tradition" est censée avoir déjà répondu depuis plusieurs siècles à toutes les interrogations de l’homme croyant d’aujourd’hui.

A Golias, nous avons l’audace de penser que la Révélation se poursuit encore aujourd’hui, que la vie de l’Eglise ne s’est pas figée en 1572, à la mort du pape Pie V, que le Syllabus ne nous paraît pas particulièrement évangélique et que la théologie est une recherche vivante, avec plus de questions devant que de certitudes derrière,

dans la mesure où son sujet est lui-même le Vivant.

A suivre donc...
Rome - La fin de la concélébration ?
20 avril 2006 - Golias - http://golias.ouvaton.org
Dans l’Eglise latine, s’est étendu depuis le Concile l’usage de la concélébration sacramentelle de l’eucharistie.

Non sans réticences de part et d’autre, cette pratique s’est également répandue dans les cérémonies pontificales. Or, il se trouve que cette année, à la différence de Jean Paul II, le Pape a célébré seul, entouré des seuls diacres.

Les cardinaux, évêques et prêtres assistaient en habit de choeur. Un retour à une manière de faire de jadis.

Certes, Joseph Ratzinger est allemand. Or, dans ce pays, la concélébration est bien moins généralisée que chez nous en France, moins aussi qu’en Italie.

Néanmoins, d’aucuns ont vu dans ce changement un clin d’oeil aux traditionalistes qui n’aiment pas la concélébration, ou du moins, contestent son égalité de valeur (et d’abord de profit spirituel) par rapport à la célébration individuelle.

Un débat qui pourrait revoir le jour.

Sauf que dans la plupart des endroits, par manque de prêtres, il est rare que l’on concélèbre.

18 avril 2006

Les conditions de la pleine communion avec l’épiscopat français
Le cardinal Stickler et la réforme liturgique du Concile Vatican II
18 avril 2006 - abbé Paul Aulagnier - http://la.revue.item.free.fr
On sait que nos évêques se sont réunis à Lourdes, en assemblée plénière de « printemps », dans les premiers jours d’avril.  Ils se sont penchés paternellement sur le difficile problème, pour eux,  de « l’accueil des groupes « traditionalistes » au sein de leurs diocèses.  Le cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux et Président de la conférence épiscopale de France,  en a présenté les positions, dans un  texte appelé « Conclusions »
Dans le « Regard sur le monde »  du 11 avril, j’ai essayé d’analyser, aussi fidèlement que possible,  l’ensemble du document épiscopal.
Je vous en ai  montré les bons côtés, la « nouveauté ».  Là, ils expriment leur désir « sincère » d’organiser, enfin, l’accueil des traditionalistes dans les diocèses. Ils disent vouloir leur faire bonne place dans la structure diocésaine en respectant enfin la légitimité de la liturgie romaine, latine et grégorienne de la messe selon le rite dit de saint Pie V. et de faire bon accueil aussi de leur mode « évangélique ». C’est ce qu’ils appellent « l’accueil de la diversité ».Ceci a fait « rager » de colère les journalistes de « Gollias ». Je ne sais si c’est une « sainte « colère. Peu importe ! On connaît leur goût de l’hérésie. Leur « réaction » a circulé sur tous les sites. Il faut en prendre acte. Il donne aussi une interprétation du texte. On ne peut l’ignorer.
Dans la « Paroisse saint Michel » de la même semaine, j’ai poursuivi mes réflexions et essayer de voir les « intention »  de l’épiscopat, vis-à-vis de Rome. S’étant montré depuis des décades très hostiles à un  telle mouvement et l’ayant combattu vraiment… mais constatant les volontés nouvelles de Rome de régler enfin le problème de la « communion », et ne voulant pas se voir imposer une solution romaine, les voilà tous monter au créneau déclarant vouloir enfin régler le problème…le problème d’une « communion » à la française…Ce qui retarde jusqu’en novembre tout règlement de l’affaire…A moins que Rome…Mais je ne pense pas…J’aimerais vraiment être déjugé…
Je voudrais poursuivre cette étude sur le problème de cette « communion avec l’épiscopat français »….
Les conditions d’une communion.
Ils en donnent les conditions. Elles valent certainement pour tout le mouvement traditionaliste : et pour les communautés « Ecclesia Dei » et pour la Fraternité sacerdotale saint Pie X. Ils se dépêchent de le faire savoir. Ils rendent leur texte public…Rome est ainsi informée…
Ils les précisent à la fin du document. Voici le passage :
« Cette communion doit être recherchée dans la charité et la vérité. La charité implique qu’on cherche à se connaître, à se comprendre, à faire disparaître les images fausses que l’on peut avoir les uns des autres. Elle implique également l’abandon de toute polémique systématique et de toute volonté de confrontation sur le terrain »
Ce sont les conditions « psychologiques » et « pastorales ». Se mieux connaître, se mieux comprendre,  faire disparaître les images fausses que l’on peut entretenir de part et d’autres…Voici les conditions que j’appelle plus psychologiques.
Il faut cesser « toute polémique systématique » et toute « volonté de confrontation sur le terrain »…Je pense que nos évêques font allusion aux combats passés, ceux de M l’abbé Coache, souvent « musclés »,  ceux du Chamblac, de Lisieux…Ceux de « Paix liturgique 92 » dans le diocèse de Nanterre…
Tout cela me paraît très légitime et normal.
«  La vérité implique, poursuivent nos évêques,  qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du concile Vatican II et des papes de ces dernières décennies. La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée ».
Ce sont les conditions, que j’appellerais  plus « théologiques ».  Elles portent sur les problèmes de vérité, sur « nos points de dissensions »…Ils les énumèrent. Ils  portent sur  Concile, son interprétation, sur le problème de la réforme liturgique… son acceptation, et ultimement sur le problème du magistère.
Voilà les « points de dissensions ». Ils doivent être pris en compte dans la réalisation de cette « communion ». Et là, les évêques font savoir clairement jusqu’où ils pourront aller, ce qu’ils ne pourront pas accepter…ce qui serait même, pour eux,  inacceptable. N’oublions pas que pour les évêques de France « tout n’est pas négociable ». Ils l’ont dit déjà du temps du cardinal Eyt, cardinal de Bordeaux…qui s’était exprimé juste au moment de la reprise du dialogue avec la FSSPX…en 2001. Les choses se renouvellent…
Ce qui ne serait certainement pas acceptable ce serait : le  «  refus systématique du Concile, une critique de son enseignement ». Ce serait  le «  dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée ». Toute communion ne peut se faire sur le dos de la « réforme conciliaire » ni sur le dos de  « la réforme liturgique ».
Ils le disent  expressément 
Retenons cette phrase : «  La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée ».
Ils donnent les conditions sine qua non pour l’instauration de toute communion. Elles sont à accepter…Point c’est tout ! « On ne saurait tolérer un refus systématique… »
C’est cela  que je voudrais aujourd’hui analyser. Et même me concentrer essentiellement sur « le problème de la réforme liturgique ». C’est ce que je vous disais à la fin de mon précédent « Regard »
Oui regardons de près la chose « liturgique ».
Pour avoir la moindre chance d’une vraie « communion », il ne faudrait pas dénigrer la réforme liturgique que le Concile a décrétée. Le «  dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée » serait, certainement, intolérable.  
« Dénigrement ». C’est le terme épiscopal. Le dénigrement, c’est l’action de « dénigrer ». « Dénigrer » vient du verbe latin : « denigrare » qui veut dire « noircir ». Alors on ne sera pas étonner de son sens en français. « Dénigrer »  se traduit par « diminuer ». Diminuer l’estime que l’on accorde à une personne à une œuvre. On parlera en ce sens  de  « discréditer », « décrier ». Il exprime la perte de crédit d’une chose. On parlera en ce sens d’une chose dépréciée.
Voilà le sens que nous donne le petit Robert de ce verbe « dénigrer ».
Ceci dit, voilà la question que je pose à l’épiscopat français.
Considérez-vous que l’analyse du  «Bref examen critique » que les cardinaux Ottaviani et Bacci ont présenté en 1969 au pape Paul VI relève du dénigrement » ? Cette analyse est-elle : «  un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée » ? Si oui,  ces deux cardinaux, s’ils vivaient encore,  ne seraient pas admis dans votre future « communion » ?  Moi non plus alors…parce que je partage toujours leur analyse…Je le suis pourtant…de facto…puisque je suis incardiné au diocèse de Clermont…Où est alors le problème ?
Mais ce même « Bref examen critique » vient d’être de nouveau très heureusement  publié avec cette fois, une préface du cardinal Stickler, toujours en vie. Serait-il lui aussi exclu de votre « communion » ? Mais le cardinal pourtant se félicite de cette analyse…du Bref examen critique. Il est en pleine communion avec Benoît XVI. Alors !
Mais d’une façon plus précise encore, la conférence qu’il prononça en  1997 en Autriche et qui a été connu en France , en 2000,  grâce au C.I.E.L qui en a donnée la traduction française serait-elle considérée, par vous,  comme le « dénigrement de la réforme liturgique que le concile a décrétée » ?
Si elle n’est pas à vos yeux un « dénigrement » inacceptable de la réforme liturgique que le Concile a décrété…alors j’ai toute mes chances d’être en votre communion…ce dont je me réjouis très sincèrement…
Mais quelle est donc cette conférence à laquelle je semble donner tant d’importance ?
Je crois qu’il faut de nouveau en cette circonstance nouvelle de « communion »,  la redonner. J’en faisais une analyse dans « Nouvelles de Chrétienté » de décembre 2001. C’était le numéro 70 du bulletin  du « prieuré » saint Jean Eudes…à l’époque…
Voici cette présentation. J’en retiens les éléments essentiels…
Le cardinal Stickler et la réforme liturgique du Concile Vatican II
Le cardinal Stickler, enfin, s’exprime sur la réforme liturgique issue du Concile Vatican II et entre, à son tour, dans cette bataille gigantesque.
Son témoignage est tardif, certes.
Il a du poids cependant.
Pensez !
En poste à Rome depuis 1937, le Cardinal est canoniste, canoniste reconnu. Il fut professeur d’université puis recteur. Préfet de la Bibliothèque vaticane et des archives secrètes du Vatican. Il a été membre des commissions préparatoires du Concile Vatican II, puis expert auprès des différentes commissions conciliaires, en particulier la Commission liturgique.
On ne peut avoir meilleur témoin de la pensée conciliaire surtout en matière liturgique.
C’est lui, le premier, qui révéla l’existence de cette fameuse commission de neuf cardinaux nommés par le pape en 1986, pour savoir si la messe traditionnelle avait été « abrogée par la Constitution « Missale romanum » de Paul VI. La réponse avait été négative : « La réponse donnée par huit (des neufs) cardinaux en 1986 fut que non, la messe de saint Pie V n’a jamais été interdite. J’étais moi-même l’un des cardinaux. Un seul était contre (NDLR : c’était le cardinal Benelli). Tous les autres étaient pour une libre autorisation, pour que tous puissent choisir l’ancienne messe. Je pense que le Pape a accepté ». (p. 27)
Or ce même cardinal donna une conférence que le C.I.E.L porta à la connaissance des français dans une petite plaquette intitulé : « Souvenirs et expériences d’un expert de la Commission conciliaire sur la liturgie ».
La conférence est assez longue.
Elle va de la page 31 à 66 du livret que n’en fait que 99. Elle fut donnée en 1997 à l’ « Internationalen Théolojischen Sommerakademie des Linger Priesterkreises ». Elle fut publiée, d’abord, en allemand par Franz Breid – Die heilige liturgie – Ennsthaler.
Ah quel brûlot ! Quel brûlot ! Mes amis ! Il faut faire connaître cela, me disais-je.
A- Présentation du cardinal par lui-même
Tout d’abord, le Cardinal, se présente. Ce n’est pas le dernier personnage de l’Eglise.. Lisez :
« J'ai été professeur de droit canonique et d'histoire du droit ecclésiastique à l'université salésienne, fondée en 1940, puis pendant 8 ans, de 1958 à 1966, recteur de cette université. En cette qualité, j'ai bientôt été nommé consulteur de la Congrégation romaine pour les séminaires et les universités, puis, depuis les travaux antépréparatoires jusqu'à la mise en oeuvre des décisions du concile, membre de la commission dirigée par ce dicastère romain. En outre, j'ai été nommé expert (peritus) de la commission pour le clergé, et plus spécifiquement pour les problèmes relatifs aux droits patrimoniaux : il s'agissait surtout de débarrasser le Droit Canon du système des bénéfices.
« Peu avant le concile, le cardinal Laraona, dont j'avais été l'élève pendant mes études de droit canon et de droit ecclésiastique au Latran et qui avait été nommé président de la Commission conciliaire pour la liturgie, me fit venir chez lui et m'annonça qu'il m'avait proposé comme expert de cette Commission. Je lui objectai que j'avais déjà beaucoup à faire en tant qu'expert de deux autres commissions, surtout celle des séminaires et universités. Pourtant il maintint sa proposition en faisant remarquer que, considérant l'importance canonique des prescriptions relatives à la liturgie, il fallait également inclure des canonistes dans cette commission. C'est par cette fonction non recherchée que j'ai ensuite vécu le concile Vatican II depuis ses tout débuts puisque, comme on le sait, la liturgie fut le premier sujet inscrit à l'ordre du jour. Je fus ensuite affecté à la sous‑commission qui devait rédiger les modifications apportées aux trois premiers chapitres et aussi préparer l'ultime formulation des textes qui devaient être soumis, pour discussion et approbation, à la commission réunie en plénière avant d'être présentés dans l'aula conciliaire. Cette sous-commission se composait de trois évêques: Mgr Callewaert, archevêque de Gand, qui en était le président, Mgr Enciso Viana, de Majorque et, si je ne me trompe, Mgr Pichler, de Banjaluka (Yougoslavie), ainsi que de trois experts : Mgr Martimort, le P. Martinez de Antonana, clarétin espagnol, et moi-même. Vous comprendrez aisément que, dans le cadre de ces travaux, on pouvait se faire une idée exacte de ce que souhaitaient les Pères conciliaires ainsi que du sens réel des textes votés et adoptés par le concile »
Ce personnage est important !
Puis il donne un témoignage personnel – fort intéressant – sur la réforme liturgique : son jugement sur « l’édition définitive » du nouveau missel romain :
« Mais vous pourrez également comprendre ma stupéfaction lorsque, prenant connaissance de l'édition définitive du nouveau Missel Romain, je fus bien obligé de constater que, sur bien des points, son contenu ne correspondait pas aux textes conciliaires qui m'étaient si familiers, que beaucoup de choses avait été changées ou élargies, ou allaient même directement au rebours des instructions données par le concile ».
Voilà un témoignage incontournable ! Irrécusable ! Il doit être pris en compte si l’on veut juger l’œuvre liturgique conciliaire…
Il ne peut être oublié dans la « bataille de la messe ».
 N’y tenant plus – il doit avoir du caractère – il demande une audience au cardinal Gut, alors Préfet de la Congrégation des Rites :
« Comme j'avais précisément vécu tout le déroulement du concile, les discussions souvent très vives et longues et toute l'évolution des modifications jusqu'aux votes répétés qui eurent lieu jusqu'à leur adoption définitive, et que je connaissais aussi très bien les textes contenant les prescriptions détaillées pour la réalisation de la réforme souhaitée, vous pouvez vous imaginer mon étonnement, mon malaise croissant et même ma fureur devant certaines contradictions particulières, surtout considérant les conséquences nécessairement graves que l'on pouvait en attendre. C'est ainsi que je décidai d'aller voir le cardinal Gut qui, le 8 mai 1968, était devenu préfet de la Congrégation des Rites en remplacement du cardinal Larraona, qui s'était retiré le 9 janvier précédent.
Je lui demandai une audience dans son logement au monastère bénédictin de l'Aventin, audience qu'il m'accorda le 19 novembre 1969. Je ferai remarquer en passant que, dans ses Mémoires parus en 1983, Mgr Bugnini fait erreur sur la date de la mort de Mgr Gut, l'avançant d'un an : Mgr Gut est mort le 8 décembre 1970 et non 1969.
Mgr Gut me reçut très aimablement, bien qu'il fût déjà visiblement malade et, comme l'on dit, j'ai pu déverser tout ce que j'avais sur le cœur. Il me laissa parler une demi‑heure sans m'interrompre, puis il me dit qu'il partageait entièrement mes inquiétudes. Mais, ajouta‑t‑il, la faute n'en incombait pas à la Congrégation des Rites : en effet, toute la réforme était l’œuvre du Consilium constitué expressément à cette fin par le pape, dont il avait nommé le cardinal Lercaro Président et le P. Bugnini Secrétaire. Dans ses travaux, ce Conseil n'avait eu de comptes à rendre qu'au pape.».
B- Jugement sur Mgr Bunigni.
Au passage, il donne son jugement sur Mgr Bugnini. Il faut le dire, ce n’est pas sans intérêt :
« À ce sujet, une précision s'impose : le P. Bugnini avait été Secrétaire de la Commission sur la liturgie pendant la période préparatoire du concile. Comme son travail, effectué sous la direction du cardinal Gaetano Cicognani, n'avait pas été jugé satisfaisant, il fut le seul à ne pas être promu Secrétaire de la commission conciliaire correspondante ; cette fonction fut attribuée au P. Antonelli, o.f.m., ultérieurement nommé cardinal. Le groupe des liturgistes, d'inspiration plutôt moderniste, fit valoir à Paul VI qu'il s'agissait là d'une injustice faite au P. Bugnini et obtint du nouveau pape, qui était très sensible à ce genre de choses, que, en compensation de cette injustice, le P. Bugnini fût nommé Secrétaire du nouveau Consilium chargé d'opérer la réforme.
Ces deux nominations ‑ celles du cardinal Lercaro et celle du P. Bugnini ‑ aux postes clefs du Consilium offrirent la possibilité de se faire entendre, pour l'exécution de la réforme, à des gens qui jugeaient ne l'avoir pas suffisamment été pendant le concile, et aussi d'en faire taire d'autres : en effet, les travaux du Consilium se déroulaient dans des zones de travail non accessibles aux non‑membres.
Et pourtant : bien qu'ils se soient consacrés corps et âme aux travaux énormes et délicats réalisés par le Consilium, notamment sur le cœur même de la réforme, à savoir le nouvel Ordo Missae Romanum qui fut réalisé dans les délais les plus brefs, seul l'avenir nous expliquera pourquoi les deux principaux acteurs sont visiblement tombés en disgrâce : le cardinal dut renoncer à son siège épiscopal, et le P. Bugnini, nommé archevêque dès 1968 et nouveau Secrétaire de la Congrégation des Rites, ne reçut pas la pourpre cardinalice qui accompagne une telle fonction ; il avait été nommé nonce à Téhéran lorsque, suite à une opération, la mort vint interrompre son activité terrestre le 3 juillet 1982 ».
C- Le thème de sa conférence.
Ce préambule étant fait, le Cardinal donne le thème de sa conférence : il veut juger « de la concordance ou de la contradiction entre les dispositions conciliaires et la réforme effectivement appliquée » (p. 35).
Nous sommes en plein dans le sujet…dans la préoccupation exprimé par nos évêques. Ils disent bien : La « communion doit être recherché dans la charité et la vérité… La vérité implique qu’on soit clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent…sur les questions de  liturgie… ». Oui c’est bien cela !
Jusqu’ici – pour beaucoup – les critiques adressées à la réforme liturgique émanaient, la plupart du temps, de nos milieux….
J’étais content de trouver d’autres critiques… Enfin, une « critique » qui ne venait pas de « chez nous ». Une critique du « sérail ».
D- Les rappels liturgiques du  Concile Vatican II.
1- L’article 2.
Tout au début, le Cardinal rappelle quelques grands principes liturgiques heureusement soulignés par la Constitution Sacrosanctum Concilium.
Il nos rappelle l’article 2 qui affirme que dans la liturgie « tout ce qui est humain doit être subordonné et soumis au divin, le visible à l’invisible, l’action à la contemplation, le présent à la cité divine future que nous recherchons ». C’est à la page 35 du livret.
Qui ne serait d’accord avec ce principe…fut-il conciliaire !
Et vous savez le jugement du Cardinal sur ce point. Tout simplement, les réformateurs ont échoués en cette affaire.
Il écrit vers la fin : « Ma conférence, mes souvenirs et expériences, je pense, ont permis d’évaluer dans quelle mesure la réforme avait satisfait aux exigences d’ordre théologique et ecclésiastique énoncées par le Concile, en d’autres termes, de voir si, dans la liturgie – et surtout dans ce qui en constitue le centre : la Sainte Messe – ce qui est humain a véritablement été ordonné et soumis au divin, ce qui est visible à l’invisible, ce qui relève de l’action à la contemplation et ce qui est présent à la cité future que nous recherchons. Et l’on en arrive à se demander si, au contraire, la nouvelle liturgie n’a pas, souvent, ordonné et soumis le divin à l’humain, le mystère invisible au visible, la contemplation à l’activisme, l’éternité future au présent humain quotidien ». (p. 64)
Paroles du cardinal Stickler.
De sorte que, lui aussi, avec le cardinal Ratzinger, forme des vœux pour lancer la réforme de la réforme. La première aurait donc échoué ?
« C’est précisément parce que l’on se rend toujours plus clairement compte de la situation actuelle (NDLR - ie.de la déconfiture de la réforme liturgique et son infidélité à la pensée conciliaire…mais à qui la faute…) que se renforce l’espoir d’une éventuelle restauration que le cardinal Ratzinger voit dans un nouveau mouvement liturgique qui éveillera à une vie nouvelle le véritable héritage du Concile Vatican II ».
Et de citer le livre du Cardinal Ma vie, op cit. p. 135.
2- D’autres articles conciliaires en matière liturgique.
Le Cardinal survole et résume quelques articles fondamentaux du Concile. Des rappels tout à fait évidents et traditionnels.
L’article 21, l’article 23 qui affirme qu’il ne faut rien changer – en matière liturgique – « avant que ne soit élaborée une soigneuse étude théologique, historique, pastorale, en s’assurant d’un développement organique harmonieux ».
Qui ne serait d’accord !
L’article 33 qui rappelle la finalité de la liturgie : « La liturgie est principalement le culte de la majesté de Dieu » A la bonheur !
3- L’article 34, l’article 54 sur la langue latine.
Témoignage du cardinal sur le latin.
Là, le Cardinal donne son témoignage. C’est fort instructif !
« Au bout de quelques jours de débat au cours duquel tous les arguments pour et contre furent vivement discutés, on en est arrivé à la conclusion bien claire – tout à fait en accord ave le Concile de Trente – qu’il fallait conserver le latin comme langue cultuelle du rite latin mais que des exceptions étaient possibles et même souhaitables » (p. 38-39)
4- L’article 116 sur le chant grégorien.
Sur le chant grégorien, sur les orgues, le Cardinal rappelle l’article 116 de la Constitution : « Le grégorien est le chant propre de la liturgie catholique romaine depuis l’ époque de Grégoire le Grand et qu’en tant que tel, il doit être conservé ». (p. 39)
5- L’article 108.
Il rappelle l’article 108 qui souligne spécialement l’importance des fêtes du Seigneur et surtout celles du propre du temps, lequel doit avoir la priorité sur les fêtes des saints pour ne pas affaiblir la pleine efficacité de la célébration des mystères du salut (p. 39).
Mais c’était l’enseignement qu’à Ecône, Dom Guillou, professeur de liturgie, dispensait aux séminaristes avec énergie et conviction. J’en fus marqué – personnellement – pour toujours.
E- Les critiques du cardinal.
Ces principes liturgiques – et d’autres encore – rappelés, le Cardinal passe à la critique de la réforme liturgique – l’œuvre conciliaire par excellence – c’est la deuxième partie de la conférence.
1- L’axiome « Lex credendi Lex orendi, ».
Sans vouloir être exhaustif en cette affaire, le Cardinal aborde cette critique avec énergie et fraîcheur. Sous sa plume, je retrouvais l’enseignement de mes maîtres. J’étais heureux.
J’avais appris chez Dom Guillou, chez Monsieur l’abbé Dulac que la liturgie devait exprimer la foi catholique. Que de fois, en effet, avais-je entendu de la bouche de Mgr Lefebvre, cet axiome : legem credendi, lex statuit supplicandi ou plus simplement dit : lex orandi, lex credendi
Je retrouvais dans ces pages que je lisais même doctrine, la doctrine de toujours.
Le cardinal écrivait : « La liturgie contient et exprime la foi de façon juste et compréhensible » (p. 40). De sorte que « la pérennité de la liturgie participe de la pérennité de la foi, elle contribue même à la préserver ». Et comme la foi est immuable, la liturgie qui l’exprime, l’est aussi. « C’est pourquoi il n’y a jamais eu de rupture, de re-création radicale dans aucun des rites chrétiens, catholiques, y compris dans le rite romain  latin » (p. 40-41). L’évolution liturgique – dès lors – est lente, nécessairement organique.
J e me régalais en lisant ces rappels. « Dans tous les rites, la liturgie est quelque chose qui s’est développée et continue de croître lentement ; partie du Christ et reprise par les Apôtres, elle a été organiquement développée par leurs successeurs, en particulier par les figures les plus marquantes tels les Pères de l’Eglise, tout cela en préservant consciencieusement la substance, i.e. le corpus de la liturgie en tant que tel »
Mais Dom Guillou nous enseignait la même chose ! Il écrivait en 1975, en la fête de la Pentecôte, dans un texte merveilleux qui constitue la préface du livre Le livre de la Messe, édité par Philippe Héduy – ce grand poète - : « La Messe est d’institution divine et apostolique. Mais elle ne nous est pas parvenue telle que les Apôtres l’ont célébrée (bien qu’elle n’ait jamais été une pure imitation de la Cène…), elle est maintenant la fleur d’une croissance « sui generis ». Ses éléments constitutifs se sont développés sans évolution, ni changement (substantiel) au cours des siècles… sous la conduite de l’Esprit-Saint dont l’assistance a été promise à l’Eglise » (p. 17-18).
L’Esprit-Saint est Un et Véridique. Ce qu’il inspire ne peut-être que un et véridique, le même à travers les temps.
J’aime cette expression du cardinal. C’est clair, c’est net : « C’est pourquoi, il n’y a jamais eu de rupture, de re-création radicale… dans le rite latin romain ».
Il poursuivais : « Il n’y a jamais eu de rupture dans le rite romain latin à l’exception de la liturgie post-conciliaire actuelle, en application de la réforme…bien que le Concile…ait toujours réaffirmé que cette réforme devait préserver absolument la tradition » (p. 40-41).
Jamais de rupture…à l’exception de la liturgie post-conciliaire actuelle. Mais c’est l’enseignement du cardinal Ottaviani, me disais-je. Je courais prendre la lettre du cardinal Ottaviani à Paul VI et lisais :
« Le nouvel Ordo Missae, si l’on considère les éléments nouveaux, susceptibles d’appréciation fort diverses qui y paraissent sous-entendues ou impliquées, s’éloigne de façon impressionnante dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la 22ème Session du Concile de Trente ».
C’est donc bien à une rupture que l’on assiste avec le nouvel Ordo Missae. Cet éloignement est une véritable rupture avec la Tradition. Du reste, le cardinal Ottaviani utilise lui-même le mot : « Les raisons pastorales avancées pour justifier une si grave rupture »
Le cardinal Stickler a la même analyse. Avec le nouvel Ordo Missae, on assiste à une véritable rupture avec la Tradition, « à une véritable  et radicale nouveauté ». Il l’affirme tout de go : « L’Ordo Missae (est) radicalement nouveau ». 
Et ceci est une véritable nouveauté, la nouveauté par excellence… « Alors que toutes les réformes antérieures adoptées par les papes et tout particulièrement celles entreprises sous l’impulsion du Concile de Trente et mise en œuvre par le pape Pie V et jusqu’à celles de Pie X, de Pie XII et de Jean XXIII, ne furent pas des révolutions mais uniquement des corrections qui ne touchaient pas à l’essentiel, des ajustements et des enrichissements » (p. 41).
C’est ce que demandait – du reste – le Concile en son article 23 : « Le Concile a expressément dit, à propos de la restauration souhaitée par les Pères, qu’aucune innovation ne devait être faite qui ne fut vraiment et certainement exigée par l’utilité de l’Eglise ».
Je me souvenais de notre savant abbé Dulac qui, dans l’analyse qu’il faisait de la Bulle Quo primum ne cessait de rappeler les termes de la Bulle : restaurata, restaurata.
Non ! nous n’avons rien de tel avec Paul VI. Nous avons un Novus Ordo Missae. Rien de comparable.
Mais certains autres de la hiérarchie catholique parlent, eux, pourtant, de continuité dans le rite romain, d’un Ordo à l’autre.
Le cardinal Castrillon Hoyos – en particulier – ne disait-il pas, un jour dans la cathédrale de Chartres,  qu’il ne fallait pas « contra poser les deux rites. Ils seraient, substantiellement, identiques… »
Le Pape - lui-même – alors qu’il recevait les communautés relevant du Motu Proprio Ecclesia Dei, le 26 Octobre 1998 – venues à Rome en action de grâces, leur tenait même langage : « Les derniers Conciles œcuméniques – Trente, Vatican I, Vatican II – se sont particulièrement attachés à éclairer le mystère de la Foi et ont entrepris des réformes nécessaires pour le bien de l’Eglise, dans le souci de la continuité avec la Tradition apostolique déjà recueillie par saint Hippolyte » (La Nef, n° 89, Déc 1998).
Que les choses sont bizarres !
Même au plus haut niveau du gouvernement ecclésiale… les jugements des autorités divergent fondamentalement sur le même objet : la réforme liturgique.
Pour les uns, nous aurions « une nouveauté radicale ».
Pour les autres, « une continuité parfaite ».
Le magistère est vraiment divisé. C’est un des éléments de la crise de l’Eglise.
Il faut le prendre en compte à l’heure où l’on nous appelle à la soumission au magistère…
Soit ! Mais quel est son enseignement ?
Poursuivons la pensée de notre Cardinal autrichien.
2- Analyses des « nouveautés » dans la réforme liturgique.
Il nous dit :
« Nous allons maintenant présenter quelques exemples marquants (sans vouloir être exhaustif) de ce qui a été créé dans la réforme post-conciliaire et en particulier dans son cœur : l’Ordo Missae radicalement nouveau » (p. 41).
Alors le Cardinal passe en revue le nouvel Ordo. Il feuillette le nouvel Ordo. Il n’insiste pas sur l’introduction de la messe. Elle est « nouvelle » dit-il page 42 et surtout comporte de « multiples variantes » (id) ce qui souvent aboutît à une diversité presque illimitée.
a- De l’offertoire.
Il en vient, tout de suite, à l’Offertoire. Là, il parle à ce sujet de révolution.
« L’Offertoire, dans sa forme et sur le fond, constitue une révolution : il n’est, en effet, plus prévu d’offrande préalable des dons mais simplement d’une préparation des oblats avec une teneur nettement humanisée mais qui, en fin de compte, donne  tout de suite, une impression de dépassé » (p. 42). Il parle même de symbolisme « malheureux »… L’industrialisation a envahi l’agriculture et la culture des céréales…
b- Génuflexions et signes de croix.
Il poursuit : « Quant aux signes hautement loués par le Concile de Trente et exigés par le Concile de Vatican II tels que les nombreux signes de croix qui renvoient à la Très Sainte Trinité, les baisers de l’autel et les génuflexions, de tout cela, on a fait table rase » (p. 42).
c- L’essentiel de la messe : le sacrifice.
Il parle ensuite du sacrifice qui est l’essence de la Messe. Il écrit :
« Le centre essentiel de la messe qui était précisément l’action sacrificielle elle-même, a été déplacé au profit de la communion dans la mesure où, tout le sacrifice de la messe a été transformé en un repas eucharistique. Ce faisant, si l’on considère les termes utilisés, la communion est devenue, dans la conscience des fidèles, la seule partie de la messe ayant une effet intégrateur en lieu et place de la partie essentielle qui est l’action sacrificielle de transsubstantiation »… « Il est faux de faire de l’Eucharistie un repas, ce qui se produit presque toujours dans la nouvelle liturgie » (p. 43).
On a envie de dire au Cardinal : alors quoi ! Cette nouvelle messe est-elle sacrifice ou repas. L’un est-il l’autre ou y a-t-il une différence essentielle entre l’un et l’autre ? Le sacrifice n’est pas un repas, ni un repas, un sacrifice. Mais on nous dit qu’il ne faut pas « contra poser » les deux rites…
Je me souvenais du Bref examen critique, de la critique du fameux article 7 qui, dans cette affaire liturgique, est capital.
Je relisais :
« La définition de la messe est réduite à celle de la Cène et cela apparaît continuellement (aux nos 8-48-55-56). Cette Cène est, en outre, caractérisée comme étant celle de l’Assemblée présidée par le prêtre, celle de l’Assemblée réunie afin de réaliser « le mémorial du Seigneur » qui rappelle ce qu’il fit le Jeudi Saint ».
« Tout cela n’implique ni la présence réelle, ni la réalité du Sacrifice, ni le caractère sacramentel du prêtre qui consacre, ni la valeur intrinsèque du sacrifice eucharistique indépendamment de la présence de l’Assemblée ».
« En un mot, cette nouvelle définition ne contient aucune des données dogmatiques qui sont essentielles à la Messe et qui en constituent la véritable définition. L’omission, en un tel endroit, de ces données dogmatiques, ne peut qu’être volontaire. Une telle omission volontaire signifie leur dépassement et au moins, en pratique, leur négation » (Bref examen critique).
J’avais encore en mémoire toutes ces phrases quand j’arrivais au § 2 de la page 43, je tombais sur ces paroles fulgurantes :
« Ainsi, sont posés les fondements d’un autre détournement de fonction : à la place du sacrifice présenté à Dieu par le prêtre ordonné en tant qu’ « alter Christus », s’instaure la communauté de repas des fidèles assemblés sous le présidence du prêtre » (p. 43).
Mais attention, le Cardinal poursuit :
« La définition de la Messe qui, dans la première édition du N.O.M. confirmait cette conception, a pu être supprimé, au dernier moment, grâce à la lettre écrite à Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci : cette édition fut mise au pilon sur ordre du Pape. Pourtant, la concession de cette définition n’a entraîné aucune modification de l’Ordo Missae en lui-même » (p. 43)
J’étais estomaqué !
Avouez, sous la plume d’un Cardinal, c’était cinglant, court, bref. Les mots choisis particulièrement exemplaires.
On comprend que le cardinal Stickler puisse – lui aussi – parler « de bouleversement du cœur même, du sacrifice de la messe ».
Il insiste. Il veut enfoncer le clou.
« Ce bouleversement du cœur même du sacrifice de la messe fut confirmé et accentué par la célébration, « versus populum », pratique autrefois interdite et renversement de toute la tradition de la célébration vers l’orient et dans laquelle le prêtre n’était pas l’interlocuteur du peuple mais se tenait à sa tête pour le guider ver s le Christ avec le symbole du soleil levant à l’est ». (p. 43)
Je retrouvais tout l’enseignement d’Ecône, celui que nous avait donné Dom Guillou dans des pages célèbres qui ne le sont pas assez même dans nos milieux : en voici un exemple à faire exalter de joie :
«  Toute l’histoire de l’Eglise elle-même, est une montée de lumière dans l’accroissement du nombre des élus et dans l’épanouissement du développement de ses dogmes et de son mystère propre, jusqu’à son achèvement dans les éblouissantes splendeurs de la Jérusalem éternelle où l(introduira, toute blanche, lavée dans le sang de l’Agneau, l’Epoux divin, revenu en gloire pour établir son règne définitif, apparaissant sur les nuées du Ciel comme un éclair qui part de l’Orient « sicut fulgur exit ab oriente… ».
Faut-il redire ici, après ce bref aperçu, le dommage causé à l’esprit et à la manière liturgique par l’abandon de la règle de l’orientation des églises et de la messe et de la prière orientée, règle qui se relie à un immense contexte éminemment humain, biblique et chrétien. Les Anciens voulaient que le sanctuaire de leurs églises soit comme un Orient spirituel que la lumière matinale inonde à cette première heure de l’office de Laudes qui se termine, chaque jour par le chant du « benedictus » de Zacharie, célébrant l’Orient  « ex alto », illuminant ceux qui sont assis à l’ombre de la mort… Comme elle est significative ensuite, dans la joyeuse clarté de l’aurore, cette prière du prêtre au bas des degrés lorsqu’il s’apprête à monter dans le nuée lumineuse de l’autel : « Emitte lucem tuam et veritatem tuam : ipsa me deduxerunt et adduxerunt in montem sanctum tuum … et introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam » (Ps. 42). Sera-t-il dit que tout ce poème des choses, que toutes des correspondances merveilleuses échapperont à la myopie réformiste ? Pourtant, même au strict point de vue pastorale, quelle plus belle illustration de cette vérité : notre vie toute entière est comme une messe qui nous conduit à l’union au Christ, à la céleste illumination où tout sera renouvelé dans une jeunesse éternelle, par les mérites de la Passion et de la Résurrection du Sauveur » (Lumen Christi – Nouvelles de Chrétienté – numéro spécial de Pâques 1952). Oh, merveille de culture !
d- De la formule de la consécration du pain et du vin. Le « mysterium fidei ».
Puis le Cardinal en arrive à la formule de la consécration du pain et du vin.
Là, sur ce sujet, il est également très sévère. Jugez vous même !
Il parle de la très grave atteinte à la formule de consécration du vin en le sang du Christ en raison de la suppression des mots « Mysterium fidei ».
« Les mots « Mysterium fidei » en ont été supprimés pour être ajoutés à l’appel du peuple à la prière, après la consécration, ce qui fut présenté comme un gain majeur du point de vue de la « participatio actuosa » » (p. 44).
Là, le Cardinal part en guerre. C’est le cardinal, recteur d’université, archiviste, qui parle. Il enseigne. Il cite ses sources. Il démontre que « Mysterium fidei » - ces deux mots – sont d’origine apostolique. Il ne fallait en rien y toucher.
Saint Basile l’enseigne. Saint Augustin aussi. Le « Sacramentarium Gelasianum » également. « Le « Sacramentarium Gelasianum » qui est le livre de messe le plus ancien de l’Eglise romaine, dans le Codex Vaticanus, Reg. Lat. 316, in folio 181v, dans le texte original (il ne s’agit donc pas d’une addition postérieure) inclus clairement le mysterium fidei » (p.45).
Il poursuit – on sent le Cardinal en colère, sainte colère – il cite la lettre de Jean de Lyon, en 1202, au pape Innocent III et donne la réponse du Pape avec les références. C’est argumenté :
« En décembre de la même année, dans une longue lettre, le Pape répondait que ces paroles et d’autres encore du Canon que l’on ne trouvaient pas dans les Evangiles, devaient être crues en tant que paroles transmises par le Christ aux Apôtres et par ceux-ci, à leurs successeurs » (p. 45).
Il donne les références historiques. C’est le professeur qui enseigne. Son affirmation est incontournable. Elle est scientifique. Vous la trouverez là, dit-il : X, III, 41, 6 ; Friedberg III, p. 636, sq.
C’est net.
Il continue :
« Le fait que cette décrétale qui fait partie du recueil de décrétales d’Innocent III dans le grand recueil du liber X, établi par Raymond de Pegnafort à la demande de Grégoire IX, n’ait pas été abandonnée comme dépassée, ce qui fut le cas de bien d’autres mais ait continué à être transmise par la Tradition, prouve qu’une valeur durable était attribuée à cette déclaration de ce grand Pape » (p. 45).
Nul doute que l’on ne pouvait toucher à ces deux mots dans la forme de la consécration du vin, les supprimer, les déplacer en en changeant le sens. On ne le pouvait pas sans être infidèle à la tradition catholique et de toute évidence, en rupture avec elle.
C’est la pensée du Cardinal.
Il invoque aussi l’autorité de saint Thomas d’Aquin. Vraiment, le Cardinal veut enfoncer le clou…veut régler l’affaire définitivement. Il veut prouver – vraiment – que cette réforme liturgique est en rupture non seulement avec les prescriptions demandées par le Concile Vatican II mais même avec la Tradition toute entière que le Concile ne faisait, ici, que rappeler. Il écrit :
«  Saint Thomas s’exprime clairement sur cette question dans sa « Somme théologique » (III, 78, 3 ad nonum) : à propos des paroles de consécration du vin, rappelant la nécessaire discipline secrète de l’Eglise ancienne dont parle aussi Denis l’Aéropagyte, il écrit : « les paroles ajoutées « éternelle » et « mystère de foi » viennent de la tradition du Seigneur qui est parvenue à l’Eglise par l’intermédiaire des Apôtres » ; il renvoie lui-même à 1 Cor., 10, 23 et 1 Tim, 3, 4. En note de ce texte de saint Thomas, le commentateur, se référant à DD Gousset dans l’édition Marietti de 1939 (V. p. 155), ajoute « sanebbe un grandissimo errore sustituire un’altra forma eucharistiea a quella del Missale Romano… Si sopprimere ad esempio la parola aeterni et quella mysterium fidei che abbiamo della tardizione » (p.46).
Et puis, il invoque l’autorité du Concile de Florence – le XVIIème Concile œcuménique - :
« Dans la bulle d’union avec les Coptes, le Concile œcuménique de Florence complète expressément les formules de consécration de la Sainte Messe qui n’avaient pas été incluses en tant que telles dans la Bulle d’union avec les Arméniens et que l’Eglise romaine avaient toujours utilisées sur la base de l’enseignement et de la doctrine des Apôtres Pierre et Paul (conc.oecu. decreta, ed herder, 1962, p. 557) » (p.46).
Ayant le document, je suis allé vérifier. C’est bien exact. Le concile de Florence, dans le décret pour les Grecs – qui suit celui d’avec les Arméniens – cite bien expressément le mystérium fidei dans la formule de consécration. Il y est dit : « mais parce que dans le décret des Arméniens rapporté ci-dessus, n’a pas été expliqué la formule qu’a toujours en coutume d’employer, dans la consécration du Corps et du Sang du Seigneur, la sacro-sainte Eglise romaine, affermie par la doctrine et l’autorité des apôtres Pierre et Paul, nous pensons qu’il faut l’introduire dans les présentes ».
En latin, nous avons – « illam praesentibus duximus inserendam ». « Duximus », c’est le parfait du verbe « ducere ». Il vaudrait mieux traduire : nous estimons, nous commandons. « Nous pensons » me paraît un peu faible. « Ducere », c’est le commandement, c’est le chef qui affirme. Peu importe…
Mais ce n’est pas tout. Le Cardinal ne s’en tient pas pour satisfait… Il poursuit sa démonstration de théologie positive. Là, pour le coup, il est exhaustif.
Il invoque, cette fois, le catéchisme – le catéchisme « de référence », dit-il, - ce sont ses mots. Je m’attendais à voir citer le nouveau catéchisme de l’Eglise catholique. Mais pas du tout ! Il cite le catéchisme du Concile de Trente. A la bonheur ! Il donne toutes les références. Manifestement, quand il préparait sa conférence, le Cardinal est allé chercher, dans sa bibliothèque, ce catéchisme. Il vous dit qu’au chapitre  9, au n° 21,  à propos de l’Eucharistie…le catéchisme enseigne que « les mots « mysterium fidei » et « aeterna » viennent de la Sainte Tradition qui est l’interprète et la gardienne de la vérité catholique » (p. 46).
Je regrette que le Cardinal n’ait pas poursuivi sa lecture du catéchisme car il aurait aussi rappeler qu’en changeant de place cette expression très traditionnelle, les auteurs de la réforme liturgique en changeait le sens. Alors que le « mysterium fidei » placé dans la formule de la consécration porte sur la présence réelle qui vient d’être réalisée par l’énonciation de la formule consécratoire, le « mysterium fidei » mis après la consécration – comme acclamation populaire – dirige l’attention du peuple, non plus sur le mystère de la Transsubstantiation réalisée « hic et nunc », mais bien sur le retour en gloire du Seigneur qui est aussi l’objet de notre foi : « donec veniat ». Il y a, là, dans ce changement de place, une malice, une duplicité, une ruse, une  équivoque. La foi ici affirmée ne porte plus sur la Transsubstantiation mais sur le retour en gloire du Seigneur. Ainsi l’attention des fidèles – et leur « participatio actuosa » est détournée de la présence du Christ réalisée par la Transsubstantiation. Ils devraient adorer la présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ sur l’autel, on leur fait acclamer le retour en gloire du Seigneur.
Voyez l’enseignement du catéchisme du Concile de Trente, p. 216 de l’édition d’Itinéraires.
F- « Légèreté souveraine du cardinal Lescaro et de Mgr Bunigni.
Fort de cet exposé très savant, le Cardinal qui ne mâche pas ses mots et ses critiques contre les réformateurs,  parle de « légèreté souveraine » d’un Lercaro, d’un Bugnini et de leurs collaborateurs.
« On peut à juste titre s’interroger sur la légèreté dont on fait preuve, ici, les collaborateurs du cardinal Lercaro et du Père Bugnini, avec nécessairement leur accord » (p. 46). « Ils ont purement et simplement « ignorés », non seulement ignorés mais aussi « méprisés » l’obligation de procéder à une recherche historique et théologique exacte » (p. 46).
C’est ce que réclamait expressément le Concile du Vatican II dans son article 23 de la Constitution liturgique (cf p.36).
Mais rien de tel n’a été fait et le Cardinal de conclure et de lancer la suspicion sur l’ensemble de l’œuvre réformée :
« Si cela s’est produit dans ce cas qu’en aura-t-il été de cette importante obligation pour les autres modifications » (p. 46).
C’est terriblement grave !
Nous nous trouvons devant une réforme infidèle à la Tradition…
Mais que vont dire nos évêques et archevêques de France devant une telle critique? Cette critique du cardinal Stickler est-elle inacceptable ! Est-elle  un dénigrement de la réforme liturgique ?
Mais attention à votre conclusion, messeigneurs !
Enfin, laissant la théologie positive, le Cardinal s’élève à une considération doctrinale et pastorale,  tout à la fois,  que je pourrais résumer ainsi : cet oubli du « mysterium fidei » de la forme eucharistique, loin de favoriser et de développer le sens de la piété et de la vie théologale chez le peuple fidèle, favorise, au contraire, la « démystification » constatée aujourd’hui ainsi que l’ « anthropomorphisation ». Rien ne vaut. Rien n’est vrai que ce qui est rationnel. L’Eucharistie n’est pas à la portée de la raison. Elle est peut-être un simple symbole.
« Mais c’est aussi la raison pour laquelle l’exclusion du « mysterium fidei » de la formule eucharistique devient – elle aussi – le symbole de la démystification et donc de l’anthropomorphisation de ce qui constitue le centre du culte divin : la Sainte Messe » (p. 47).
Ce retrait du « mysterium fidei » est pour le moins malheureux.
G- De la « participatio activa » des fidèles.
Le cardinal en arrive enfin aux décisions des réformateurs quant à « la participation vivante et active des  fidèles à la célébration de la messe » (p. 47).
On sait qu’on se plaignait beaucoup, avant le Concile, du manque de participation des fidèles à la messe. Aussi le Concile Vatican II a-t-il abordé  le sujet dans deux articles importants : l’article 30 et l’article 48. Il en a donné les principes : « Le Concile a insisté particulièrement – dit le Cardinal -  sur la participation intérieure qui seule permet de rendre fructueux le culte » (p. 38).
Le Cardinal donne alors son jugement sur cette fameuse participation active telle qu’aménagée par nos réformateurs.
Il est  terrible.
Il s’exprime avec une pointe d’humour sarcastique et légèrement méprisante… Le pauvre Bugnini n’a vraiment pas fait une œuvre excellente… On comprend pourquoi il est resté sur le carreau… Au témoignage du Cardinal : « Le Père Bugnini avait été secrétaire de la Commission sur la liturgie pendant la période préparatoire du Concile. Comme son travail, effectué sous la direction du cardinal Gaetano Cicognani, n’avait pas été jugé satisfaisant, il fut le seul à ne pas être promu secrétaire de la Commission conciliaire correspondante ; cette fonction fut attribuée au Père Antonelli, ofm, ultérieurement nommé cardinal » (p. 34).
Lisez, vous dis-je. Je ne peux me résoudre à résumer. Il faut tout citer :
«  Nous en arrivons ainsi au mandat donné aux réformateurs de promouvoir la participation vivante et active des fidèles à la célébration de la messe, un mandat qui, trop souvent, a été mal interprété et adapté à la mentalité actuelle. Comme toute la liturgie, ainsi que le dit expressément le Concile, le but principal de la messe est le culte de la divine majesté. Aussi le cœur et l'âme des participants doivent‑ils en premier lieu être élevés et s'élever vers Dieu. Cela n'exclut pas que la participation se manifeste concrètement à l'intérieur de la communauté et vis-à-vis d'elle. Et c'est la raison pour laquelle, pour pallier l'absence de participation des fidèles dont on se plaignait si souvent avant le Concile, ce dernier a instamment demandé cette « actuosa participatio ». Mais si celle-ci dégénère en un enchaînement ininterrompu de paroles et d'actions, avec une distribution des rôles aussi large que possible afin que tous aient leur part à l'action, lorsque l'on en arrive à un activisme qui relève plutôt d'un rassemblement humain purement externe et qui, pire encore, juste avant le moment le plus sacré pour les participants : dans la rencontre individuelle de chaque fidèle avec le Dieu-homme eucharistique, est plus bavarde et distrayante que jamais, la mystique contemplative de la rencontre avec Dieu, le culte qui lui est rendu avec la crainte respectueuse, la révérence qui doit l'accompagner toujours - tout cela ne peut que mourir : alors l'humain tue le divin et emplit le cœur de vide et de désolation. Ce moment appartient au silence, qui est expressément prévu, et qui n'a gardé - difficilement - sa place qu'après l'action que constitue la distribution de la communion, comme une petite feuille de vigne sur un grand corps nu. C'est ainsi que, reflétant la tendance actuelle de la conscience du monde à se limiter aux apparences, on voit se développer dans l'Église un agir cultuel de conception humaine et projeté vers l'extérieur ».
Voilà donc un jugement général du cardinal sur la réforme liturgique bugninienne.
H- L’usage du latin dans la pensée conciliaire.
Mais après ce jugement général qui est une vraie condamnation de la réforme, le Cardinal aborde des points plus particuliers : le latin, le grégorien, l’orgue…
Sur le latin :
Le Cardinal exprime sur ce sujet – du latin comme langue liturgique – son étonnement. Il ne comprend pas comment, après ce que demandèrent les Pères conciliaires sur ce point, on en soit arrivé à la suppression générale et au triomphe des langues vernaculaires.
Ce passage de la conférence est fort intéressant. Il faut le citer dans son intégralité. Il donne un témoignage historique, puis l’enseignement magistériel, enfin les arguments théologiques. Notre Cardinal fut vraiment – durant le Concile – au cœur du problème.
1- Et tout d’abord, son témoignage personnel :
« A ce stade, il convient de mentionner une disposition du concile qui a été non seulement mal comprise mais, plus encore, complètement répudiée : la langue cultuelle. Je me permettrai ici, une fois encore, d'étayer mon argument par un souvenir personnel. En qualité d'expert de la Commission pour les séminaires, on m'avait confié le rapport sur la langue latine. Il fut clair et bref et, après mûre discussion, rédigé sous une forme qui correspondait aux souhaits de tous les membres avant d'être soumis à l'aula conciliaire. C'est alors que, sans que l'on s'y attendît, le pape Jean XXII1 signa en toute solennité, à l'autel de saint Pierre, la lettre apostolique « Vetera, Sapientia », ce qui, de l'avis de la Commission, rendait superflue la déclaration conciliaire sur le latin dans l'Église : cette lettre présentait non seulement le rapport entre la langue latine et la liturgie mais encore toutes les autres fonctions de cette langue dans la vie de l'Église.
Lorsque, plusieurs jours durant, la question de la langue du culte fut discutée dans l'aida conciliaire, je suivis avec beaucoup d'attention tout ce débat, ainsi d'ailleurs que la discussion, jusqu'au vote final, des différentes formulations incluses dans la Constitution sur la Sainte Liturgie. Je me rappelle très bien que, à la suite de quelques propositions radicales, un évêque sicilien se leva et adjura les Pères de procéder, sur cette question, avec prudence et intelligence car, sinon, le risque était que la messe fût dite dans sa totalité en langue vernaculaire, ce qui fit bruyamment éclater de rire toute l'aula conciliaire. Et c'est pourquoi je n'ai jamais compris comment, dans ses Mémoires publiés en 1983, Mgr Bugnini, à propos du passage radical et complet du latin obligatoire à la langue vernaculaire comme langue cultuelle exclusive, ait pu écrire que le concile avait pratiquement dit que la langue vernaculaire était, dans toute la messe, une nécessité pastorale (op. cit., pp. 108‑121 dans l'édition italienne originale).
A l'encontre de cela, je puis témoigner que les formulations de la constitution conciliaire sur ce point, tant dans sa partie générale (Art. 36) que dans les dispositions particulières relatives au sacrifice de la messe (Art. 54) ont été approuvées quasiment à l'unanimité dans les discussions des Pères conciliaires et surtout lors du vote final : 2 152 oui et 4 non ».
Cette critique sera-t-elle comprise comme « un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée »…Cela ma paraîtrait vraiment difficile…
2-Ensuite l’enseignement magistériel sur le latin :
« Au cours des recherches que j’ai effectuées pour préparer le rapport sur la tradition sur lequel devait s'appuyer ce décret conciliaire sur la langue latine, j'ai constaté que toute la tradition était absolument unanime sur ce point, jusqu'au pape Jean XXIII : elle s'est toujours prononcée clairement contre toutes les tentatives antérieures visant à renverser cet ordre des choses. Je pense ici en particulier à la décision du concile de Trente, sanctionnée d'un anathème, contre Luther et le protestantisme, à Pie VI contre l'évêque Ricci et le Synode de Pistoïé, et à Pie XI qui, à propos de la langue cultuelle de l'Église, a prononcé un clair « non vulgaris » ».
Là, le Cardinal ne fait que citer mais ses citations sont parfaitement fondées.
Jugez en effet.
Le Concile de Trente enseigne bien dans son canon 9 dans sa 22ème session : « Si quelqu’un dit…que la messe ne doit n’être célébrée qu’en langue vernaculaire…qu’il soit anathème ». Et dans son chapitre doctrinal – au chapitre 8 de la même session – on lit : « Bien que la messe contienne un riche enseignement pour le peuple fidèle, il n’a cependant pas paru bon aux Pères qu’elle soit célébrée indistinctement en langue vulgaire ». Toutefois, ordre était donné aux pasteurs d’âmes de donner régulièrement des instructions pour expliquer le sens des belles pièces du missel romain.
Quant au pape Pie VI invoqué par le Cardinal, on peut, de fait, citer entre autres, la proposition 66 :
« La proposition qui affirme qu’il est contraire à la pratique apostolique et aux conseils de Dieu, de ne pas préparer au peuple des voies plus faciles pour joindre sa voix à la voix de toute l’Eglise, si elle est entendue en ce sens qu’il faut introduire l’usage de la langue vulgaire dans les prières liturgiques, est fausse, téméraire, perturbe l’ordre présent pour la célébration des mystères, produit facilement de nombreux maux ».
Voici qui est bien dit. Voilà la vraie tradition catholique que Mgr Bugnini et son personnel devaient défendre et respecter et qu’ils n’ont ni défendu, ni respecté.
Vraiment, le Cardinal prouve bien son jugement : « L’ordo missae – celui de Mgr Bunigni, celui de Paul VI – est radicalement nouveau ». Il ne respecte pas la tradition catholique, qui fut rappelée par  le Concile Vatican II. Mais dire cela, est-ce « dénigrer » la réforme liturgique ? Est-ce dénigrer le Concile Vatican II…Est-ce lui être infidèle. Est-ce refuser « systématiquement le concile Vatican II ». N’est-ce pas, plutôt,  refuser un certain esprit, le « fameux esprit du concile » que Benoît XVI a dénoncé le 22 décembre 2005 ? Attention nosseigneurs !
3- Il donne, enfin, les raisons justifiant le nécessaire maintient du latin dans la liturgie et dans l’Eglise :
« Il faut bien voir que la raison n'en est pas uniquement d'ordre cultuel, même si cet aspect est toujours mis en avant. C'est aussi une question de révérence, de crainte respectueuse : comme le voile recouvre les vases sacrés, le latin sert de protection contre la profanation - à la manière de l'iconostase des Églises orientales derrière laquelle s'accomplit l'anaphore ‑ et aussi contre le danger de vulgariser, en utilisant la langue vernaculaire, toute l'action liée au mystère, ce qui se produit effectivement souvent de nos jours. Mais cela tient aussi à la précision du latin, qui sert comme nulle autre langue la doctrine dogmatiquement claire ; au danger d'obscurcir ou de fausser la vérité dans les traductions, ce qui d'ailleurs pourrait aussi porter gravement préjudice à l'élément pastoral, si important ; et aussi à limité qui est ainsi manifestée et renforcée dans toute l'Église ».
« Toujours du point de vue pastoral, l'abandon du latin comme langue liturgique, à l'encontre de la volonté expresse du concile, engendre une deuxième source d'erreurs, plus grave encore: je veux parler de la fonction de langue universelle qu'assume le latin, qui unit toute l'Église, justement, dans le culte public, sans déprécier aucune langue vernaculaire vivante. Et précisé­ment à notre époque où le concept d'Église qu'on voit se déve­lopper met l'accent sur l'ensemble du peuple de Dieu considéré comme Corps mystique un du Christ, aspect d'ailleurs toujours souligné dans la réforme, il se fait que, par l'introduction de l'usage exclusif des langues vernaculaires, et même de dialec­tes, l'unité de l'Église universelle est remplacée par une diversi­té d'innombrables chapelles populaires, jusqu'au niveau des communautés villageoises et églises paroissiales, qui sont sépa­rées les unes des autres par une véritable différence de tension naturelle qui, entre elles, est et ne peut qu'être insurmontable. D'un point de vue pastoral, comment alors un catholique peut-il retrouver sa messe dans le monde entier, et comment peut-on abolir les différences entre races et peuples dans un culte com­mun, grâce à une langue liturgique sacrée commune, ainsi que l'a expressément souhaité le concile, alors qu'il y a tant d'occasions, dans un monde devenu si petit, de prier ensemble ? Dans quelle mesure alors chaque prêtre a-t-il la possibilité pas­torale d'exercer le sacerdoce suprême de la sainte messe n'importe où, surtout dans ce monde où les prêtres sont devenus si rares ? »
I- La critique de « l’introduction d’un cycle liturgique de 3 ans »
Enfin, le cardinal critique « l’introduction d’un cycle liturgique de 3 ans. C’est là un péché contre nature » dit le Cardinal. « Il ne fallait pas abolir le déroulement d’un cycle annuel naturel » (p. 53). Toutes ces modifications, ces changements « ont condamné les remarquables mélodies grégoriennes variables à une mort lente ». Ce qu’il déplore : « Au mandat donné par le Concile de préserver et promouvoir le chant liturgique romain typique, très ancien, a répondu une épidémie pratiquement mortelle » (p. 53). Comme il déplore la disparition de l’orgue : « remplacé par une multitude d’instruments (qui) ont favorisé l’introduction dans la musique religieuse d’éléments reconnus comme diaboliques » (p. 55).
Comme il déplore enfin les nombreuses « variantes autorisées » - vrai principe constitutif de la réforme liturgique – qui « risquent de mener à l’anarchie qu’avait toujours si bien maîtriser l’ancien ordo latin » (p. 56).
« C’est ainsi que le nouveau garant de l’ordre – le Cardinal veut dire : le nouvel Ordo missae – devient, de soi, facteur de désordre. « Aussi ne faut-il pas s’étonner que chaque paroisse, pour ne pas dire chaque église, semble avoir adopté un ordo différent. C’est là une constatation que l’on peut faire partout ». (p. 55) Et qui entraîne l’irrévérence actuelle, la perte du sens du sacré et la superficialité. Tout cela étant grandement dommageable à la dignité du nouveau rite.
J- De la validité du « nouvel ordo missae ».
Quoiqu’il en soit de toutes ses critiques, le Cardinal ne va pas jusqu’à affirmer l’invalidité du nouveau rite. Ce que nul d’entre nous n’a jamais affirmé.
« Pour éviter tout malentendu à propos de cette présentation de la réforme…je voudrais préciser expressément que je n’ai jamais mis en doute que ce soit dogmatiquement ou juridiquement la validité de cet Ordo : sans doute, d’un point de vue juridique, ai-je ressenti des doutes sérieux qui tiennent à ce que j’ai intensivement étudié les canonistes médiévaux, lesquels sont unanimes à dire que les papes peuvent tout changer à l’exception de ce que prescrit la Sainte Ecriture, de ce qui touche aux décisions doctrinales de plus haut niveau déjà adoptés et du « status ecclesiae » ».
Et ses doutes venaient – viennent-ils encore, je ne sais, il n’en dit rien – de ce que l’on « peut penser » que la liturgie relève du « status ecclesiae ». Elle serait alors, sous ce rapport, immuable dans sa substance, immuable par essence.
K- Position pratique du cardinal
Mais le Cardinal n’insiste pas. Il dit la chose. Il passe et en profite même pour dire immédiatement après, sa position pratique :
« Je m’empresse de préciser que lorsque la nouvelle liturgie est célébrée avec révérence – ce qui est toujours le cas, par exemple,  à Rome et par le Pape lui-même – les abus regrettables qui relèvent essentiellement de la divergence entre la Constitution conciliaire et le nouvel ordo, n’ont pas lieu » (p. 57/58).
Peut-on ici discuter, « poser des questions, des demandes de précision ou d’approfondissement ?
Je me le permets.
Que le nouvel « ordo missae » soit valide, nul ne le contestera mais que parce qu’il est célébré avec révérence, cela fasse tomber tous les abus regrettables et qu’ils n’aient même plus lieu…là, je ne comprends pas.
La langue vernaculaire reste la langue vernaculaire qu’elle soit utilisée avec révérence ou non.
L’Offertoire nouveau reste l’offertoire nouveau – le cardinal l’a décrit comme une vraie révolution dans l’Eglise – qu’il soit dit avec révérence ou non.
La prédominance du repas sur le sacrifice demeure quelque soit la révérence du célébrant, fut-ce le Pape.
La modification de la formule de consécration du vin reste ce qu’elle est : une véritable infidélité à toute la Tradition que la nouvelle formule soit prononcée avec révérence ou non.
Et pensez-vous que l’abolition du grégorien et du chant polyphonique, de l’orgue, du silence, de la contemplation intérieure, pensez-vous vraiment que tout cela favorise, nourrisse la révérence du peuple ?
Pensez-vous que l’abolition des signes de croix, des baisers de l’autel, des génuflexions – ce que la Cardinal déplore – puissent favoriser plus grande révérence pour les mystères célébrés ?
Tout cela me paraît contradictoire et peut-être même pusillanime.
Je préfère la mâle autorité du cardinal Ottaviani demandant à Paul VI – après l’exposé fait dans le Bref examen critique – l’abrogation du nouvel « Ordo missae » ou tout au moins « la possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond missel romain de saint Pie V ».
Je trouve cela plus cohérent.
Et je constate – là encore – une diversité pratique, concrète, du magistère actuel dans l’application de la réforme, même parmi les meilleurs.
Certains demandant purement et simplement son abrogation,
Alors que d’autres se contentent de demander – malgré les insuffisances doctrinales graves – qu’il soit célébré, du moins,  « avec révérence ».
Le cardinal Stickler nous démontre que cette réforme liturgique n’est pas fidèle à la Tradition catholique sur des points majeurs,
- qu’elle s’en éloigne,
- qu’elle est, sur bien des points, une vraie révolution,
- qu’elle est « nouvelle »
- que l’aspect sacrificiel de la messe est presque éliminé…
Et comme attitude pratique : il se contente de dire – ici – que si elle est célébrée avec « révérence », il n’y a plus de problème. Tout rentre dans l’ordre !
Cela me paraît très léger, voire insignifiant.
L- Le jugement pratique de l’abbé Dulac.
Et je préfère le jugement pratique – o combien pastoral – d’un abbé Dulac qui se plaignait, lui aussi, de l’aspect équivoque de cette réforme.
Il écrivait en 1975 :
« Nous avons été les premiers à dénoncer le défaut radical, inguérissable du nouvel « ordo missae ». C’était le 25 juin 1969, quelques jours après l’apparition, en France, de « l’édition typique » de cette messe réformée.
« Nous y sommes revenus bien des fois depuis cette date.
« Nos critiques étaient assez graves pour que nous ayons pu, dès le début, y trouver le motif d’un refus.
« Mais jamais, nous n’avons dit que la nouvelle messe était hérétique.
« Hélas ! Elle est, pourrait-on dire, pis que cela : elle est équivoque. Elle est flexible en des sens divers. Flexible à volonté. La volonté individuelle qui devient ainsi la règle et la mesure des choix ».
Ne serait-ce pas la « révérence » dont nous parle le cardinal Stickler ?
M- Les raisons d’un refus. Les vraies !
L’hérésie formelle et claire agit à la manière d’un coup de poignard.
L’équivoque agit à la manière d’un poison lent.
L’hérésie attaque un article précis du dogme.
L’équivoque, en lésant l’ « habitus » lui-même de la foi, blesse ainsi tous les dogmes.
On ne devient formellement hérétique qu’en le voulant.
L’équivoque peut ruiner la foi d’un homme à son insu.
L’hérésie affirme ce que nie le dogme ou nie ce qu’il affirme.
L’équivoque détruit la foi aussi radicalement en s’abstenant d’affirmer et de nier : en faisant de la certitude révélée, une opinion libre.
L’hérésie est ordinairement un jugement contradictoire à l’article de la foi.
L’équivoque est dans l’ordre de ce que les logiciens appellent « le disparate ». Elle est à côté de la foi. A côté même de la raison, de la logique.
Eh bien, nous osons le dire : il y a pire encore peut-être que l’équivoque.
Il y a le substitut de la foi théologale, sa contrefaçon, son ersatz : son succédané sentimental.
Ce que le cardinal Stickler appelle – peut-être – la « révérence » dans la célébration du rite.
Et le plus détestable de ces succédanés, c’est celui qui dissimulerait l’artifice sous le vernis mystique, celui qui, dans le cas de la messe, marquerait l’indigence théologique ou sa carence formelle sous le sucre d’un mystère frelaté.
Comme si, ce que notre Cardinal appelle – peut-être – « révérence », - piété, « expérience », « action »-  pouvait suppléer aux omissions et aux équivoques de la foi intellectuelle.
« La sagesse mystique goûtant dans l’amour cela même que la foi atteint comme caché, nous fait jugés et estimés de façon merveilleuse ce que nous connaissons par la foi mais ne nous découvre aucun objet de connaissance que la foi n’atteindrait pas. Elle perfectionne la foi quant au mode de connaître, non quant à l’objet connu ».
C’est Jacques Maritain qui écrivait ces excellentes choses en 1932. Le Maritain, non point de l’ « Humanisme intégral » mais celui des « Degrés du savoir » (3ème ed., p. 524)
Et il ajoutait : « C’est une désastreuse illusion de chercher l’expérience mystique – ce que le Cardinal appelle peut-être « révérence » - en dehors de la foi, d’imaginer une expérience mystique affranchie de la foi théologale ».
Mais dire cela, demander des précisions…L’épiscopat français semble le tolérer…Alors je me suis permis…Je me suis risqué…je vais même plus loin…Je leur dis franchement : faites de votre réforme ce que bon vous voulez, maintenez la,  réformez la…où tout autre chose encore…mais redonnez-nous le trésor de la tradition…la Messe dite de saint Pie V et permettez-nous enfin d’œuvrer avec elle à la sanctification du peuple….
Conclusion du cardinal Stickler…
Le Cardinal conclut enfin son exposé en parlant des « réalités officielles négatives, quoi que dans une mesure limitée, à la réforme de la messe telle que publiée » (p. 57).
Certains ont pu reprocher « la hâte incompréhensible » dans laquelle cette réforme a été « expédiée et rendue obligatoire ». Il cite le témoignage du cardinal Dopfner, archevêque de Munich (p. 57).
Mais cela est-ce « dénigrement – intolérable -  de la réforme liturgique que le Concile a décrétée » ?
Il invoque l’autorité du cardinal Ratzinger et tout spécialement ses jugements exprimés dans son dernier livre : Ma vie (Fayard, 1998)  et Le Sel de la Terre.
Ces livres nous  les avons analysés ailleurs. Sont-ils autant de  dénigrement intolérable?
Il invoque également l’épiscopat allemand et surtout « le responsable des questions liturgiques auprès de la Conférence épiscopale d’Autriche – il ne donne pas son nom – qui aurait déclaré, déjà en 1995, dans une conférence donnée à Cracovie, « que le Concile avait voulu, non pas une révolution, mais une restauration dans la liturgie qui fut fidèle à la tradition. Au lieu de quoi – ajoutait-il – nous avons eu un culte de la spontanéité et de l’improvisation qui a sans aucun doute, contribué à la diminution du nombre des participants à la messe » (p. 60).
Est-ce  dénigrement insupportable ?
Il invoque le cardinal Danneels.
En Italie, il invoque aussi l’auteur de la Tunique déchirée (1967), Tito Casini.
Et aussi la réaction des laïcs d’ « Una voce ». Des laïcs canadiens. Il cite une revue canadienne « Preciois Blood Banner » : on y lit : «  Il apparaît toujours plus clairement que l’extrémisme des réformateurs post-conciliaires a consisté, non pas à réformer la liturgie catholique depuis ses racines mais à la déraciner de son sol traditionnel ; selon cet article, ils n’ont pas restauré le rite romain, ce que leur demandait le Concile Vatican II, ils l’ont déraciné » (p. 61).
Ces paroles sont citées par le cardinal. Est-ce dénigrement ?
Il invoque le témoignage de Max Thurian « ancien prieur calviniste de Taizé, passé au catholicisme et ordonné prêtre » (p. 61). Celui-là même qui, au temps de la réforme, avait déclaré que les Protestants pourraient bien célébrer la Cène avec ces nouvelles prières. Il cite et résume son article critique paru dans L’Osservatore Romano quelques temps avant sa mort. Il avait bien évolué !
Il invoque le témoignage de Mgr Gamber. Vous en connaissez beaucoup de lui.
Puis, il termine évoquant l’attitude pratique du Pape Jean-Paul II en cette affaire liturgique. : « (Tout) nous permet de penser avec une confiance justifiée que, dans ses efforts pour rétablir l’unité de la paix, le Pape ne reviendra pas sur ce qu’il a déjà fait mais qu’au contraire, il ira plus loin encore dans la voie amorcée, en particulier aux paragraphes 5 et 6 du Motu proprio de 1988 pour instaurer une juste réconciliation entre la tradition inaliénable et un développement justifié par le temps » (p. 66).
Je pense que Benoît XVI veut aller plus loin…en matière liturgique…
Mais il veut le faire dans un consensus ecclésial…
Les évêques de France viennent de dire leurs « mots »… Comment Benoît XVI le reçoit-il ? L’a-t-il reçu ?
Mais qu’en est-il maintenant du problème du Magistère ? L’épiscopat a bien écrit : «  La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du concile Vatican II et des papes de ces dernières décennies ».
Nous verrons cela dans le prochain « Regard ».