30 novembre 2005

[Dom Ange, Prieur du Monastère Notre-Dame de Bellaigue] "...un retour de chacun à l'authentique vie chrétienne..."

Dom Ange, Prieur - Lettre aux Amis de Notre-Dame de Bellaigue n°10 - 30 novembre 2005

Notre fondateur, le R. P. Muard, a mis notre Congrégation sous le patronage des Cœurs de Jésus et de Marie, afin de nous donner en eux le modèle de l'esprit de réparation qui lui était si cher. Ce fut là l'origine de son œuvre: il constatait à chaque mission paroissiale les progrès de la déchristianisation dans la société post-révolutionnaire. Le Sacré-Cœur lui inspira alors le désir de former des moines « pauvres, humbles et mortifiés» qui fussent à même de réparer par leurs vertus et, en conséquence, de convertir les âmes et de réformer les mœurs.

Combien nous devons prendre à cœur cet esprit de réparation! il est rendu plus nécessaire par l'aggravation de la crise qui secoue l'Église et le monde. Cette crise est la source de désordres sans nombre qui irritent le Seigneur et exigent une juste expiation. Le Saint Père affirmait récemment que sa mission personnelle était de faire assimiler l'enseignement « très riche» de Jean-Paul Il, qui fut « l'homme du Concile» et a donné « l'authentique interprétation de Vatican II ». Cette déclaration n'est pas faite pour nous rassurer; on a vu en effet les ravages causés par l'œcuménisme et la liberté religieuse depuis 30 ans...

Quelle réparation Dieu attend-il de nous? Toute réparation est d'abord une réforme, c'est-à-dire un retour à l'ordre établi par le divin Législateur: il faut revenir à son plan afin qu'il s'accomplisse désormais pleinement, avec notre concours; ce plan, c'est la manifestation de sa charité infinie en Notre Seigneur Jésus-Christ, incarné et immolé pour notre rédemption, dans l'unique Église qu'il a fondée. Nous le savons bien, et Mgr Lefebvre l'affirmait souvent, le salut ne peut venir que de Rome. S. Grégoire le Grand, S. Pie V et plus récemment S. Pie X ont agi énergiquement pour combattre les abus et ramener les chrétiens de leur époque à la pureté de doctrine et à la sainteté de vie ; la réforme indispensable aujourd'hui ne se fera pas par un autre moyen. Mais que faire quand l'autorité elle-même manque gravement à sa mission? il faut revenir à l'essentiel ; « Le Père cherche des adorateurs en esprit et en vérité ». Les institutions se dissolvent quand l'esprit qui anime et unit leurs membres disparaît; l'Église aussi se flétrit, dans la vie de ses membres, lorsque les chrétiens, au lieu de se laisser conduire par I’Esprit Saint, se laissent mener par l'esprit du monde opposé à l'Evangile.

La réforme passe nécessairement par un retour de chacun à l'authentique vie chrétienne, qui exige un combat continu pour soumettre tous les détails de l'existence à la conduite de l'Esprit Saint, dans l'obéissance aux autorités légitimes. C'est bien ce que Sœur Lucie de Fatima rappelait au R. P. Fuentes en 1957 : il n'y a pas à attendre d'impulsion venant de la hiérarchie, c'est à nous d'entreprendre notre propre réforme, pour sauver notre âme et celles que Dieu place sur notre chemin. C'est dans cet esprit que Mgr Lefebvre, obéissant à la Providence, a entrepris son œuvre de « sauvetage» de la Tradition, dans la ferme espérance que notre combat serait comme une étincelle pour conserver et transmettre le flambeau de la Foi.

La négligence s'étale partout; seul l'attachement intime du cœur à la vérité donne la force d'accomplir toujours la volonté de Dieu. L'adoration en esprit et en vérité, fruit de la foi vivante et de la « prière du cœur », est l'âme de notre combat; qu'elle soit notre souci majeur. Par elle nous participons à l'adoration parfaite que Notre Seigneur rend à son Père; par elle nous présentons à Dieu une digne réparation: « L'acte de foi [...] rend à Dieu plus de gloire que ne saurait lui en procurer toute la création matérielle, et avec elle toute la création intelligente [...], parce qu'il y a de Dieu en cet acte, parce qu'il y a en lui de Jésus-Christ. [...] Cet acte de foi si simple, si doux, que je puis multiplier à mon gré tant la grâce de Dieu est toujours voisine et présente, cet acte de foi trempé de charité rend plus de gloire à Dieu que ne sauraient lui en retirer tous les blasphèmes, toutes les rébellions humaines et angéliques » (Dom Delatte, La vie spirituelle).

Pour être vraie, notre adoration doit aboutir au sacrifice de nous-mêmes pour l'Église et le bien de nos proches. Ainsi la réforme commencée en nous s'étend autour de nous par les efforts visibles ou invisibles de notre charité, et notre réparation devient intercession. N'enterrons donc pas le trésor que Dieu met entre nos mains! Soyons généreux ; prions souvent et faisons des sacrifices pour les pécheurs. En particulier, disons bien notre chapelet, cette prière à laquelle Dieu a donné tant d'efficacité pour la conversion des âmes. Alors la charité vraie triomphera des obstacles et nous aurons la consolation de voir les Cœurs de Jésus et de Marie régner de nouveau sur le monde. Saint temps de l'Avent, dans l'attente de la belle fête de Noël.

Que Notre-Dame de Bellaigue vous bénisse.

Dom Ange, Prieur

29 novembre 2005

[Martin Mosebach - Centre St Paul (conférence)] La crise de la liturgie

Conférence de Martin Mosebach - Centre Saint-Paul (Paris) - 29 novembre 2005

[Texte de la conférence, suivi d'une présentation du livre de Martin Mosebach - "La Liturgie et son ennemie"]
La rupture avec la tradition
La réforme de la messe de Paul VI après le concile Vatican II représente un événement unique dans l’histoire de l’Eglise. Jamais auparavant l’Eglise n’avait interdit un rite antique, jamais auparavant, comme le disait le cardinal Ratzinger en son temps, elle n’avait institué un rite « construit » à la place d’un rite qui s’était fait lui-même. Jusqu’en 1968, le rituel en vigueur dans l’église latine n’est absolument pas « tridentin » au sens où il aurait été construit par le Concile de Trente comme on l’affirme souvent par erreur. Il remonte dans ses parties essentielles à Grégoire le Grand. Après la réforme, des éléments hérétiques s’étaient infiltrés dans de nombreux rites locaux. De ce fait, c’est le rite du pape et de la ville de Rome qui fut rendu obligatoire pour l’ensemble de l’Eglise. A cette occasion, le Concile de Trente s’était lancé dans toute une série d’explications autour de ce rite transmis. Ainsi il a reconnu que ce rite ne contenait aucune partie secondaire ou sans importance. Et de fait, tous les éléments qui le composaient y étaient bien agencés et reliés étroitement entre eux. La liturgie était un organisme vivant dont on ne pouvait retirer certaines parties ou pierres de construction pour être remplacées par autre chose sans que l’ensemble n’en souffrit. Cet organisme n’était rien d’autre qu’une icône de l’incarnation. Comme dans toutes les religions antiques, le culte chrétien avait également la mission de rendre présent la divinité. Dans l’ancienne messe, il s’agissait de la mise en présence de l’homme-Dieu qui naissait et prenait chair une nouvelle fois dans le sacrement puis mourrait et ressuscitait. D’après une théologie des plus anciennes qui continue à vivre de manière ininterrompue dans l’orthodoxie, ce n’était pas le repas du jeudi saint qui se renouvelait dans la messe mais la mort et le sacrifice sur la croix.
Après que la philosophie sécularisante, peu de temps avant son agonie, se fut introduit dans l’Eglise et que des concepts comme le péché, la faute, le sacrifice et la rédemption soient apparu comme les dépôts barbares et indécrottables d’une religion qui ne déclenchait qu’embarras dans l’humanité avancée, il fallait que le sacrement transmis soit subverti dans le repas mémorial de la communauté en paix. Depuis règne dans l’Eglise une contradiction insoluble : alors que le pape ne cesse de rappeler la doctrine traditionnelle du sacrement eucharistique, dans la pratique de l’Eglise, malheureusement bien plus importante que la doctrine, on a abandonné plus ou moins cette conception transmise et on a forgé une mentalité complètement nouvelle parmi les croyants. Si le magistère pontifical renonce encore à imposer une doctrine qui hérite de toute l’histoire de l’Eglise, les conséquences destructrices de cette contradiction ne se feront pas longtemps attendre.
La nouvelle messe n’est pas la messe de Vatican II
La réforme liturgique postconciliaire ne peut se référer à la constitution sur la liturgie du Concile Vatican II. Il n’y a aucune équivoque dans ce que les pères conciliaires avaient en tête quand ils bâtirent cette constitution. Ils exigeaient avant tout la prudence lors de l’examen des livres liturgiques. Ils interdirent toute modification de la liturgie qui ne promettait pas un « bien certain ». Ils confirmèrent le caractère obligatoire du latin comme langue sacrée et n’autorisèrent les langues vernaculaires qu’à titre d’exception et de tolérance pastorale. On pensait avant tout aux missions hors de l’Europe où les cultures non européennes n’avaient pourtant aucune difficulté à imaginer que le culte ait sa langue propre. Ils souhaitaient que la lecture des épîtres et des évangiles soit faite en langue vernaculaire. Ils souhaitaient l’abandon du psaume « Judica me » et du prologue de St Jean à la fin de la messe. Ils voulaient éviter toute « répétition inutile ». Par exemple, il fallait que le prêtre ne lise plus le Gloria et le Credo seul à voix basse pendant que l’assemblée le chante ou le récite à voix haute mais qu’il puisse réciter ces prières en même temps que l’assemblée. Jean XXIII révisa le missel en observant fidèlement ces idées et il publia en 1965 un missel qui correspondait aux vœux des pères conciliaires. Les écarts par rapport à ces règles étaient peu nombreux. On ne toucha pas à l’action cultuelle en elle même. La messe d’aujourd’hui  -- si l’on peut parler d’une messe car il n’y a plus une messe qui ressemble à une autre – n’aurait eu aucune chance d’être acceptée par les pères conciliaires. Le chemin qui va de la célébration du sacrifice offert à Dieu à la célébration du repas dirigé vers l’assemblée n’a pas été voulue par les pères conciliaires. Les éléments les plus importants de la pratique de la messe  -- la célébration de la messe vers le peuple et non l’orientation commune de la prière du prêtre et de l’assemblée vers l’Orient et la distribution de la communion dans la main  -- ne sont pas inscrits dans la réforme voulue par Paul VI. Ils furent arrachés dans la désobéissance aux prescriptions du missel. On est arrivé au résultat paradoxal qu’une messe célébrée selon l’ancien missel est plus proche des idées des pères conciliaires qu’une messe célébrée selon le nouvel ordo. Cela vaut également dans les rares cas où elle est célébrée dignement et selon les prescriptions du missel.
L’objectif de la réforme n’est pas le renforcement mais la dissolution de la discipline
Jadis toute réforme religieuse avait pour objet la restauration de la discipline, le redressement d’un ordre ecclésial qui s’était défait. Quand on parle d’Ecclesia semper reformanda, on se réfère au phénomène bien humain qui va vers l’allègement des fardeaux et l’arasement des règles. La réforme de Cluny et de Cîteaux, de l’ordre des carmélites et celle du concile de Trente représentent un retour à un ordre strict : il s’agit à chaque fois de reprendre le collier. Elles correspondent à  un retour à la radicalité religieuse, à la restauration de la discipline spirituelle passée.
La réforme liturgique postconciliaire est la première réforme de l’histoire de l’Eglise qui n’a pas eu pour objectif la restauration de la forme mais son éradication. Abolition et relativisation. Aujourd’hui tout ordre liturgique a été mis de facto à disposition pour être rendu modifiable à volonté. La confession a été abolie. Le jeûne a été rendu obligatoire seulement deux jours par an. Quant au jeune eucharistique, on n’en parle même plus. L’art et la musique liturgique sont livrés au plus grand désordre. La liturgie se mesure désormais à son caractère « supportable » et « transmissible ». La liste des règles qui fixent l’attitude liturgique et qui ne sont plus supportables pour le croyant moderne est longue. Se mettre à genoux est désormais complètement impensable. Les horaires de messe doivent être fixés de manière confortable. Les passages dérangeants ou durs de l’écriture sainte doivent être passes sous silence. Si les croyants expliquent qu’ils ne sentent pas concernés par la liturgie, qu’ils ne s’y retrouvent pas ou qu’elle « ne leur dit rien », la réaction des théologiens est toujours une reculade. Le curé qui se dispute avec l’équipe liturgique ne doit attendre de l’aide d’aucun évêque. Il ne doit s’attendre qu’à des reproches de ne pas avoir été assez souple et serviable. Quand on parle de réforme liturgique, la réforme que l’on évoque n’a absolument rien à voir avec la réforme telle que l’entendaient les anciens. Elle ressemble à la politique des grands magasins quand ils soldent et bradent et qu’ils sont envahis de clients qui courent de droite et de gauche.
La réforme de la messe a échoué sur le plan pastoral
Avec la réforme de la messe de Paul VI, au centre de la messe il n’y a plus la vénération de Dieu mais la catéchisation, la mise sous influence et la distraction de l’assemblée. A ce sujet, je vous recommande un livre d’un psychanalyste allemand qui a fait une analyse intéressante de la réforme liturgique. Le livre s’intitule Das Konzil der Buchhaltung, [Le Concile des comptables]. Le prêtre est tourné vers elle comme un modérateur dans une émission de télévision. Quand il dit des prières, même quand il semble se diriger vers Dieu, il s’adresse à l’assemblée pour l’éveiller à des sentiments religieux et la diriger spirituellement. De même que les bons pédagogues aspirent à faire participer leurs élèves à un enseignement, de même l’assemblée est invitée à participer aux activités sacrées, comme si sa non participation affaiblirait inévitablement son engagement. Quand le prêtre fait quelque chose, il se plait à l’expliquer auparavant. Certains prêtres tiennent quatre ou cinq sermons pendant la messe. Au Notre Père, il invite les gens à se tenir la main. Les adultes se tiennent alors là debout comme à l’école. Lors du rite de la paix, le prêtre quitte le choeur pour aller serrer les mains des fidèles. Entre-temps, les femmes et les enfants peuvent également réciter des textes qu’ils ont eux-mêmes composés. Ensuite comme un tonton chargé de la surveillance, le prêtre s’assoit sur le côté et joue le rôle de l’auditeur de manière convaincante.
Ce sont des raisons pastorales qui ont amené la réforme de la messe. On dit qu’on a voulu empêcher que les croyants quittent l’église. Si pour être pastoral il faut lorgner sans cesse sur la réaction des croyants, on peut dire que l’ancienne messe n’a jamais été pastorale. Elle fut célébrée également fréquemment en l’absence de fidèles in conspectu angelorum. Cependant bien qu’elle n’ait pas été instituée pour la communauté, -- les croyants venaient à elle et rendaient grâce de pouvoir y être acceptés -- elle conserva le trésor de la foi de manière imbattable. Celui qui y assistait savait qu’il devenait le témoin de la présence du Christ. Ainsi quand on voit la manière dont la messe est aujourd’hui célébrée dans de nombreuses paroisses, on ne peut garantir que la foi soit transmise par ce biais. Des générations entières de jeunes gens sont parvenus aujourd’hui à l’âge adulte qui ne savent plus ce qu’est un sacrement et qui ne savent plus réciter par cœur un Pater ou un Credo. Voilà le résultat d’une réforme de la messe dont l’optique était soi-disant pastorale. Même si la crise est profonde, il est certain que ce caractère pastoral de la réforme a contribué à vider les églises. La réforme de la messe a donc échoué si on la mesure à ses propres étalons. L’extraordinaire rupture avec toute la tradition religieuse n’a pu maintenir les gens à l’église ni n’a pu maintenir intact le trésor de la foi.
La réforme de la messe ne tient pas dans le détail à un examen scientifique
Les fondements de la réforme de la messe sont contradictoires. La casse a été beaucoup trop importante. Il fallait « moderniser » mais on prétendait dans le même temps revenir à des usages de la chrétienté primitive. Déjà Pie XII avait montré du doigt le danger de « l’archéologisme », cette tentation qui consiste à intégrer de force de prétendus « résultats scientifiques » dans la lex orandi, la loi de la prière. Les résultats scientifiques ont la propriété de vieillir en quelques générations. La dernière découverte du jour deviendra vingt ans plus tard une vieille baderne. On pensait pouvoir prouver de manière scientifique que l’église primitive avait célébré l’eucharistie sur des tables où le prêtre se tenait en face de l’assemblée et pouvait ainsi la regarder. Les enquêtes exhaustives du fameux liturgiste de Ratisbonne Klaus Gamber -- Je vous recommande à ce propos les deux traductions françaises qui en ont été faites par les moines du Barroux. Les livres s‘intitulent Tournés vers le Seigneur et La réforme liturgique en question. Ces deux livres bénéficient d’une préface du cardinal Ratzinger. – Ces enquêtes ont prouvé que l’église était tournée vers l’Orient, vers le soleil qui se lève et priait ainsi, le Christ ressuscité. Ce qui a été célébré comme scientifique peut donc être soupçonné de délit idéologique depuis les travaux de Gamber.
Même chose pour la communion dans la main, symbole d’une conquête du chrétien devenu « majeur ». Certes, aux premiers siècles, la communion était reçue dans la main mais les signes de respect qui l’accompagnaient allaient au-delà de la réception à genoux en vigueur plus tard. On retirait ses chaussures, on posait un linge sur les mains pour qu’elles ne viennent pas en contact avec le corps du Christ. La discipline de la confession était dure. Les pécheurs se trouvaient parfois exclus des sacrements pendant plusieurs années. Un protestant me raconta que dans sa jeunesse le curé refusait le dîner aux gens qui se trouvaient en querelle avec les voisins. Ici continuait à vivre en fait quelque chose des usages du christianisme des premiers siècles. Les archéologues en matière de liturgie faisaient malgré tout soigneusement le tri entre ce qui était digne de la modernité et ce qui ne l’était pas. Les usages de la chrétienté primitive ne les intéressaient que s’ils pouvaient justifier la désacralisation et la banalisation. C’est la scolastique du moyen âge qui était particulièrement visée. La doctrine scolastique des sacrements fut méprisée comme obsolète. Quand on pouvait l’utiliser pour démolir l’ancienne messe, on n’hésitait pas à la sortir et à la ressortir à tout bout de champ. Les prières de l’offertoire constituent le plus beau joyau de l’ancien rituel. Dans le souci de gommer le caractère sacrificiel de la messe, ces prières, qui représentent autant de liens très forts avec la liturgie byzantine devaient disparaître. Avec son exactitude philosophico-juridique, la scolastique obsolète était tout juste bonne à justifier que les prières de l’offertoire anticipaient de manière inadaptée ce qui allait se passer lors de la consécration. On les remplaça par une prière de table juive du moyen âge qui soulignait le caractère de repas de la messe et ne mentionnait quasiment plus le sacrifice. Même l’argument œcuménique venait à la rescousse quand il s’agissait de désacraliser la messe. Survivance de l’unité d’avant la réforme, les catholiques et les protestants avaient le même lectionnaire. On le sacrifia d’un coup pour introduire les nouveaux péricopes nettoyés de tout élément menaçant. Si on les examine à l’aune de l’esprit qui a guidé tout le développement liturgique au cours de l’histoire, aucun des éléments nouveaux du nouveau missel dont le fondement tient bon à  l’examen.
La réforme de la messe a produit des fruits catastrophiques
La réforme de la messe a fait naître chez les catholiques une attitude profondément antireligieuse. Le culte chrétien n’est plus désormais un don de la grâce qui doit être accepté à genoux mais une marchandise qui est vérifiée avec méfiance avant d’être assez fréquemment repoussée. Il fallait que le mystère de la messe hermétiquement protégé jusqu’ici s’ouvre au tohu-bohu des opinions. Ce qui était honoré auparavant comme apparition surnaturelle est considéré désormais comme quelque chose de construit, d’arrangé. Et ce que l’on a arrangé, on peut également le réarranger d’une nouvelle manière. On a affaire à un jeu sans fin. Cependant il est rare que plus on pomponne et arrange la messe, plus le cœur peut vibrer et brûler pour elle.
Aujourd’hui on parle de la messe dans les conseils paroissiaux et chez ceux qui y assistent un peu à la manière des habitués du théâtre national qui parlent de la nouvelle mise en scène de Tchékhov, vous savez celle qui est à moitié ratée. Il y a dans les petits ghettos catholiques une manie de parler liturgie comme on parle boulot. Il est devenu impensable dans l’atmosphère de la nouvelle messe d’imaginer cette prière tirée de la liturgie orthodoxe mais qui correspond complètement à l’esprit de la vieille liturgie latine : « nous t’invoquons, te prions, te supplions de nous rendre dignes de recevoir les célestes et redoutables Mystères de cette table sacrée et spirituelle, avec une conscience pure, pour la rémission de nos péchés et le pardon de nos transgressions, pour la communion du Saint Esprit et l’héritage du Royaume des cieux, comme gage de confiance en toi, et non pour notre jugement et notre condamnation ». Redoutable  -- une commission liturgique interdirait un tel mot de nos jours. On ne souhaite pas être agréable au rédempteur en se tenant la tête inclinée mais on préfère l’attendre allongé dans un fauteuil. Si Dieu s’est fait homme alors il pourrait suivre un cours de langue pour se faire comprendre des hommes. Il faut avoir vu comment un chrétien « réformé» qui par hasard se retrouve dans l’un des rares endroits où l’on célèbre l’ancienne messe, présente les mains lors de la communion pour exiger que la communion lui soit administré dans la main et non sur la langue. Il fait usage de son bon droit et guette le moment où l’on osera repousser cette prétention. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits ».
Je sais que l’on ne peut pas faire reculer la roue de l’histoire. Construire est plus difficile que détruire. Mais je crois que si ici ou là l’ancienne messe est tolérée, célébrée, elle peut représenter un correctif à cette situation.

[A propos du livre de Martin Mosebach]
Mêlant récits autobiographiques, explications spirituelles et fictions descriptives, un grand romancier allemand dit de manière très originale ce qu’il pense de l’état de la liturgie catholique. Cet ouvrage a connu un immense retentissement outre-Rhin du fait de la célébrité de ce romancier dont l’oeuvre est volontairement non engagée. C’est ainsi qu’il a surpris nombre de ses lecteurs et critiques en proclamant d’un même élan sa foi catholique et son admiration pour la liturgie tridentine. C’est son ami Robert Spaemann, un proche de Benoît XVI, qui a rédigé la préface. En matière de liturgie, les préoccupations de ces deux hommes recoupent celles du pape et constituent le terreau allemand de la « réforme de la réforme ». La critique de l’après-Concile et de sa messe déborde en effet de plus en plus largement les cercles traditionnels. La faillite pastorale aidant, ces sujets sont désormais ouvertement débattus et c’est ainsi que Martin Mosebach a été invité en septembre 2004 au fameux Katholikentag, la grande kermesse annuelle du catholicisme allemand.
Traduction de Francis Olivier et Stéphen de Petiville
Né en 1951 à Francfort, Martin Mosebach a écrit des romans, des récits, des poèmes, des articles sur l’art et la littérature, des scénarios de films ainsi que des livrets d’opéra. Auteur de best-seller, de nombreux prix ont consacré son œuvre littéraire.
"A propos de la messe, je voudrais vous recommander également un ouvrage que j’ai découvert presque par hasard et qui m’a enthousiasmé : La Liturgie et son ennemie, de Martin Mosebach. […] Lisez ce livre et faites le lire, vous en tirerez de grands fruits pour votre âme."
Abbé Grégoire Célier, France Livres, septembre 2005
 
"« Je pénètre dans l’église pour voir Dieu, et j’en sors dans la peau d’un critique de théâtre. » Cette impression de Martin  Mosebach, l’un des romanciers allemands contemporains les plus reconnus, nous sommes hélas trop nombreux à l’avoir vécue. Dans un livre très talentueux, Mosebach va plus loin et s’exprime de manière fermement critique et concrète sur la liturgie moderne, en défendant avec passion et raison le vieux rite latin."
Falk van Gaver, La Nef n°163
 
"Il faut souhaiter qu’il ne passe pas inaperçu. Son auteur, très connu en Allemagne où il a été souvent primé, y développe une série de réflexions sur la décomposition liturgique, franches, souvent acérées, discutables parfois — l’auteur ne prétend pas faire de théologie mais seulement donner son témoignage d’écrivain éveillé tardivement à la foi, exprimant ce qu’il ressent —, mais avec une liberté de parole et une originalité qui le situent d’emblée hors catégories établies. Le livre bénéficie en outre d’une préface d’un ami personnel de Benoît XVI, le philosophe Robert Spaemann, dans laquelle ce dernier ne mâche pas non plus ses mots pour mettre en cause la fonctionnarisation d’un clergé engourdi dans « l’informe », l’inertie de la vacuité."
Catholica, été 2005
 
Voici un ouvrage que tout catholique qui s’intéresse quelque peu à la liturgie doit avoir lu. Il est facile d’accès et au fil des chapitres, son titre « La liturgie et son ennemie. L’hérésie de l’informe » devient très clair.
Una Voce, juillet-août 2005
 
"Mais j’ai reçu depuis un autre livre que je n’ai pu lâcher : La Liturgie et son ennemie sous titre : L’hérésie de l’informe (Hora Decima). Son auteur, un romancier allemand, Martin Mosebach défend et illustre ce qu’on pourrait appeler un point de vue traditionaliste sur la liturgie qui éveille en moi de réels sentiments de connivence. Je trouve cela intelligent, redoutable souvent par l’acuité de l’observation, l’incontestable savoir vraiment intégré, et aussi une sensibilité liturgique imparable. […] Ayant terminé le « Mosebach », je demeure sous le charme d’un tel plaidoyer pour l’ancienne liturgie. Jamais un texte ne m’avait autant touché au point de me convaincre, ou presque. Du moins en suis-je sorti persuadé qu’il y avait une vérité incontestable de ce côté là, que l’on ferait bien de prendre en considération, plutôt que de la moquer ou de la refouler avec mépris. Si je me fie à mes propres souvenirs, il me semble que je n’ai jamais contesté les principes d’une réforme liturgique – ceux définis dans la constitution conciliaire – mais que j’ai quand même accusé le coup en observant ici ou là la brusque déperdition de sens, de beauté, de patrimoine dans les messes où j’assistais. Fort heureusement, il me semble que les choses ont changé et que l’on considère autrement – sous l’effet de diverses influences – la célébration de l’eucharistie et des offices. Je n’ai jamais bien compris la résistance absolue des tenants de l’ancienne messe, car si j’admettais certains arguments je concevais moins le refus pur et simple de la liturgie post-conciliaire. Je crois comprendre un peu mieux avec Martin Mosebach, mais il a pour lui de pouvoir mettre en tension « la tradition » avec ce qu’il y a d’effrayant dans la tabula rasa et une mentalité « éclairée », d’autant plus prétentieuse qu’elle est persuadée d’éradiquer l’obscurantisme."
Journal de Gérard Leclerc, juin 2005

28 novembre 2005

[Abbé Marc Guelfucci - Le Forum Catholique] "Lettre aux traditionalistes perplexes"

SOURCE - Abbé Marc Guelfucci - Le Forum Catholique - 28 novembre 2005

Depuis l’élection de Benoît XVI, le monde traditionaliste est en émoi. Il est porté par un certain espoir. Les positions fermes du nouveau souverain pontife, ses écrits sur la messe tridentine ne peuvent en effet laisser indifférent. L’optimisme béat finit-il par s’insinuer dans le cœur des catholiques traditionalistes fatigués d’attendre ?
Des prêtres s’inquiètent de ce sourd enthousiasme et s’empressent de prévenir les âmes de ne pas baisser la garde. Ils appellent les fidèles à se méfier plus que jamais : Vatican II n’est pas condamné mais loué, la nouvelle messe est toujours présente avec ou sans ses abus.

Au sein de communautés traditionnelles Ecclesia Dei, les critiques publiques ont été réduites. Une prudente réserve a été choisie pour obtenir la bienveillance des évêques et si possible des concessions pastorales.
Parmi eux, certains ont accepté la concélébration en assumant les risques de contacts paroissiaux plus osés avec leurs confrères dans le sacerdoce. Ils militent pour le plus large retour possible à la liturgie traditionnelle, et souhaitent obtenir des paroisses qui donneront nous seulement la messe tridentine mais son catéchisme. Cette association aux diocèses comporte certes le risque d’une relativisation des pratiques modernes voisines plus ou moins fortes, et de rester en silence devant des initiatives oecuménistes marquées qui n’encouragent pas à embrasser la foi catholique.
D’ailleurs, l’autorité diocésaine va préférer confier la célébration à un prêtre diocésain qui aura appris la messe tridentine. Le problème est en effet plus profond que celui de la liturgie, c’est toute une spiritualité. Le retour de l’habit religieux, la ferveur eucharistique, la pratique de la confession, ne se font pas uniformément. De nombreux îlots progressistes hostiles aux directives romaines sont encore bien vivants. Des équipes pastorales bien installées veulent garder la main mise sur les « célébrations ». Le dialogue inter religieux écarte le prosélytisme et l’appel à la conversion à l’Eglise catholique.
A l’occasion de la messe du 27 novembre 2005 en l'église Sainte-Marie des Fontenelles de Nanterre, un prêtre, probablement pas en clergyman, a bien dit les choses « C'est rétrograde au possible et ce n'est pas une affaire religieuse mais plutôt une manière de concevoir la société ».
Restera donc la difficulté de la demande des familles d’une vie de foi avec la célébration de tous les sacrements selon la forme traditionnelle, et le problème du choix des livres de catéchisme. « … si cela devait aboutir à une scission de l'Eglise, nous ne poursuivrions pas l'expérience » précise le Père Yvon Aybram, vicaire épiscopal de Nanterre.

Pour ces raisons de fond, d’esprit liturgique et d’enseignement chrétien, au sein des communautés traditionnelles Ecclesia Dei, plus nombreux sont ceux qui ne souhaitent vraiment pas « concélébrer ». Ils sont plus insistants. Ils souhaitent bien sûr des paroisses mais avec un espace de liberté plus affirmé pour la liturgie traditionnelle et une vie paroissiale plus autonome. Ils considèrent que, si proche du but, il ne faudrait pas négliger une si bonne influence pour l’Eglise. Cette fermeté permettrait de continuer à remettre en cause la faiblesse de la nouvelle liturgie et des catéchismes diocésains progressistes quelque peu éloignés des derniers catéchismes romains ... Le Pape Benoît XVI semble représenter d’ailleurs un ferme appui.
Cette dernière position n’est pas si éloignée de celle de la Fraternité Saint Pie X. C’est peut-être même cette dernière qui la tient avec le plus de force et le plus de clarté. Son côté franc-tireur depuis des années a maintenu une constante pression traditionnelle. En ouvrant des centres de messe en présumant audacieusement que l’autorisation diocésaine aurait été accordée avant la crise progressiste, la Fraternité Saint Pie X a posé la question traditionnelle avec vigueur. Les communautés Ecclesia Dei, et les initiatives comme celle de Nanterre n’auraient pas pu naître sans cette résistance commencée dans les années 70 et 80. Cette Fraternité conserve donc la volonté d’une reconnaissance encore moins discrète et plus officielle. Elle craint même un nouvel indult plus large mais toujours limité, proche du ghetto pour nostalgiques.

Voilà … voilà donc le paysage actuel de la Tradition.

L’avenir est entre les mains de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de sa sainte Mère … et de ses serviteurs, instruments, plus ou moins puissants, plus ou moins dociles : Benoît XVI, les cardinaux de la Curie, les évêques, les prêtres sans oublier la pression des baptisés …

Mais concrètement, comment envisager cet avenir ?
Une seule réponse : d’abord la paix entre traditionalistes.


Vous me direz :
- « Mais cela fait des années qu’elle ne vient pas. C’est une utopie libérale ! Le combat est dure et il faut rester ferme sans compromis. La Fraternité Saint Pierre elle-même va avoir des élections qui vont probablement aboutir à une scission entre signataires plus ou moins bi ritualistes et non signataires ».
- « C’est bien jolie mais si Benoît XVI fait un geste pour la liturgie traditionnelle, cela va provoquer des repositionnements et des remous. La paix ne sera donc pas pour tout de suite ».

Je vous répondrais : la paix quand même et surtout.
Car si Benoît XVI fait un geste, il faudra l’accueillir dans un désir d’union, et non pas avec la volonté de garder ses troupes et ses quêtes.

Pas d’insulte : libéral, traître … Ces signataires, même si l’on ne suit pas leur choix, restent des traditionalistes attaqués violemment par les progressistes. S’il doit y avoir une séparation, qu’elle se fasse dans la simplicité et sans insulte.
La Tradition se meurt non pas de ses branches mais de ses mépris internes.

Contre le traditionnellement correct, j’ai le bonheur de me réjouir profondément de la réussite de Paix liturgique 92. Même si ce n’est pas une paroisse totalement « tradi », c’est une joie.

Et pourquoi cette démangeaison d’écrire cela ?
1) Parce que même si cela va paraître niais et déjà vu, un jeune prêtre peut profiter d’un forum pour le confier. Cela peut aider certains fidèles.
2) Parce que j’ai été expulsé de la Fraternité Saint Pie X dans une atmosphère de haine : « Obéissance, ou vagus et vagabond, ou rallié ».

Pour la petite histoire, des prêtres de la Fraternité Saint Pie X au franc parler assez connu, se sont retrouvés expulsés. Cela alors même que leurs positions doctrinales sont clairement critiques des nouveautés qui ont vidé les églises et les séminaires.
Le jeune prêtre qui a malencontreusement trop défendu ses confrères et qui a fait partie de ces expulsions, en a été particulièrement douché. Cela lui a permis de méditer sur la charité des prêtres entre eux, sur les exigences de la raison d’état …

Mais donc la vraie question que ce jeune prêtre traditionaliste se pose et qu’il vous soumet sous sa seule responsabilité est …
Etant donné les espoirs actuels, une certaine paix entre traditionalistes est-elle possible ?


Cette paix est-elle possible ou doivent-ils encore se considérer les uns les autres comme des hérétiques à éviter, des traîtres mutuels avec refus de célébrer la messe tridentine chez les uns et chez les autres ? Fraternité Saint Pie X officielle, ses rejetés, Fraternité Saint Pierre, signataires ou non pour la concélébration, Institut du Christ Roi, Barroux, Riaumont, Fontgonbault, …

Est-ce la question d’un naïf, d’un jeune qui ne connaît pas la dureté du monde des adultes, de la vie ecclésiastique, de la complexité de la politique … Peut-être …

Mais voici ma réponse : ce sera la réponse à cette autre question :
Pour quelles raisons, dans la Tradition de l’Eglise, une personne est-elle excommuniée « vitandus » : à éviter ?
Pour schisme ou hérésie formelle : volontaire, réaffirmée, sans regret.
Or tel n’est pas le cas.
Donc la paix.
Entre traditionalistes au moins et même, bien sûr, vis-à-vis de nombreux autres prêtres diocésains, nous n’avons pas le droit de nous comporter avec la méfiance propre au danger de perdre son âme. C’est délirant.

Voici pourquoi :

I. L’origine d’une querelle : le danger pour la foi.

Connaissez-vous l’origine d’un froid entre chrétiens ? Pourquoi des chrétiens ne prient-ils plus ensemble ? Quelle est l’origine d’une excommunication, d’une condamnation ?

Le but du Pape, des évêques, des prêtres, des religieux et religieuses, des chrétiens et chrétiennes, c’est la gloire de Dieu et le salut des âmes.
Le problème sera de connaître le plus exactement possible les moyens de salut.
Dieu les a révélés aux hommes par la bouche de saintes personnes, de prophètes, et en créant un corps sacerdotal chargé de faire connaître ses paroles exactes. Il a fondé la Synagogue puis l’Eglise catholique.
Mais la contestation de la mission des prêtres, d’Aaron dans le désert du Sinaï à Benoît XVI, et la mise en cause de l’interprétation des enseignements oraux et écrits sont fréquentes. Ce sont les hérésies, du grec « choix ». Les hérétiques retiennent ce qu’ils veulent de l’intégrité des vérités révélées qui mènent avec sûreté au salut.
Le Bon Pasteur éloigne alors les hérétiques des brebis, il éloigne le mauvais esprit et la confusion. C’est l’excommunication, le rejet de la société chrétienne du pécheur qui s’obstine à troubler la communauté. L’Eglise catholique a toujours usé de ce pouvoir avec sagesse et prudence pour ne pas éteindre la mèche qui fume encore. Toutefois, qui aime bien, châtie bien, même si cela entraîne des tentions et des peines.
De1907 à 2005, tel un serpent de mer, l’hérésie a bien sûr continué à saper les fondements de la foi. Saint Pie X va devoir condamner le subjectivisme, la religion personnelle ressentie du modernisme, rencontre de la liberté de pensée protestante et des droits absolus de l’homme. Les hommes contemporains, sorte de demi-dieux autonomes, se vexent que la vérité vienne de l’extérieur, qu’ils aient un « maître d’école », en fait un Père plus intelligent qu’eux.

Mais ces combats sont usants. Ils sont à l’image d’une querelle de famille car les hérétiques étaient initialement des enfants de l’Eglise. La querelle a commencé, la réconciliation n’a pu se faire, et il a fallu chasser des fils de la maison pour sauvegarder le reste de la famille, le bien commun, le dépôt révélé, les connaissances qui peuvent sauver.
Or, il y une profonde aspiration chrétienne à la paix, à la concorde, à la charité. Lorsque ce désir oublie les dures réalités du péché et des dangers pour l’ensemble du troupeau, la paix se fera pour ne pas blesser tel ou tel en mettant en danger le bien commun. C’est « l’irénisme », la paix à tout prix. Au concile Vatican II, le pape Jean XXIII va publiquement souhaiter que l’Eglise soit moins sévère et recoure moins souvent aux condamnations. Mais cet optimisme s’est avéré désarmant face à des ennemis de l’Eglise qui n’avaient jamais été aussi puissants, aidé par l’attrait d’un monde à la liberté absolue.

La triste méfiance devait être écartée pour mieux s’ouvrir. Toutes les religions ont du bon, se dit-il alors. Mais ce « bon » (comme l’existence d’un seul dieu) est noyé dans un tout. Les fausses religions sont des tous organisés foncièrement mauvais qui écartent de la Révélation du Christ, et donc du salut. L’homme est bon et il trouve la vérité par ses recherches consciencieuses, se dit-il encore, alors qu’il est blessé par un désordre intellectuel et moral qui n’est soigné que par la grâce du Christ. Le collège épiscopal est bon et démocratique, dit-on aussi, alors que l’inspiration du Saint Esprit est promise à Pierre qui confirme ses frères.
La liturgie devait être plus participative, plus vivante, moins mystérieuse, dit-on aussi. Le protestantisme refuse le Sacrifice de la Messe qui rend présent et diffuse réellement les grâces de l’unique Sacrifice sanglant. Il refuse la présence réelle du Christ, la grâce appliquée aux âmes, qui inonde les âmes et les justifie.
Alors, « pour faire la paix », il est imposé un nouveau rite qui va s’éloigner profondément de la perfection atteinte par la messe tridentine. Au nom de la compréhension, du retrait de répétition, la notion de sacrifice va être très atténuée. Les marques d’adoration sont fortement limitées, le prêtre se retrouve à parler à voix haute dans ce qui peut malheureusement ressembler à un simple récit, un moment de mémoire et de partage de la charité du Christ même dans l’édition typique latine bien célébrée .... Toutefois, l’intention de l’Eglise d’offrir le Sacrifice, de renouveler les paroles puissantes du Christ qui opèrent la transsubstantiation, la double consécration, est présente. La Messe est valide. Mais en lui-même, le nouvel Ordo constitue un tel recul qu’il ne pouvait pas laisser indifférents les catholiques attachés à l’expression profonde des mystères sacramentels.
De plus, la pratique fut particulièrement abusive. Autel nécessairement retourné, prêtre parlant beaucoup trop aux hommes, communion debout, donnée par tout le monde et reçue dans la main, tabernacle écarté, chants et musiques pauvres, liturgie inventée, sermons soixante-huitards … Ces abus n’ont fait qu’accentuer les reculs d’un nouvel Ordo même « bien célébré ».

De nombreux catholiques agressés par les tentations du monde, par la « liberté » morale et par des loisirs supérieurs au devoir dominical auraient certes déserté les églises. Mais se sont ajoutés des chrétiens qui n’ont plus retrouvé l’adoration et le respect. Combien de millions ? Combien de vocations aussi car les jeunes ne sont pas aussi légers que l’on croit. Il faut de la profondeur et de la beauté.

D’où la réaction des traditionalistes : abbés Coache, Serralda, Mgr Ducaud-Bourget et tant d’autres de l’Association Noël Pinault du Père André …, de nombreux laïques. Et surtout un évêque, Mgr Lefebvre, qui, au concile Vatican II, avait fait partie de l’opposition épiscopale aux progressistes … Pour aller vite, cet évêque va créer en 1970 un séminaire en Suisse à Ecône, un institut clérical pour accueillir les prêtres formés : la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, approuvée par le diocèse. Il demande au pape Paul VI de faire l’expérience de la Tradition, réclame la liberté de la messe tridentine et met en cause les textes pastoraux du Concile sur la liberté religieuse, l’œcuménisme et la collégialité.
En 1976, il est interdit à Mgr Lefebvre d’ordonner ses diacres. Il passe outre au nom du salut des âmes, du bien commun de l’Eglise. La situation en France est assez grave : la liturgie tourne à la pure création … Mais cette désobéissance est jugée un grave danger pour le bien commun de l’Eglise : il est suspens a divinis : il ne peut donner les sacrements ni célébrer la Messe. La Fraternité est dissoute par l’évêque du lieu au lieu de Rome. Mgr Lefebvre conteste.

Donc, au nom du salut des âmes : début de séparation. Les prêtres traditionalistes ne parviennent que difficilement à accueillir pour célébrer une messe multiséculaire …
Des prêtres « conciliaires » interdisent aux fidèles d’assister à la messe célébrée par la Fraternité Saint Pie X. Les prêtres de la Fraternité Saint Pie X sont interdits de dire la messe tridentine dans les paroisses.
Et pourtant : où est le schisme, où est l’hérésie ?
Il y a eu là, et dès 1969, un manque de charité sacerdotale profond.

II. Une excommunication généralisée : le mépris mutuel jusqu’aux traditionalistes entre eux.

En 1976, peu quitte Mgr Lefebvre . Il est suivi par ses amis et ses prêtres. La peine ecclésiastique de Paul VI n’effraie pas beaucoup. Il est vrai qu’en France, la liturgie, le catéchisme et les sermons atteignent un degré d’invention jamais égalé.

Les discussions reprennent avec Jean-Paul II et le Cardinal Ratzinger au début des années quatre-vingt… Mais la cérémonie d’Assises de 1986 jette un froid.
Mgr Lefebvre n’a pas confiance : comment ses sujets vont-ils être ordonnés ? Un accord est adopté mais il revient dessus le lendemain : il n’a pas confiance. Le 30 juin 1988, il sacre quatre évêques sans mission apostolique, mais pour donner les ordinations. Il est excommunié par Jean-Paul II, acte sévère et rare. Canoniquement, seuls Mgr Lefebvre et les évêques sacrés sont seuls excommuniés. Les prêtres ordonnés par eux sont suspens a divinis (ils ne devraient pas célébrer les sacrements). Les prêtres comme les fidèles ne doivent pas avoir d’intention schismatique.
Mgr Lefebvre conteste cette décision d’autant qu’avant les sacres chinois des années cinquante, un sacre sans mandat pontifical était puni de la seule suspens a divinis.

Des prêtres vont quitter alors Mgr Lefebvre pour créer la Fraternité Saint Pierre dans le cadre de la Commission Pontificale Ecclesia Dei chargée d’accueillir les membres de l’Eglise attachés au rite tridentin.
Dès cette date, c’est l’insulte : « schismatiques » ou « ralliés aux progressistes ». Cela par rapport à la reconnaissance canonique pour célébrer la messe et les ministères accordés au compte goutte par les évêques …

Au nom du salut des âmes en danger,
- des prêtres « conciliaires » et des prêtres « Ecclesia Dei » :
interdisent aux fidèles d’assister à la messe célébrée par la Fraternité Saint Pie X
- Les prêtres de la Fraternité Saint Pie X sont interdits de dire la messe tridentine dans les paroisses, et même dans les communautés Ecclesia Dei.

Au nom du salut des âmes en danger,
- certains prêtres de la Fraternité Saint Pie X interdisent aux fidèles d’assister même à la messe de prêtres « Ecclésia Dei » : danger de relativisation des réformes liturgiques et des enseignements contestés de Vatican II.
- La Fraternité Saint Pie X
interdit les prêtres « Ecclesia dei » de célébrer la messe tridentine dans ses prieurés.

Toutefois, les prêtres les plus spirituels, individuellement, accueillent les prêtres de chaque « camp ». Les prêtres « conciliaires » les plus spirituels accueillent les prêtres traditionnels. Ces gestes sont scrutés par les fidèles : tel curé, tel évêque est accueillant.

Pourtant, une excommunication lancée contre un prêtre de la Fraternité Saint Pie X en Asie sera annulée par Rome.
Pourtant, le cardinal Médina répondra par écrit que l’on peut assister à une messe célébrée par la Fraternité Saint Pie X.
De toute façon , comme le dit le Cardinal Hoyos en novembre 2005 à TV canal 5 : « Nous ne sommes pas face à une hérésie. On ne peut pas dire en termes corrects, exacts, précis qu’il y ait un schisme. Il y a, dans le fait de consacrer des évêques sans le mandat pontifical, une attitude schismatique. Ils sont à l’intérieur de l’Eglise ».
Mais reste encore cette distinction bien complexe et bien vague de la pleine communion : « Il y a seulement ce fait qu’il manque une pleine, une plus parfaite – comme cela a été dit durant la rencontre avec Mgr Fellay – une plus pleine communion, parce la communion existe."

Mais où est concrètement le schisme, où est l’hérésie ?
Il a eu surenchère mutuelle. La Fraternité Saint Pie X n’aurait pas dû répondre à l’insulte de « schismatique » par celle de rallié. Notre Seigneur a plutôt dit : « Si j’ai bien parlé, pourquoi me frappe-tu ? ».
Certes les insultes sont blessantes, mais je, petit jeune prêtre qui donne son avis, je pense que ce fut tomber dans le piège. De victime, la Fraternité Saint Pie X est devenue agresseur. Et ce manque de charité généralisé contre elle et par elle nous a mis dans cet étrange état de dureté et d’intransigeance dont beaucoup de fidèles et de prêtres aimeraient sortir.

Pourquoi ces considérations et cette naïveté ? Parce que je subis cette dureté alors que je suis un prêtre traditionaliste, que je n’accepte pas le silence sur les causes liturgiques et doctrinales qui ont vidé des églises et des séminaires, parce que l’insulte de rallié est lancé alors même que ce serait l’insulte de prêtre illicite, vagabond et vagus qui serait mise en réserve si je n’avais pas sollicité un celebret de Rome.

III. Rompre le cercle vicieux : réconciliation par le courage contre le traditionnellement correct.

Ces interdits au moins entre traditionalistes relèvent de l’excommunication « vitandus » : ne plus avoir de communication avec un individu dangereux.
Or, les reproches mutuels n’atteignent pas un danger réel de perdre la foi catholique : c’est faux.
Par exemple, il est triste que l’initiative de Paix liturgique 92 soit critiquée par une partie des traditionalistes alors que c’est objectivement une conquête traditionnelle, tout bien considéré, même avec ses limites.

Heureusement les fidèles bravent très souvent ces interdits et vont aux messes tridentines qu’ils peuvent trouver.

Que nos fidèles montrent l’exemple de la charité : forcer les autorités de chaque « camps » à une certaine paix en refusant leur raidissement mutuel.

Les critiques doctrinales (que nous n’abandonnerons pas) ne doivent pas nous empêcher de nous reconnaître catholiques. Revenons à un esprit plus pastoral, voir plus théologique : nous n’avons pas le pouvoir de nous excommunier.

Voilà, voilà, c’est bien parce que je n’appartiens pas à tel ou tel camp que j’ai pu écrire tout cela. J’en profite encore un peu sur ce forum avant d’être rappelé à l’ordre par mes anciens vers le traditionnellement correct et ses impératifs politiques …

Udp.

Ce texte est purement personnel et sans doute trop sincère pour être sans pseudo. Mais justement, il a sa place dans ce forum de discussion si cher à cette possibilité d’être sincère.

20 novembre 2005

[Aletheia n°83] L’“ insolence ” de l’abbé Pierre - L’abbé Pierre instrumentalisé

Yves Chiron - Aletheia n°83 - 20 novembre 2005
L’“ insolence ” de l’abbé Pierre
Le dernier livre de l’abbé Pierre, en librairie le 27 octobre dernier[1], a déchaîné, avant même sa parution, une nouvelle campagne médiatique marquée du signe de la “ christianophobie ”, pour reprendre l’expression de Michel De Jaeghere.
Pour ce livre, l’abbé Pierre revendique le droit à l’ “ insolence ”[2]. Une insolence qui lui fait mêler aveux intimes et “ semences d’interrogation ” sur plusieurs points de la doctrine catholique.
L’insolence est aussi celle d’un prêtre qui, pour admirables qu’aient été certains de ses engagements et son œuvre en faveur des plus démunis, semble se servir de cette notoriété pour répandre des idées toutes personnelles en matière doctrinale : “ de la part des évêques comme de la part du Saint-Siège je n’ai jamais trouvé de contradiction ” fanfaronne-t-il[3].
On laissera de côté les confidences intimes sur le “ désir sexuel ” : “il m’est arrivé d’y céder de manière passagère. Mais je n’ai jamais eu de liaison régulière car je n’ai pas laissé le désir sexuel prendre racine. Cela m’aurait conduit à vivre une relation durable avec une femme, ce qui était contraire à mon choix de vie” (page 26). Comme l’a dit Mgr Simon, archevêque de Clermont : “ Depuis l’épisode évangélique dit ”de la femme adultère”, nous sommes, et heureusement pour nous, délivrés d’avoir à jeter la première pierre. ” L’aveu n’aurait pas dû sortir du confessionnal et de la direction spirituelle.
On passera aussi sur des spéculations plus qu’hasardeuses : “ Je ne serais pas étonné qu’au cours de son pontificat Benoît XVI prenne deux mesures jugées libérales : permettre aux divorcés remariés de communier, et ordonner prêtre des ”anciens”, des hommes mariés qui ont déjà élevé leurs enfants… ” (p. 35).
En revanche, on peut bien interpeller l’abbé Pierre, et Frédéric Lenoir qui a recueilli et mis en forme ses propos, le poussant, reconnaît-il, “ dans ses retranchements ” :
• l’abbé Pierre se déclare favorable à la reconnaissance légale (et religieuse ?) des “ couples homosexuels ”, préférant cependant le mot “ alliance ” à celui de mariage (p. 38) ;
• il milite pour l’ordination sacerdotale des femmes ; estimant, avec un bel aplomb, que Jean-Paul II et le cardinal Ratzinger “ n’ont jamais avancé un seul argument théologique décisif qui démontre que l’accès des femmes au sacerdoce serait contraire à la foi ” (p. 42).
L’abbé Pierre, et son interlocuteur Frédéric Lenoir, ne se souviennent-ils pas de la Lettre apostolique Sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes, signée par Jean-Paul II le 22 mai 1994 ? Ce rappel doctrinal était d’autant plus important qu’il comportait, au jugement de beaucoup de théologiens, une note d’infaillibilité, le pape affirmant : “ afin qu’il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l’Eglise, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22, 32), que l’Eglise n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Eglise. ” ;
• dans une veine qui se rattache aux plus mauvais romans ésotérico-religieux à la mode (Da Vinci Code), l’abbé Pierre répond à la question : “ Jésus avait-il une relation charnelle avec Marie-Madeleine ? ”. Il y répond, cette fois encore, avec le mélange de candeur et de suffisance qui marque nombre des pages de son livre : “ je ne vois aucun argument théologique majeur qui interdirait à Jésus, le Verbe incarné, de connaître une expérience sexuelle ” (p. 51) ;
• deux pages plus loin, reprenant les arguments du P. Cerbelaud (sans le citer), il s’inquiète de “ l’accumulation récente des dogmes concernant Marie ” (p. 53). Il se refuse “ à croire tel quel au péché originel ” et repousse les deux derniers dogmes mariaux proclamés par l’Eglise : l’Immaculée Conception (1854) et l’Assomption (1950).
Plus largement, l’abbé Pierre se refuse à rendre un culte à la Vierge Marie : “ je ne peux concevoir qu’on lui voue un véritable culte, lequel finit chez certains par prendre plus de place que l’adoration envers le Créateur ” (p. 55) ;
• plus loin encore, il dénie tout “ caractère historique ” aux premiers chapitres de la Genèse et n’y voit qu’un “ récit mythique ” (p. 67) ;
• sur l’Eucharistie, il dit vouloir tenir “ une voie médiane ” en refusant tout à la fois la doctrine de la transsubstantiation et la réduction de l’Eucharistie à un symbole (p. 76) ;
• autre affirmation péremptoire : “ rien ne permet d’affirmer que l’enfer existe, ou bien, ce qui revient au même, qu’il y ait un seul damné dedans ” (p. 95). C’est un article du Credo que l’abbé Pierre récuse.
• enfin, dernière opinion toute personnelle de l’abbé Pierre : “ Pour un chrétien, il y a donc nécessairement deux Révélations. Une Révélation visible, explicite, celle de la Bible et de Jésus-Christ ” et une “ révélation invisible – celle de l’Esprit Saint ? – [qui] a inspiré les autres religions et le cœur des hommes sans religion ” (p. 98-99). On en arrive, ici, à la vulgarisation la plus simplificatrice, et plus qu’erronée, d’une certaine théologie des religions qui s’est développée ces dernières années.

L’abbé Pierre instrumentalisé
D.I.C.I., le bulletin d’informations de la FSSPX, souvent bien informé, affirme dans son numéro du 12 novembre que “ face aux déclarations contraires à la foi catholique ” de l’abbé Pierre, “ l’épiscopat français n’a émis aucune protestation solennelle. […] Seul le supérieur du district de France de la Fraternité Saint-Pie X, l’abbé Régis de Cacqueray, a émis une protestation énergique sur le site officiel du district, La Porte Latine[4] ”.
Cette affirmation est fausse. Les réactions épiscopales n’ont pas tardé.
Le livre était disponible en librairie le 27 octobre. Le 1er novembre, interrogé sur la radio Europe 1, Mgr Lalanne, porte-parole de l’épiscopat a estimé : “ J’ai un peu peur qu’on l’ait instrumentalisé et qu’on se soit servi de lui pour faire avancer certaines thèses ”.
Le lendemain, 2 novembre, dans une tribune libre parue dans Le Monde, Mgr Simon, archevêque de Clermont, se disait scandalisé que l’abbé Pierre et son livre aient servi de “ caution à l’exhibitionnisme et au voyeurisme médiatiques ”. Et il dénonçait aussi l’alibi du débat : “ on habille ces révélations d’un prétendu débat autour de l’ordination d’hommes mariés ou de femmes. Mais, s’il s’agissait vraiment de ces débats, ils pouvaient être menés pour eux-mêmes. Et je n’aurais pas été scandalisé par le fait qu’un journaliste sollicite et utilise les idées bien connues de l’abbé Pierre sur ces points. Après tout, c’est de bonne guerre et l’on aurait pu, en effet, en discuter. Pour ma part je ne refuse pas d’en parler, mais sur le fond. Simplement, je croirais davantage à la bonne foi de ceux qui prétendent en débattre s’ils prenaient la peine de signaler un point de vue différent du leur. Je constate qu’il est impossible de faire entendre un avis divergent. Alors qu’on ne vienne pas me dire que les prétendues ”révélations” de l’abbé Pierre sont là pour faire avancer le dossier. ”
Deux jours plus tard, Mgr Ricard, archevêque de Bordeaux et président de la Conférence des évêques de France, intervenait solennellement. Le 4 novembre, en ouvrant l'Assemblée plénière de l'épiscopat qui se tenait à Lourdes, Mgr Ricard prononçait un éloquent plaidoyer en faveur du célibat sacerdotal : “ Une Eglise qui se sent appelée, comme chez nous en France, à devenir de plus en plus une Eglise de la première évangélisation, implique tout particulièrement cette forme de disponibilité et de consécration totale à la mission qui reproduit le mode d'existence du Christ lui-même pour l'annonce du règne de Dieu. Il est important de promouvoir et de défendre ce choix du célibat sacerdotal. ”
Ce choix – cet engagement – se heurte, a poursuivi Mgr Ricard, à “ un environnement qui lui est hostile, y compris dans certains secteurs de notre Eglise ”. Faisant référence au récent ouvrage de l’abbé Pierre et à son “ exploitation médiatique ”, Mgr Ricard a clairement dénoncé une manœuvre : “ Son propos est instrumentalisé pour alimenter le procès contre l'Eglise et en faire une arme de plus contre le célibat des prêtres. Tout est bon pour nourrir un tel combat, que ce soit un scandale, des cas de pédophilie, des prêtres qui ont des enfants ou qui se marient. ”
Le milieu culturel et médiatique dominant – héritier de mai 68 et de la “ libération sexuelle ” – ne supporte pas la consécration totale, y compris physique, à Dieu. Mgr Ricard relève justement que si le célibat ecclésiastique est tant brocardé et critiqué, c'est parce qu' “ il vient dire qu'il n'y a pas seulement l'usage du sexe dans la vie et que l'homme est appelé à savoir maîtriser ses propres pulsions. Or, il y a là une interpellation que notre société aujourd'hui a du mal à entendre et à accepter. ”
L’abbé Pierre est donc, finalement, victime de sa propre “ insolence ” revendiquée.

Diffusion

Ouvrages de Jean Madiran

  • La Trahison des commissaires, Consep, 2004, 65 pages, 10 euros.


  • Maurras toujours là, Consep, 2004, 104 pages, 15 euros.


  • La Laïcité dans l’Eglise, Consep, 2005, 153 pages, 18 euros.

Ouvrages d’Yves Chiron

  • Pie IX, pape moderne, Clovis, 1995, 524 pages, 18 euros.


  • Pie IX et la franc-maçonnerie, Editions BCM, 2000, 22 pages, 4 euros.


  • Saint Pie X, pape réformateur, Publications du Courrier de Rome, 1999, 365 pages, 18 euros.


  • Pie XI, Perrin, 2004, 416 pages, 22 euros.


  • Le Vatican et la question juive en 1941. Publication du rapport Bérard, Editions Nivoit, 2000, 25 pages, 5 euros.


  • Padre Pio le stigmatisé, Perrin, 2002 (3e édition augmentée et mise à jour), 346 pages, 19 euros.


  • Veilleur avant l’aube. Le Père Eugène de Villeurbanne, Clovis, 1997, 510 pages, 19 euros.


  • Enquête sur les miracles de Lourdes, Perrin, 2000, 215 pages, 17 euros.


  • La véritable histoire de sainte Rita, Perrin, 2003, 248 pages, 15 euros.


  • “ Diviniser l’humanité ”. Anthologie sur la communion fréquente, Préface du cardinal Medina Estevez, Editions de La Nef, 2005, 135 pages, 13 euros.

Commandes, franco de port, à adresser à :
ALETHEIA - 16, rue du Berry - F36250 NIHERNE
Paiement à l’ordre de l’ “ Association Nivoit ”
--------------------
NOTES
[1] Mon Dieu…pourquoi ?, ouvrage écrit en collaboration avec Frédéric Lenoir, Plon, 108 pages, 13 euros.
[2] Il a employé cette expression lors d’un entretien “ exclusif ” accordé à Marc-Olivier Fogiel dans l’émission de France 3 On ne peut pas plaire à tout le monde, le 30 octobre dernier.
[3] Idem.
[4] D.I.C.I., n° 124, 12 novembre 2005 (Etoile du Matin, 57230 Eguelshardt, 2 euros le numéro), p. 6.

[Abbé Guillaume de Tanoüarn] Il est trop facile de répéter que tout va mal.

SOURCE - Abbé Guillaume de Tanoüarn - 20 novembre 2005

Dimanche 20 novembre 2005
Palais de la Mutualité à Paris
de 14 heures à 19 heures 
Il est trop facile de répéter que tout va mal.
Nous autres catholiques de Tradition, nous tenons aujourd’hui une chance historique : notre pape Benoît XVI. Ce n’est pas de la papolâtrie de dire que ce pape est le meilleur que nous pouvions avoir, le plus proche des milieux de la Tradition catholique et le plus fin théologien. Par ailleurs, son habileté sur le terrain n’est plus à démontrer.

Au moment où il souhaite ouvrir des négociations avec la Tradition catholique, il nous a semblé nécessaire d’aller au-delà des petites phrases et de poser enfin au grand jour les enjeux doctrinaux et pratiques d’un tel événement. Le pape souhaite aller vite ? Nous pensons que la meilleure manière d’aller vite est de mettre clairement les vrais problèmes sur la table.

Dans le souvenir de Mgr Lefebvre, prélat romain s’il en fut, c’est ce que nous ferons, tous ensemble, au Palais de la Mutualité à Paris, le 20 novembre prochain.

Votre présence, ce jour-là, sera un acte d’amour de l’Eglise.

[Henri Védas - Le Salon Beige] Réunion de traditionalistes à la mutualité : derrière Benoît XVI

SOURCE - Henri Védas - Le Salon Beige - 20 novembre 2005

Le Centre Saint-Paul a organisé aujourd'hui à la Mutualité un rassemblement intitulé "Rome et la Tradition" : en présence des abbés de Tanoüarn, Laguérie, Héry et Aulagnier, qui ont tous été exclus, à des dates différentes, de la Fraternité Saint-Pie X; mais aussi d'une grande partie de l' "intelligentsia" laïque traditionaliste (Jean Madiran, Michel De Jaeghere, Olivier Pichon, Philippe Maxence...); et même de prêtres "Ecclesiae Dei" venus simplement s'informer (l'abbé Pozzetto, le Père de Blignières).

Le message de la journée, délivré devant environ 800 participants, était celui d'une allégeance sans ambiguïté au Pape Benoît XVI. Et d'une remise en perspective de "la Tradition" :

"Nous ne sommes pas la Tradition; nous sommes les disciples de la Tradition. Nous ne sommes pas l'Eglise; nous sommes les fils de l'Eglise." (Michel De Jaeghere, très applaudi.)

L'abbé de Tanoüarn a par ailleurs annoncé que le Saint-Siège avait explicitement levé les sanctions, réelles ou éventuelles (la nature des sanctions étant sujette à débat), qu'il avait encourues du fait de son apparenance à la Fraternité Saint-Pie X.

[Abbé de Tanoüarn] Supplique à Sa Sainteté Benoît XVI

SOURCE - Abbé de Tanoüarn - 20 novembre 2005

Très Saint Père,

Votre élection au Souverain Pontificat a suscité, dans le peuple de Dieu, une immense espérance. Nous nous adressons à vous comme à un père, que nous savons proche de ses enfants et attentif à leur bien spirituel. A votre propos, nous répétons avec le Seigneur : «si votre fils vous demande du pain, lui donnerez-vous une pierre ?».

Ce que nous vous demandons ? Que vous affirmiez, comme pape, ce que vous avez déjà écrit à maintes reprises, comme théologien : que le rite traditionnel de la messe latine peut être regardé comme légitime dans toute l’Eglise latine, y jouissant même d’une primauté d’honneur. N’est-ce pas vous qui écriviez, à ce propos, dans le Sel de la terre : « une communauté qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on présente comme inconvenant le regret que l’on en a, se met elle-même en question. Comment la croirait on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain, ce qu’elle prescrit aujourd’hui ? ».

Nous ne demandons aucun privilège, aucune loi particulière… c’est de justice qu’il s’agit, de cette justice qui fomente partout la paix. Vous avez vous-même souligné que ceux qui refusent aux fidèles, la possibilité de jouir paisiblement des trésors de culture que les siècles de tradition catholique nous ont légués, mettaient en danger la crédibilité de l’Eglise. C’est pourquoi notre confiance est grande en cette supplique.

Nous prions à toutes vos intentions dont nous savons qu’elles sont celles de l’Eglise épouse du Christ.

La Mutualité - Paris, 20 novembre 2005

19 novembre 2005

[Olivier Figueras - Présent] Le cardinal Medina répond à “Présent” - Pour une plus grande liberté de la forme ancienne du rite romain

Présent - Présent - Propos recueillis par Olivier Figueras - 19 novembre/22 novembre 2005

— Fin août, Mgr Fellay a été reçu par Benoît XVI ; le synode des évêques sur l’eucharistie vient de prendre fin, et l’on sait qu’il y a été question de la messe de saint Pie V, même si le texte final ne s’en est pas fait l’écho… Y a-t-il, Eminence, une évolution de la question traditionnelle ?
— La question n’est pas ressentie partout avec la même sensibilité. Il y a des personnes qui se disent en faveur d’une grande largeur de vues sur beaucoup de sujets et qui, par contre, se montrent très rigides vis-à-vis de l’emploi de la forme ancienne du rite romain. Il y a des personnes qui prônent une plus grande liberté dans l’Eglise, mais qui, à mon grand étonnement, ne veulent pas admettre une survivance plus large de la forme ancienne du rite romain. C’est curieux, car l’on tolère, bon gré mal gré, des usages abusifs dans la célébration de la forme récente du rite romain. Pour ma part je souhaite vivement que le Saint-Père fasse une déclaration dans le sens d’admettre une plus grande liberté dans l’usage de la forme ancienne du rite romain.
— Vous êtes venu, au printemps, consacrer l’abbatiale Notre-Dame de l’Annonciation. Vous êtes un peu un habitué de la maison. Vous étiez venu une première fois pour les trente ans du Barroux, puis pour la nouvelle Mère Abbesse, enfin pour le nouveau Père Abbé ; par ailleurs, vous célébrez volontiers, lorsqu’on vous le demande, selon l’ancien rite. Vous êtes, en quelque sorte, un récidiviste. Pour quelle raison le faites-vous ?
— Il y a plusieurs aspects à considérer. Le premier est que la forme ancienne du rite romain est le rite de mon ordination sacerdotale. Pendant une bonne quinzaine d’années, j’ai célébré l’ancienne messe et en ai apprécié les richesses ; ce qui ne signifie pas que je n’apprécie pas les richesses de la réforme décidée par le pape Paul VI.
Deuxième point : ma nomination par le pape Jean-Paul II à la Commission pontificale Ecclesia Dei, qui a pour but d’aider les catholiques qui sont attachés à la forme ancienne du rite romain. C’est une raison qui me semble assez valable.
Troisième raison enfin : il faut souligner que, dans l’Eglise, il y a beaucoup de formes de spiritualité légitimes, qui méritent tout le respect de tous les catholiques. Et cette diversité ne constitue pas une menace pour l’unité de l’Eglise, mais bien plutôt une richesse.
Si donc, pour ces trois raisons, je peux rendre service aux communautés qui suivent la forme ancienne du rite romain, je le fais volontiers ; bien que je célèbre habituellement dans le nouveau rite, parce que j’ai perdu un peu, depuis une trentaine d’années, l’habitude de l’ancienne forme. Mais, de temps à autre, je célèbre volontiers dans le rite de saint Pie V. Cela fait partie de mes responsabilités.
— Mais vous le faites plus facilement que certains autres cardinaux…
— J’ai commencé à utiliser de temps à autre l’ancien rite après avoir été invité au Barroux. Avant cette première visite, je ne l’avais plus célébré. Après cette visite – j’étais alors préfet de la Congrégation pour le culte divin –, il y a eu pas mal de réactions très négatives. Certains ont même manqué gravement de respect dû à ma personne et à un rite qu’accepte l’Eglise. Et c’est à partir de ce moment-là que j’ai recommencé à rendre, volontiers, ce petit service.
— Sans difficulté particulière ?
— Non. Je dois dire qu’il y a certaines prières de l’ancien rite, notamment les prières de l’offertoire, qui me semblent d’une richesse vraiment extraordinaire, et qu’on aurait dû conserver, au moins, à mon avis, comme une alternative. J’ai essayé de le faire lors de la publication de la troisième édition du missel romain, mais je me suis heurté à des oppositions assez fortes… et j’ai dû y renoncer. Sans revenir, bien sûr, sur mon impression qu’il y a de très belles choses qu’il aurait fallu garder, pour la richesse de la vie spirituelle, et surtout parce qu’on y souligne beaucoup le caractère sacrificiel de la sainte Messe.
Car les trois aspects de l’Eucharistie : le sacrifice, la présence réelle et la communion sont reliés entre eux, et le premier d’entre eux est l’aspect sacrificiel. C’est de l’aspect sacrificiel que découle la communion ; et c’est la présence réelle qui donne le sens le plus profond à l’offrande sacrificielle. Je suis très sensible à cet aspect depuis ma jeunesse. Je me souviens que le premier article théologique que j’ai écrit après mon ordination sacerdotale était sur la messe comme sacrifice, il y a une cinquantaine d’années. C’est la raison pour laquelle j’ai énormément apprécié la dernière encyclique de Jean-Paul II sur la messe comme sacrifice : Ecclesia de Eucharistia, où le mot sacrifice apparaît au moins 42 fois.
— Dans un entretien que vous avez accordé il y a quelques mois à La Nef et à L’Homme nouveau, vous évoquez les progrès réalisés depuis le Motu proprio Ecclesia Dei. Est-ce une atmosphère d’apaisement ou une réalité concrète ?
— Il y a un problème psychologique – jusqu’à un certain point. Certains pensent que l’attachement à l’ancien rite peut aller de pair avec un refus de l’enseignement du concile Vatican II, et à l’affirmation que le nouveau rite est hérétique et invalide. Mais cet excès n’est pas le fait de tous ceux qui sont attachés à l’ancien rite, et même pas de la plupart d’entre eux. Si l’on arrive à surmonter cette difficulté psychologique, je crois que, petit à petit, on va avoir une acceptation pacifique. Et même joyeuse : la solution que le cardinal Castrillon Hoyos a trouvée pour Campos a été un exemple extraordinairement positif. Une communauté avec une tradition particulière et une hiérarchie tout à fait reconnue, et qui constitue une expérience et un fruit valables.
— C’est en tout cas le sens de votre action, et votre conviction…
— Oui. Dans le rite de saint Pie V, il faudrait accepter cependant quelque chose du rite nouveau : par exemple, retoucher le calendrier. Il y a de nouveaux saints qui sont tout à fait importants et qui n’apparaissent pas dans l’ancien rite : le padre Pio, les martyrs du Vietnam, des Philippines, de Chine, du Mexique, qui sont des piliers de ces chrétientés.
Il y a aussi la question du lectionnaire. Le nouveau lectionnaire, à mon avis, constitue une richesse. Au moment de Vatican II, un évêque chilien m’avait demandé ce qu’il pouvait proposer au Concile, et je lui avais répondu : un emploi beaucoup plus large de l’Ecriture sainte. Cela ne touche en rien à la richesse, à la tradition de la forme ancienne du rite romain.
— Pour ce qui est du calendrier, le pontificat de Jean-Paul II a été une telle source de nouveaux saints et bienheureux qu’on ne saurait tous les intégrer…
— Il faut distinguer les saints et les bienheureux déclarés officiellement tels et insérés dans le martyrologe romain, soit à peu près 7 000 noms. Dont 25 % sont dus à Jean-Paul II ! Et ceux qui sont intégrés au calendrier universel. Il n’est pas question qu’ils y soient tous. Mais quelques-uns qui sont des saints emblématiques. Par exemple, pour l’Amérique latine, saint Juan Diego, le voyant de Guadalupe… Tous ne peuvent pas l’être, mais une révision du calendrier romain s’impose, me semble-t-il.
— On a parfois l’impression d’une difficulté de compréhension : sensibilité et discipline, d’un côté ; dogme et théologie, d’autre part. N’y a-t-il pas une difficulté à s’entendre au même niveau ?
— Personnellement, je crois qu’il y a eu dans la théologie catholique certains progrès tout à fait orthodoxes qui n’ont pas été assimilés par certains catholiques traditionnels. Par exemple, l’exégèse a produit des éléments valables – et certaines positions qui ne sont pas acceptables. Parfois, on a refusé tout progrès, et on voit des hérésies partout, alors qu’il est question de véritables progrès, ou de simples opinions qui ne constituent pas une menace pour l’unité ou l’orthodoxie catholique. Certaines publications soupçonnent tout ce qui est dit dans l’Eglise catholique d’hérésie, ou d’infidélité à l’orthodoxie. Même les écrits du cardinal Ratzinger y sont farouchement critiqués ; des publications où un document tellement orthodoxe comme Dominus Jesus n’a pas été bien reçu ; où ce joyau d’orthodoxie catholique qu’est l’encyclique Ecclesia de Eucharistia n’a pas été bien reçu parce qu’il y manquait le mot propitiation. Or il faut bien comprendre ce mot que je sais bien avoir été employé par le concile de Trente, et qui appartient à la doctrine catholique : car, dans un sens rigide, il s’agirait d’apaiser un Dieu enragé ; ce qui est une vision tout à fait anthropomorphique de Dieu qui est avant tout amour et miséricorde. Je crois que le sens profond de la « propitiation » pourrait se rendre par « réparation », « grâce de conversion » et même « purification ». Au fond c’est l’amour vers Dieu qui donne le sens profond à l’attitude vraiment religieuse. Ce type de questions empoisonne les discussions.
— Cela peut être dépassé ?
— Je le crois ; mais je crains que certaines personnes n’y arrivent que difficilement…
— On n’a pas toujours l’impression que les documents récents, notamment sur les normes liturgiques, aient eu un impact réel, notamment en Europe. Est-ce un effet de l’habitude de faire à sa façon ? Y a-t-il un moyen de faire admettre ces textes ?
— Vers la fin de mon mandat comme préfet de la Congrégation pour le culte divin, j’avais commencé à ramasser les expériences de partout dans le monde sur l’ars celebrandi, la manière correcte, exacte, élégante de célébrer la liturgie de l’Eglise. Or la liturgie est un acte public, et non privé qui comme tel dépendrait des impressions ou des goûts personnels. Le ministre de l’Eucharistie est un serviteur de l’Eglise, et doit donc célébrer comme l’Eglise le veut. D’ailleurs, la réforme liturgique a établi certaines normes qui permettent des alternatives, laissent un espace prudent aux circonstances, aux choix du prêtre et de la communauté. Pour le mariage, le rituel comprend une trentaine de textes bibliques que les époux peuvent choisir. Il n’y a pas un seul schéma rigide à appliquer également partout. Même pour l’échange du consentement, il y a deux manières de faire. Pour la sainte messe, vous avez trois formules pour l’acte pénitentiel au début ; la possibilité d’employer le Credo de Nicée, ou celui des apôtres ; la possibilité assez large, d’après l’Institution générale du Missel romain, de distribuer la sainte communion sous les deux espèces…
Donc, dans les textes officiels, il y a des possibilités très intéressantes, très pédagogiques que le prêtre peut choisir, ayant comme but toujours le bien spirituel du peuple, et pas du tout son goût personnel. Dans la forme nouvelle du rite romain, on a au moins huit canons de la Messe…
Cela correspond à un désir d’avoir des possibilités plus larges de changements raisonnables. Mais dans certains domaines on passe parfois outre les règles de la célébration digne comme l’Eglise l’a établie. Par exemple, l’emploi obligatoire des ornements, de tous les ornements prévus. Ou bien des défauts « petits », comme la mauvaise habitude de laisser les burettes sur l’autel. L’autel n’est pas une table où poser quoi que ce soit ; l’autel est la table du sacrifice. Donc, sur l’autel, le calice, l’hostie, les chandeliers, le missel et la croix ; et ça suffit. Le reste n’est pas homogène avec la dignité et la noblesse de l’autel comme partie d’un ensemble liturgique.
— L’Europe souffre d’un manque manifeste de prêtres. Quelle est l’explication de cette hémorragie ?
— Je pense qu’il faut s’interroger. La situation est très différente d’un pays à l’autre, même en Amérique latine. Je ne parle pas du Chili d’où je viens. Mais regardez le Mexique : un pays qui a bénéficié de l’apparition de Guadalupe ; un pays qui a eu depuis le XVIe siècle des martyrs, une constante pendant tous les siècles ; un pays qui bénéficie – je ne me trompe pas dans le nombre… – de trois millions d’hommes qui participent à l’adoration nocturne : trois millions de Mexicains qui se lèvent la nuit pour adorer le Saint Sacrement ; un pays où la piété populaire est très vivante, appuyée par les prêtres ; un pays où on a, certes, des péchés, mais où les gens se confessent ; un pays où il y a des actes, voire des habitudes contraires à la chasteté, mais qui sont considérés comme des choses négatives, comme des péchés. En Europe, il y a dans certains endroits une faiblesse de la foi, il y a une désaffection vis-à-vis de l’Eglise, on a perdu le sens du sacré, la chasteté n’est plus une valeur… Aux Etats-Unis, une association de jeunes compte un demi-million d’adhérents, qui promettent d’arriver vierges au mariage. Il y a donc de quoi s’interroger…
PRÉSENT - Samedi 19 novembre 2005

(Suite et fin de l’entretien paru dans l'édition du samedi 19 novembre)

Le diocèse de Guadalajara, où il y a des adorateurs nocturnes, où il y a une liste d’une centaine de béatifications de martyrs de la dernière persécution, a un grand séminaire avec 500 séminaristes, et un petit séminaire avec 700 séminaristes. Je me suis rendu au Congrès eucharistique de Guadalajara, le jour de la procession de la Vierge de Zapopan, il y avait sur les dix kilomètres entre les deux villes – dix kilomètres – quatre millions de personnes. Cela veut dire quelque chose…
— D’où vient la responsabilité en Europe ?
— Il y a plusieurs responsabilités, et on ne saurait les établir de manière mathématique. C’est très difficile. Mais il y a un ensemble de facteurs, parmi lesquels la faiblesse de la foi, tout d’abord, et le mépris de la chasteté, constituent des sources très importantes de la situation. Saint Paul le dit : « Le juste vit de la foi » ; et il est impossible, sans la foi, d’être agréable à Dieu. Et les martyrs : on va béatifier bientôt un groupe de martyrs mexicains. On conserve la lettre d’un garçon, fusillé à 14 ans. La veille, on lui a permis d’écrire une lettre à sa mère, dans laquelle il dit : « Maman, jamais il n’a été plus facile d’arriver au ciel qu’aujourd’hui : je serai fusillé demain. Je vous embrasse. Votre fils. » Si quelqu’un voit comme une véritable joie d’être fusillé pour arriver au ciel, on est dans une autre atmosphère. Mais saint Augustin le dit dans un de ses sermons : on pense au ciel comme quelque chose qui devrait arriver le plus tard possible !
— Qu’en est-il alors de l’état de nécessité qu’invoque la Fraternité Saint Pie X pour adopter sa position ?
— Il faut reconnaître dans la Fraternité Saint Pie X le soin de conserver certaines valeurs qui sont réelles. Ce que je ne peux pas accepter, c’est le refus de l’autorité légitime de l’Eglise, et le refus de la solution proposée du temps du serviteur de Dieu, le Pape Jean-Paul II, par l’entremise du cardinal Ratzinger justement, solution qui était un gage d’équilibre, d’orthodoxie, de sincérité. Certaines personnes vont jusqu’à considérer que le siège apostolique est vacant. Une brochure publiée par la Fraternité lors du Jubilé fait état de 260 papes fidèles à la Tradition, donc les quatre derniers ne le sont pas, et il n’y est jamais question du nom du pape du moment. Si on en arrive à ce point-là, les choses deviennent extrêmement difficiles.
— Il y a la question – centrale, et que vous avez évoquée plus haut – dans ces discussions de la libéralisation de la messe dite traditionnelle, qui, sans être interdite, demande à être autorisée…
— J’estime personnellement qu’on ne peut pas prouver que l’ancien rite ait été abrogé. Il y a de bonnes raisons pour affirmer qu’il est encore en vigueur. D’autres estiment le contraire. Mais, puisqu’il y a doute, on devrait admettre la liberté. Il y a néanmoins un problème pastoral, qui mérite une attention soucieuse, car, si dans une paroisse, on a des rites différents sans aucun ordre, cela peut créer une certaine confusion chez les fidèles. Il faudrait avoir une certaine flexibilité d’une part, et un bon ordre de l’autre.

Je pense que l’Indult Ecclesia Dei doit être perçu comme un essai d’établir certains critères pour le bon ordre ecclésiastique. Je pense d’ailleurs que si le Saint-Père voulait autoriser l’utilisation générale du rite ancien, les prêtres qui voudraient le célébrer seraient peu nombreux : peut-être quelques centaines au plus. La généralité des prêtres continueraient à célébrer dans le rite du Pape Paul VI. Quitte à souhaiter, pour ma part, que certains éléments éliminés du rite ancien deviennent des alternatives dans le rite nouveau ; par exemple, les prières de l’offertoire, et la prière à la fin de la messe, comme offrande du sacrifice à la Sainte Trinité – des prières extrêmement belles et pédagogiques à mon avis.
— Vous dites qu’assez peu de prêtres reviendraient à l’ancien rite. Est-ce un sentiment, ou cela se fonde-t-il sur quelque chose de plus tangible ?
— Je crois que les prêtres, comme tout le monde, ont un sens pratique très aigu. Or le rite ancien est plus complexe ; le rite ancien est, si vous permettez le mot, en désuétude : on ne le voit que très rarement, on n’y est pas habitué, et chacun veut continuer à faire ce qu’il est habitué à faire. Donc je pense que si l’on donnait la possibilité générale de célébrer, quitte à avoir besoin d’un certain ordre dans les diocèses, les prêtres qui voudraient célébrer dans l’ancien rite seraient très peu nombreux. C’est mon impression, mais je peux me tromper.
— Vous évoquez la complexité de l’ancien rite…
— Les rubriques de l’ancien rite étaient extrêmement complexes. Par exemple, il y avait nombre de génuflexions ; il y avait nombre de signes de la croix sur le calice et sur l’hostie ; il y avait des positions qui étaient vraiment très rigides. Aujourd’hui, les gens sont habitués à des manières plus larges, qui ne constituent pas à mon avis un manque de respect au Très Saint Sacrement ; et donc les gens ne voudraient pas de bon gré revenir à des rubriques tellement rigides – des rubriques d’ailleurs respectables.
Moi-même, lorsque je célèbre l’ancien rite, il m’arrive souvent d’oublier que je dois tenir les doigts joints, parce que je suis habitué à célébrer la messe d’après la forme nouvelle.
— Les Orientaux ont, eux, conservé cette prolifération des signes de croix et autres…
— Ce n’est pas exactement le même cas, parce que le rite byzantin est un seul rite, et a été toujours le même ; il n’y en a pas deux formes. Tandis que, pour le rite romain, il y a deux formes. Chez nous, les gens sont habitués à la forme simplifiée.
— Venons-en aux événements récents qui se sont accélérés ces derniers mois : la mort de soeur Lucie, celle de Jean-Paul II, et l’élection de Benoît XVI… Certains se sont étonnés qu’il ne cite pas Vatican II lors du sermon de sa messe d’intronisation… Pensez-vous que le nouveau Souverain Pontife sera une sorte de prolongation du cardinal Ratzinger ?
— On ne peut pas tout dire partout. Si le cardinal Ratzinger n’a pas cité Vatican II, cela ne veut pas dire qu’il ne l’apprécie pas ; je suis sûr que Benoît XVI a accueilli avec joie Vatican II, auquel il a participé comme théologien. Mais chaque Pontife est différent de l’autre ; il ne peut être la continuité totale de son prédécesseur. Si vous prenez Léon XIII par rapport à Pie IX, c’est un changement ; si vous prenez Pie X par rapport à Léon XIII, c’est un changement ; si vous prenez Jean XXIII par rapport à Pie XII, grand changement. Le changement est une chose humaine, et qui fait partie, je le pense, de la providence de Dieu. Chaque personne a reçu de Dieu des dons, des charismes, qui constituent une richesse pour l’Eglise. Donc Benoît XVI va être lui-même. Mais il a déclaré une chose très importante, il a dit : je suis le serviteur de la foi de l’Eglise, pas de mes idées personnelles. Il l’a dit au moins deux fois, notamment au Latran.

C’est capital, parce que le Pape est le gardien de la foi, de la foi catholique, de la foi de l’Eglise, et s’il a quelques idées personnelles discutables, il va se garder de les proposer comme la foi de l’Eglise. Même si le Pape a un diagnostic personnel sur une situation, celui-ci peut être acceptable, mais pas obligatoire pour tout le monde. J’ai une confiance totale dans le fait que Benoît XVI va être un homme extrêmement fidèle à la tradition catholique et que, comme serviteur du ministère pétrinien, il va garder soigneusement la foi de l’Eglise, et faire tout ce qui est possible pour maintenir et pour développer les certitudes de l’orthodoxie qui constitue le pilier fondamental de l’unité de l’Eglise.
— Vous évoquez votre très longue connaissance du cardinal Ratzinger. On a profité de son élection pour ressortir certains jugements de l’époque où il était perçu comme réformateur ; aujourd’hui, il est catalogué conservateur. Y a-t-il une évolution, ou cela n’a-t-il pas de sens réel?
— Au moment du concile Vatican II, il y avait un courant qui souhaitait certains changements dans l’Eglise, changements justes et justifiés, à mon avis. Ils se sont surtout exprimés dans la Constitution dogmatique sur l’Eglise, dans la Constitution dogmatique sur la Divine Révélation, dans la Constitution sur la liturgie, et dans la Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui. Ces quatre documents qui constituent l’ossature du Concile – son centre étant Lumen Gentium – reflètent le sain désir d’incorporer dans l’Eglise les développements d’une pensée qui avait ouvert des horizons plus larges, mais parfaitement orthodoxes.

Si je peux prendre l’exemple d’une personnalité qui représente, à mon avis, le sens le plus pur de ces développements positifs, c’est le cardinal Henri de Lubac. Je l’ai connu personnellement ; il m’a traité comme un ami – même s’il y avait un décalage d’âge considérable entre lui et moi ; je lui rendais visite le plus souvent possible. Lubac était un homme absolument orthodoxe.

Or, des personnes ont émis des soupçons sur son orthodoxie, qui a été reconnue par l’Eglise de manière éclatante lorsque le Pape l’a fait cardinal. Je crois que le cardinal Ratzinger représente exactement la position qu’avait le cardinal de Lubac. Parmi les oeuvres du cardinal de Lubac, il y a une oeuvre vraiment marquante : la Méditation sur l’Eglise, qui est vraiment un chef-d’œuvre. Et je crois que la Méditation sur l’Eglise représente exactement le fond de la pensée du cardinal Ratzinger. Comme elle représentait aussi celle du cardinal – même s’il n’a pas reçu le chapeau… – Urs von Balthasar. Donc, après le Concile, il y a eu des gens qui, faisant appel à l’esprit du Concile, sont allés beaucoup au-delà du Concile et ont proposé des choses inacceptables. Ces gens-là ne sont pas la prolongation de la pensée de Ratzinger ; ce sont des personnes qui ont dévié. C’est le cas de la ligne – extrême – de la théologie de la libération ; des gens qui ont prôné l’ordination des femmes ; des personnes qui voudraient changer de fond en comble la morale de l’Eglise concernant la sexualité, etc.

Or, à mon avis, tout catholique doit être conservateur, parce qu’il faut conserver le dépôt de la foi. C’est ce que dit saint Paul : « Depositum custodi. » Si quelqu’un ne veut pas garder le dépôt de la foi, il n’est plus catholique.
— Le cardinal Ratzinger a, lui aussi, célébré selon l’ancien rite. Peut-on penser que Benoît XVI manifestera la même bienveillance ?
— Je ne sais pas ce que le Saint-Père va faire, parce que cela dépend des circonstances et de la collaboration qu’il trouve. Mais je me permets de vous signaler que le Pape m’a nommé son envoyé spécial – on réserve le terme « légat » pour le cardinal secrétaire d’Etat – pour la bénédiction de l’abbatiale des bénédictines du Barroux. Je suis venu au nom du Pape, et pas seulement parce que je suis favorable à la situation du Barroux. Le Pape a montré sa bienveillance. J’ai été investi de la représentation du Souverain Pontife. Mais ma nomination n’a pas été publiée dans l’Osservatore Romano…
— Vous avez été la voix du Conclave, annonçant l’élection du Pape. On sentait dans votre voix une émotion et un certain plaisir…
— Nous nous connaissons depuis 1962. Après le Concile, dans la commission théologique internationale ; puis, le catéchisme de l’Eglise catholique à la préparation duquel j’ai collaboré. Ensuite, le Compendium (« abrégé »), dont j’ai été aussi membre de la commission cardinalice préparatoire. Nous avons travaillé jusqu’à la veille de son élection. Nos rapports ont toujours été très liés à l’aspect doctrinal (et pastoral) dans l’Eglise. C’est une longue connaissance, même s’il faut garder les distances entre un grand théologien et un petit professeur de théologie.
— C’est presque un hasard que ce soit vous qui l’ayez annoncé…
— Si l’on peut parler de hasard, c’est un hasard ; car j’étais le 5e par ordre d’ancienneté parmi les cardinaux-diacres. Or, l’un est mort : le cardinal Schotte ; les trois autres avaient accompli dix ans comme cardinaux-diacres et devaient passer à l’ordre des cardinaux-prêtres. Et moi je devenais le premier, donc le protodiacre… Et Jean-Paul II a confirmé, le jour même de son hospitalisation, que j’étais le plus vieux…

Pour ce qui est du conclave, on est lié au secret le plus absolu, mais il y a des choses qui sont tout à fait publiques. Je suis parti de mon appartement pour le conclave et j’avais emporté du linge pour 6 jours ; et l’élection est arrivée en 24 heures. Je pense que c’est un fait extrêmement heureux, utile, qui montre que l’unité dans l’Eglise est une heureuse réalité. Que même s’il y a des différences ici ou là, l’élection du Pape a eu lieu très vite. On pourrait dire avec une certaine malice que, à la maison Sainte-Marthe, nous étions très bien logés, nous avions une nourriture excellente, le service était hors pair. Ce n’est pas comme lors du conclave qui a vu l’élection du Pape Paul VI. J’y étais conclaviste : petites chambres, petit lavabo, vase de nuit, un lit, une chaise, une petite table. Nous célébrions l’un après l’autre…

Cette fois-ci, les commodités étaient formidables ; on aurait pu traîner pour l’élection étant donné que notre hospitalité était excellente. Et on est allé extrêmement vite… Cela a été très, très positif.
— Et le nom de Benoît a-t-il, à votre avis, une signification particulière ?
— J’ai toujours été assez lié aux bénédictins, et je crois que la dévotion, la vénération vis-à-vis de saint Benoît est un reflet d’une certaine attitude d’esprit. Si vous lisez la règle de saint Benoît, vous y verrez qu’elle est trempée d’esprit de sagesse et de largeur de vues. Elle n’a pas été conçue comme la règle d’un ordre religieux, mais comme la règle d’un monastère. Le regroupement des monastères est un fait assez postérieur. Ce sont les monastères qui suivaient la même règle qui ont imaginé qu’il fallait prendre une espèce de lien juridique entre eux. Ce n’était pas comme cela au début. Donc saint Benoît est la source d’un cep pluraliste.

La manière de vivre la règle chez les bénédictins, chez les cisterciens, chez les trappistes est différente. Et tous sont des bénédictins au fond. J’ai demandé une fois à un père abbé allemand laquelle des 22 congrégations bénédictines est la véritable congrégation bénédictine. Et ce père abbé m’a répondu : ou bien chacune ou bien aucune. Pour moi, cela représente l’esprit de la saine liberté qui correspond à l’esprit du Pape Benoît XVI.

Je crois que Benoît XVI va être extrêmement respectueux des différences légitimes. Il a dit dans un de ses livres qu’il n’est pas l’homme des institutions, des systèmes, des bureaux. Mais il a une foi profonde dans ce qui constitue le noyau de l’unité de l’Eglise, c’est-à-dire la foi, les sacrements, la prière. 

Propos recueillis par Olivier Figueras
PRÉSENT - Mardi 22 novembre 2005