25 mai 2003

[Aletheia n°43] La Messe historique du 24 mai - Vers un accord avec la FSSPX ? - Un essai de l’abbé Barthe sur la liturgie

Yves Chiron - Aletheia n°43 - 25 mai 2003
La Messe historique du 24 mai
La messe selon le rite traditionnel célébrée hier, 24 mai, à la Basilique Sainte-Marie-Majeure par le cardinal Castrillon Hoyos, revêt une grande importance à différents points de vues. Je publie ci-dessous le compte-rendu (traduit de l’italien par mes soins) qu’a bien voulu m’envoyer Stefano Gizzi, précieux ami et bon historien :
Les suggestifs chants en grégorien, l’entrée solennelle du cardinal Dario Castrillon Hoyos, vêtu de fastueux ornements pontificaux, les amples volutes d’encens et la piété sincère des fidèles présents ont fait immédiatement comprendre la valeur et l’importance de la célébration à Sainte Marie-Majeure, qu’à bon droit on peut dire “ historique ”.
Cinq cardinaux ont assisté au sacré rite : Alfons Maria Stickler, Archiviste et Bibliothécaire émérite de la Sainte Eglise Romaine ; Jorge Medina Estevez, Préfet émérite de la Congrégation pour le Culte divin ; William Wakefield Baum, Pénitencier majeur émérite ; Bernard Law, archevêque émérite de Boston ; Armand Gaétan Razafindratandra, archevêque d’Antananarivo (Madagascar). Étaient présents aussi trois évêques : Mgr Luigi De Magistris, Pro-Pénitencier Majeur ; Mgr Julian Herranz ; Mgr Romer. Deux Pères abbés : TRP Dom Gérard Calvet, de l’Abbaye Sainte-Madeleine (Le Barroux) et Mgr Wladimir-Marie de Saint-Jean, abbé des Chanoines réguliers de la Mère de Dieu.
Parmi les nombreuses autorités civiles : Mario Borghezio, de la Ligue du Nord ; Federico Bricolo, vice-président du groupe parlementaire de la Ligue du Nord au Parlement ; Gennaro Malgeri, député de l’Allianza Nazionale ; le Prince Sforza Ruspoli ; la Princesse Elvina Pallavicini ; le marquis Luigi Coda Nunziante ; le professeur Roberto De Mattei, professeur d’histoire moderne à l’Université de Cassino et conseiller de Gianfranco Fini, vice-Président du Conseil.
Dans le chœur étaient présents de très nombreux prêtres et séminaristes de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre et trois prêtres de l’Union sacerdotale Saint-Jean-Marie-Vianney de Campos.
Une représentation nombreuse de l’Ordre de la Milice du Temple (dirigée par son Grand Maître, le comte della Magione), avec l’habit caractéristique et le manteau blanc avec la croix rouge sur l’épaule et sur la poitrine, a attiré l’attention du public.
Fut remarquée l’absence de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, tandis qu’étaient présents des fidèles des prieurés italiens et les Disciples du Cénacle de Velletri (fondées par don Francesco Putti), communauté très proche de la FSSPX.
La célébration a commencé, de manière un peu surprenante, par la lecture d’un message officiel du Saint-Père Jean-Paul II, signé par le Secrétaire d’Etat, le cardinal Angelo Sodano, par lequel le Souverain Pontife s’est “ uni spirituellement ” à la Sainte Messe célébrée avec le Missel Romain de 1962 dans la Basilique et “ au pieux hommage à la très Sainte Vierge Marie lui demandant d’intercéder auprès de Son Divin Fils, afin que tous les chrétiens soient levain de sainteté et de renouveau spirituel dans le monde d’aujourd’hui. ”
Le cardinal Castrillon Hoyos a célébré avec une grande solennité et dévotion, prenant un soin particulier, jusque dans les détails, au respect des prescriptions des rubriques du Missel Romain et créant un climat de recueillement spirituel vraiment remarquable et sincère.
Les différents groupes présents à la célébration (beaucoup provenaient de France) ont suivi les différentes phases de la cérémonie avec une particulière bonne tenue et conscience, à commencer par le Saint Rosaire, récité à genoux par beaucoup de fidèles.
Durant la Sainte Messe, l’attention et une ferveur sincère ont accompagné l’écoute de la Parole de Dieu, la grande prière du Canon Romain et la Sainte Communion.
L’homélie, très attendue, du cardinal Castrillon Hoyos s’est révélée d’un grand intérêt.
Divisée en trois parties, dans la première il a rappelé la doctrine traditionnelle sur la Très Sainte Vierge Marie Mère de Dieu, commentant les enseignements du concile Vatican II sur la Madonne, à la lumière de la tradition constante de l’Eglise.
Dans la seconde partie, il a traité amplement du thème de la nécessité, pour les catholiques, de s’unir pleinement au Magistère du successeur de Pierre, avec des citations tirées du saint pape Léon et de saint Jérôme.
Dans l’intense partie conclusive, le cardinal Castrillon Hoyos a traité spécifiquement du rite de saint Pie V, précisant en toutes lettres que ce vénérable rite “ ne peut être considéré comme éteint ” et que “ l’antique Rite Romain conserve son droit de cité dans l’Eglise ”, dans la diversité des rites catholiques, soit latins soit orientaux.
Le célébrant a ensuite justifié pleinement l’utilisation du Missel Romain de saint Pie V avec une citation du concile Vatican II : “ la sainte Mère l’Eglise considère comme égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus, et elle veut, à l’avenir, les conserver et les favoriser de toutes manières ” (Sacrosanctum Concilium, 4).
Le cardinal Castrillon Hoyos, au nom des présents, a exprimé de vifs sentiments de gratitude au Saint Père, pour l’ “ exquise et paternelle compréhension qu’il montre à l’égard de ceux qui désirent maintenir vivante dans l’Eglise la richesse représentée par cette vénérable forme liturgique ”. Il a rappelé aussi que le rite de saint Pie V a nourri la foi personnelle de Jean-Paul II, dans son enfance, dans son ordination sacerdotale, lors de sa Première messe, dans sa consécration épiscopale, et jusqu’à la fin des années soixante.
En conclusion de son homélie, avec des paroles très diplomatiques, le cardinal a rappelé aussi les difficultés rencontrées par les fidèles traditionalistes dans beaucoup de diocèses et a cité les paroles du Pape : “ Soyez immensément reconnaissants au Saint Père pour l’invitation adressée aux évêques du monde entier “d’avoir une compréhension et une attention pastorale renouvelée pour les fidèles attachés à l’ancien rite“. ”
Après la conclusion de cette cérémonie solennelle, au chant du Christus vincit, cinq réflexions me sont venues à l’esprit :
1. Remerciement dévot et filial envers le Saint Père Jean-Paul II, envers le célébrant, les cardinaux et les prélats présents, pour la sensibilité manifestée.
2. Sentiments de filiale reconnaissance pour l’œuvre accomplie, dans les si tristes années soixante-dix, par Mgr Lefebvre, pour la défense de la Sainte Messe et du sacerdoce catholique, et dont de si nombreux fidèles ont reçu les fruits.
3. Si dans les années 1976-77, de la part des autorités romaines, s’étaient manifestées la même compréhension et la même sensibilité que dans cette période récente, Mgr Lefebvre non seulement n’aurait jamais été frappé de la déconcertante suspens a divinis, mais à l’occasion de la Sainte Messe de Lille et des ordinations sacerdotales du 29 juin 1976, il aurait reçu un message de félicitations de la part de la Secrétairerie d’Etat, avec la Bénédiction apostolique !
4. Si dans les années soixante-dix et quatre-vingts, il y avait eu une célébration comme celle de Sainte-Marie-Majeure, Mgr Lefebvre, intrépide défenseur du rite de saint Pie V, y aurait-il assisté ? Je crois certainement que oui !
5. Les importantes affirmations du cardinal Castrillon Hoyos sur la “ non-extinction ” du rite de saint Pie V et sur le plein droit de cité dans l’Eglise du même vénérable rite, n’ont-elles pas besoin maintenant d’une sanction légale, par le moyen d’une notification de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, communiquée à tous les évêques, clarifiant ainsi toutes les vicissitudes et surmontant beaucoup d’hostilité préconçue ?
Avv. Stefano Gizzi
Président de l’Académie des Beaux-Arts de Frosinone
Conseiller communal de Ceccano



Vers un accord avec la FSSPX ?
Le souhait exprimé par Stefano Gizzi dans sa cinquième et dernière “ réflexion ” n’est pas un vœu pieux. D’autres sources apportent des informations qui laissent présager un accord possible entre la FSSPX et le Saint-Siège.
Dans la récente encyclique, Ecclesia de Eucharistia, Jean-Paul II avait annoncé la préparation, en cours, de “ normes liturgiques ”, “ avec des rappels d’ordre également juridique ”. La Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des sacrements, dirigée par le cardinal Arinze, est chargée de la préparation de ces normes. Selon des sources fiables et sérieuses, cet important document, à paraître entre octobre et décembre prochain, contiendra des normes strictes pour en finir avec “ la Messe autofabriquée ” (selon la propre expression du cardinal Arinze) mais aussi une plus large faculté concédée aux prêtres pour célébrer la messe selon le rite traditionnel.
Dans un propos rapporté dans la Croix, le 30 avril dernier, Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, voyait comme “ un geste important de la part de Rome ” la célébration annoncée à Sainte-Marie-Majeure pour le 24 mai. Il souhaitait aussi : “ Rome doit reconnaître que la messe de saint Pie V n’a jamais été abrogée ”. L’homélie du cardinal Castrillon Hoyos est venue répondre à cette demande. Enfin, Mgr Fellay souhaitait que “ Rome libéralise encore plus la célébration du rite tridentin ”. Les normes en préparation par la Congrégation pour le Culte divin contiendront, peut-être, cette autorisation sans préalable.
Si tel était le cas, une des deux conditions préalables posées par la FSSPX pour une réconciliation “ avec Rome ” serait remplie (l’autre étant la levée de l’excommunication de 1988). Mais rien n’assure, pour le moment, que le document en préparation à Rome concède une liberté complète et inconditionnelle pour le rite traditionnel.
En attendant, la FSSPX n’a pas rompu toutes relations avec le Saint-Siège, à l’inverse de ce qu’ont cru certains. Le père Georges Cottier, O.P. , Théologien de la Maison Pontificale, consulteur de plusieurs Congrégations romaines, reste en dialogue officieux avec des prêtres de la FSSPX mandatés par leur Supérieur général.
Celui-ci, dans un long entretien accordé au Giornale (25.4.2003), sans citer les noms d’interlocuteurs, a reconnu : “ Les négociations continuent, elles ne sont pas mortes ”. Il a aussi porté un jugement “ très positif ” sur la récente encyclique sur l’Eucharistie. Contre le maximalisme de certains de ses prêtres, il a rappelé encore le jugement de la FSSPX sur la “ nouvelle messe ” : “ nous n’avons jamais dit que la messe de Paul VI était invalide et encore moins l’avons-nous jamais définie “hérétique“. Nous la considérons cependant nuisible et dangereuse pour la foi, parce qu’elle n’exprime pas clairement tout ce qui devrait être dit dans la messe. ”
Le 10 mai dernier, dans le quotidien Présent, Jean Madiran estimait : “ La célébration du samedi 24 mai sera une étape solennelle (peut-être l’avant-dernière) dans la lente sortie de l’ostracisme injuste qui depuis trente-trois ans frappe la messe traditionnelle ”. Elle aura été aussi, peut-être, une des dernières étapes avant la réconciliation de la FSSPX avec le Saint-Siège.



Un essai de l’abbé Barthe sur la liturgie
L’abbé Claude Barthe publie un essai très intéressant sur “ l’essence de la liturgie ”. Prêtre atypique à bien des égards – il ne dépend d’aucun diocèse ni d’aucune congrégation et il dirige avec Bernard Dumont la revue Catholica, qui occupe une place à part dans le paysage traditionaliste et antimoderne français –, il n’est lié à aucune autorité immédiate qui le contraigne ou limite sa liberté d’expression.
D’où ce livre libre, qui est aussi une belle méditation sur la liturgie qui “ fait l’Eglise dans le monde en recouvrant toutes choses terrestres d’une trame de sacré ”. Sans entrer dans toutes les démonstrations d’un livre qui expose que “ la grande “crise de conscience“ de la liturgie romaine a commencé en même temps que celle de la société occidentale ”, on s’attachera à la conclusion intitulée “ Une nécessaire transition ”.
L’abbé Barthe fait justement remarquer qu’ “ entre l’état présent et une inscription déterminée dans un processus de reconstruction, il faudra une période, plus ou moins longue, de transition. ” Il note aussi que cette transition est engagée, en France, en silence, dans un nombre de paroisses forcément difficile à déterminer. Autel “ remis à l’endroit ”, retour de la table de communion, canon romain en latin, et ce, dans un rite qui n’est pas le rite traditionnel, sans être non plus le rite Paul VI en français qui se célébrait encore jadis, dans la même paroisse, il y a dix ans. À la suite de l’auteur, on pourrait multiplier les exemples, tirés d’autres lieux. Réintroduction de l’exorcisme dans le rite “ réformé du baptême ”, multiplication des adorations du Saint-Sacrement dans les paroisses et tant d’autres redécouvertes. La pratique liturgique en France en 2003 n’est majoritairement pas celle qui prévalait en 1963, mais elle n’est plus celle non plus qui régnait en 1973 ou en 1983.
Claude Barthe, Le Ciel sur la terre, François-Xavier de Guibert (3 rue Jean-François Gerbillon, 75006 Paris), 146 pages.
"La Messe historique du 24 mai" (Stefano Gizzi), suivi de "Vers un accord avec la FSSPX ?" (Yves Chiron)
Aletheia n°43 - 25 mai 2003
La Messe historique du 24 mai
La messe selon le rite traditionnel célébrée hier, 24 mai, à la Basilique Sainte-Marie-Majeure par le cardinal Castrillon Hoyos, revêt une grande importance à différents points de vues. Je publie ci-dessous le compte-rendu (traduit de l’italien par mes soins) qu’a bien voulu m’envoyer Stefano Gizzi, précieux ami et bon historien :
Les suggestifs chants en grégorien, l’entrée solennelle du cardinal Dario Castrillon Hoyos, vêtu de fastueux ornements pontificaux, les amples volutes d’encens et la piété sincère des fidèles présents ont fait immédiatement comprendre la valeur et l’importance de la célébration à Sainte Marie-Majeure, qu’à bon droit on peut dire “ historique ”.
Cinq cardinaux ont assisté au sacré rite : Alfons Maria Stickler, Archiviste et Bibliothécaire émérite de la Sainte Eglise Romaine ; Jorge Medina Estevez, Préfet émérite de la Congrégation pour le Culte divin ; William Wakefield Baum, Pénitencier majeur émérite ; Bernard Law, archevêque émérite de Boston ; Armand Gaétan Razafindratandra, archevêque d’Antananarivo (Madagascar). Étaient présents aussi trois évêques : Mgr Luigi De Magistris, Pro-Pénitencier Majeur ; Mgr Julian Herranz ; Mgr Romer. Deux Pères abbés : TRP Dom Gérard Calvet, de l’Abbaye Sainte-Madeleine (Le Barroux) et Mgr Wladimir-Marie de Saint-Jean, abbé des Chanoines réguliers de la Mère de Dieu.
Parmi les nombreuses autorités civiles : Mario Borghezio, de la Ligue du Nord ; Federico Bricolo, vice-président du groupe parlementaire de la Ligue du Nord au Parlement ; Gennaro Malgeri, député de l’Allianza Nazionale ; le Prince Sforza Ruspoli ; la Princesse Elvina Pallavicini ; le marquis Luigi Coda Nunziante ; le professeur Roberto De Mattei, professeur d’histoire moderne à l’Université de Cassino et conseiller de Gianfranco Fini, vice-Président du Conseil.
Dans le chœur étaient présents de très nombreux prêtres et séminaristes de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre et trois prêtres de l’Union sacerdotale Saint-Jean-Marie-Vianney de Campos.
Une représentation nombreuse de l’Ordre de la Milice du Temple (dirigée par son Grand Maître, le comte della Magione), avec l’habit caractéristique et le manteau blanc avec la croix rouge sur l’épaule et sur la poitrine, a attiré l’attention du public.
Fut remarquée l’absence de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, tandis qu’étaient présents des fidèles des prieurés italiens et les Disciples du Cénacle de Velletri (fondées par don Francesco Putti), communauté très proche de la FSSPX.
La célébration a commencé, de manière un peu surprenante, par la lecture d’un message officiel du Saint-Père Jean-Paul II, signé par le Secrétaire d’Etat, le cardinal Angelo Sodano, par lequel le Souverain Pontife s’est “ uni spirituellement ” à la Sainte Messe célébrée avec le Missel Romain de 1962 dans la Basilique et “ au pieux hommage à la très Sainte Vierge Marie lui demandant d’intercéder auprès de Son Divin Fils, afin que tous les chrétiens soient levain de sainteté et de renouveau spirituel dans le monde d’aujourd’hui. ”
Le cardinal Castrillon Hoyos a célébré avec une grande solennité et dévotion, prenant un soin particulier, jusque dans les détails, au respect des prescriptions des rubriques du Missel Romain et créant un climat de recueillement spirituel vraiment remarquable et sincère.
Les différents groupes présents à la célébration (beaucoup provenaient de France) ont suivi les différentes phases de la cérémonie avec une particulière bonne tenue et conscience, à commencer par le Saint Rosaire, récité à genoux par beaucoup de fidèles.
Durant la Sainte Messe, l’attention et une ferveur sincère ont accompagné l’écoute de la Parole de Dieu, la grande prière du Canon Romain et la Sainte Communion.
L’homélie, très attendue, du cardinal Castrillon Hoyos s’est révélée d’un grand intérêt.
Divisée en trois parties, dans la première il a rappelé la doctrine traditionnelle sur la Très Sainte Vierge Marie Mère de Dieu, commentant les enseignements du concile Vatican II sur la Madonne, à la lumière de la tradition constante de l’Eglise.
Dans la seconde partie, il a traité amplement du thème de la nécessité, pour les catholiques, de s’unir pleinement au Magistère du successeur de Pierre, avec des citations tirées du saint pape Léon et de saint Jérôme.
Dans l’intense partie conclusive, le cardinal Castrillon Hoyos a traité spécifiquement du rite de saint Pie V, précisant en toutes lettres que ce vénérable rite “ ne peut être considéré comme éteint ” et que “ l’antique Rite Romain conserve son droit de cité dans l’Eglise ”, dans la diversité des rites catholiques, soit latins soit orientaux.
Le célébrant a ensuite justifié pleinement l’utilisation du Missel Romain de saint Pie V avec une citation du concile Vatican II : “ la sainte Mère l’Eglise considère comme égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus, et elle veut, à l’avenir, les conserver et les favoriser de toutes manières ” (Sacrosanctum Concilium, 4).
Le cardinal Castrillon Hoyos, au nom des présents, a exprimé de vifs sentiments de gratitude au Saint Père, pour l’ “ exquise et paternelle compréhension qu’il montre à l’égard de ceux qui désirent maintenir vivante dans l’Eglise la richesse représentée par cette vénérable forme liturgique ”. Il a rappelé aussi que le rite de saint Pie V a nourri la foi personnelle de Jean-Paul II, dans son enfance, dans son ordination sacerdotale, lors de sa Première messe, dans sa consécration épiscopale, et jusqu’à la fin des années soixante.
En conclusion de son homélie, avec des paroles très diplomatiques, le cardinal a rappelé aussi les difficultés rencontrées par les fidèles traditionalistes dans beaucoup de diocèses et a cité les paroles du Pape : “ Soyez immensément reconnaissants au Saint Père pour l’invitation adressée aux évêques du monde entier “d’avoir une compréhension et une attention pastorale renouvelée pour les fidèles attachés à l’ancien rite“. ”
Après la conclusion de cette cérémonie solennelle, au chant du Christus vincit, cinq réflexions me sont venues à l’esprit :
1. Remerciement dévot et filial envers le Saint Père Jean-Paul II, envers le célébrant, les cardinaux et les prélats présents, pour la sensibilité manifestée.
2. Sentiments de filiale reconnaissance pour l’œuvre accomplie, dans les si tristes années soixante-dix, par Mgr Lefebvre, pour la défense de la Sainte Messe et du sacerdoce catholique, et dont de si  nombreux fidèles ont reçu les fruits.
3. Si dans les années 1976-77, de la part des autorités romaines, s’étaient manifestées la même compréhension et la même sensibilité que dans cette période récente, Mgr Lefebvre non seulement n’aurait jamais été frappé de la déconcertante suspens a divinis, mais à l’occasion de la Sainte Messe de Lille et des ordinations sacerdotales du 29 juin 1976, il aurait reçu un message de félicitations de la part de la Secrétairerie d’Etat, avec la Bénédiction apostolique !
4. Si dans les années soixante-dix et quatre-vingts, il y avait eu une célébration comme celle de Sainte-Marie-Majeure, Mgr Lefebvre, intrépide défenseur du rite de saint Pie V, y aurait-il assisté ? Je crois certainement que oui !
5. Les importantes affirmations du cardinal Castrillon Hoyos sur la “ non-extinction ” du rite de saint Pie V et sur le plein droit de cité dans l’Eglise du même vénérable rite, n’ont-elles pas besoin maintenant d’une sanction légale, par le moyen d’une notification de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, communiquée à tous les évêques, clarifiant ainsi toutes les vicissitudes et surmontant beaucoup d’hostilité préconçue ?
Avv. Stefano Gizzi
Président de l’Académie des Beaux-Arts de Frosinone
Conseiller communal de Ceccano

Vers un accord avec la FSSPX ?
Le souhait exprimé par Stefano Gizzi dans sa cinquième et dernière “ réflexion ” n’est pas un vœu pieux. D’autres sources apportent des informations qui laissent présager un accord possible entre la FSSPX et le Saint-Siège.
Dans la récente encyclique, Ecclesia de Eucharistia, Jean-Paul II avait annoncé la préparation, en cours, de “ normes liturgiques ”, “ avec des rappels d’ordre également juridique ”. La Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des sacrements, dirigée par le cardinal Arinze, est chargée de la préparation de ces normes. Selon des sources fiables et sérieuses, cet important document, à paraître entre octobre et décembre prochain, contiendra des normes strictes pour en finir avec “ la Messe autofabriquée ” (selon la propre expression du cardinal Arinze) mais aussi une plus large faculté concédée aux prêtres pour célébrer la messe selon le rite traditionnel.
Dans un propos rapporté dans la Croix, le 30 avril dernier, Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, voyait comme “ un geste important de la part de Rome ” la célébration annoncée à Sainte-Marie-Majeure pour le 24 mai. Il souhaitait aussi : “ Rome doit reconnaître que la messe de saint Pie V n’a jamais été abrogée ”. L’homélie du cardinal Castrillon Hoyos est venue répondre à cette demande. Enfin, Mgr Fellay souhaitait que “ Rome libéralise encore plus la célébration du rite tridentin ”. Les normes en préparation par la Congrégation pour le Culte divin contiendront, peut-être, cette autorisation sans préalable.
Si tel était le cas, une des deux conditions préalables posées par la FSSPX pour une réconciliation “ avec Rome ” serait remplie (l’autre étant la levée de l’excommunication de 1988). Mais rien n’assure, pour le moment, que le document en préparation à Rome concède une liberté complète et inconditionnelle pour le rite traditionnel.
En attendant, la FSSPX n’a pas rompu toutes relations avec le Saint-Siège, à l’inverse de ce qu’ont cru certains. Le père Georges Cottier, O.P. , Théologien de la Maison Pontificale, consulteur de plusieurs Congrégations romaines, reste en dialogue officieux avec des prêtres de la FSSPX mandatés par leur Supérieur général.
Celui-ci, dans un long entretien accordé au Giornale (25.4.2003), sans citer les noms d’interlocuteurs, a reconnu : “ Les négociations continuent, elles ne sont pas mortes ”. Il a aussi porté un jugement “ très positif ” sur la récente encyclique sur l’Eucharistie. Contre le maximalisme de certains de ses prêtres, il a rappelé encore le jugement de la FSSPX sur la “ nouvelle messe ” : “ nous n’avons jamais dit que la messe de Paul VI était invalide et encore moins l’avons-nous jamais définie “hérétique“. Nous la considérons cependant nuisible et dangereuse pour la foi, parce qu’elle n’exprime pas clairement tout ce qui devrait être dit dans la messe. ”
Le 10 mai dernier, dans le quotidien Présent, Jean Madiran estimait : “ La célébration du samedi 24 mai sera une étape solennelle (peut-être l’avant-dernière) dans la lente sortie de l’ostracisme injuste qui depuis trente-trois ans frappe la messe traditionnelle ”. Elle aura été aussi, peut-être, une des dernières étapes avant la réconciliation de la FSSPX avec le Saint-Siège.

24 mai 2003

Homélie du Cardinal Hoyos - 24 mai 2003
Le 24 mai 2003 le Cardinal Hoyos, président de la Commission Ecclesia Dei, a célébré devant plusieurs milliers de fidèles une messe tridentine en la Basilique Sainte Marie Majeure, à Rome. Voici l'homélie qu'a prononcée le Cardinal.
Loué soit Jésus-Christ !
Aujourd'hui trois figures attirent notre regard de croyants, dans cette Basilique Patriarcale de Sainte-Marie-Majeure: Marie la Très Sainte, le Pierre d'aujourd'hui, et Saint Pie V.
1. MARIE, LA TRÈS SAINTE MÈRE DE DIEU
Tournons donc notre premier regard vers Marie la Très Sainte, la Mère de Dieu, la Theotokos.
La Divine Providence nous a réunis dans cette Basilique, première église mariale de Rome et de l'occident, nous qui sommes des catholiques de différentes parties du monde unis dans la même foi. Nous nous adressons à Vous, Mère de Dieu, heureux d’avoir été accueillis dans votre maison, dans le cadre de cette année du Rosaire proclamée par le Saint-Père.
Salve, sancta Parens, enixa puérpera Regem, qui caelum terramque regit in saecula saeculorum.
Dans ce saint temple, tout nous parle du mystère de l'incarnation du Verbe de Dieu dans le sein de la Vierge Marie. Ici, elle nous apparaît dans son rapport permanent avec le mystère auguste de la Trinité Sainte. Le Père qui, dans son dessein de salut, a voulu envoyer son Fils vers le monde, demande à Marie de Nazareth son adhésion et son consentement. L'Esprit Saint la féconde, arche de la nouvelle alliance, temple d'or. Et voilà le miracle: ecce concipies in utero et paries filium et vocabis nomen eius Iesum. Marie donne chair au Verbe éternel (cf. Lc. 1, 30-38).
Mais ce temple ne nous reporte pas seulement en esprit à Bethléem, à cet "et incarnatus est" de notre profession de foi : la "confession" sous cet autel, avec les reliques de la mangeoire que l’on y vénère, en perpétue le souvenir. Cette basilique nous reporte aussi à notre commune espérance en la résurrection et en la gloire. Il suffit de contempler la splendide mosaïque de l’abside: Marie, depuis l’annonciation jusqu’à sa glorieuse assomption.
C'est toute l'existence de Marie la Très Sainte, présentée à la contemplation priante du croyant. C'est le mystère de toute notre existence qui est reproduit ici.
En effet, une des intuitions du Concile Œcuménique Vatican II, en continuité avec toute la Traditio Ecclesiae, consiste à faire le lien entre la Très Sainte Vierge Marie et l'Eglise, dont elle est l’icône la plus éloquente. Le chapitre VIII de la Constitution dogmatique Lumen gentium est dédié à la "Très Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu dans le mystère du Christ et de l'Église." "Reconnue et honorée comme la vraie mère de Dieu et du Rédempteur", elle est, également, "la fille préférée du Père et le temple de l'Esprit Saint"; et elle est dans le même temps, "un membre singulier de l'Eglise et son image, son meilleur modèle dans la foi et dans la charité, et l'Eglise catholique, enseignée par l'Esprit Saint, la vénère d’une affection de pitié filiale comme sa mère très aimée" (Lumen gentium, n. 53).
Le même Concile nous présente ainsi la Sainte Vierge comme étant toujours présente aux vicissitudes quotidiennes de l'Eglise, de chacun de ses membres, et une fois de plus il la rend présente à nos affections: l'Auxilium Christianorum. En elle nous contemplons toute la beauté de l'Eglise telle qu'elle a été pensée et qu’elle est née dans le cœur divin de son Fondateur, chez qui tout est lumière, et chez qui il n’y a pas d’ombres. Ces dernières, dans notre chemin historique, viennent de la nature humaine de ses membres, pauvres pécheurs qui ont toujours besoin de conversion et de salut.
2. LE SUCCESSEUR DE PIERRE
La seconde figure qui est intensément présente aujourd'hui, c'est la personne vénérée du Saint-Père, l’Évêque de Rome et, en tant que tel, le Successeur de Saint Pierre. Il est – comme l’enseigne le Concile Vatican II en continuité avec Vatican I - "le principe et fondement perpétuel et visible de l'unité, tant des Évêques que de la multitude des fidèles" (Concile Œcuménique Vatican II, Const. Lumen gentium, 23; cf. Concile Vatican I, const. Pastor Aeternus, introduction, DZ 3050-3051).
Au milieu des flots de l'histoire, il est "le Roc." C’est là l'expression araméenne utilisée par le Divin Fondateur de l'Eglise à propos de Simon, telle que la rapporte le chapitre 16° de l'Évangile de Saint Matthieu. Mais pour mieux comprendre la pensée du Christ sur le Roc, l'épilogue du chapitre VII du même évangile nous éclaire. Pour Jésus le roc, la pierre, c’est la fondation : si le bâtiment repose sur elle, la tempête la plus terrible peut bien se déchaîner, la maison résiste. La consistance du nom conféré à Pierre est donc claire. Le concept de Pierre contient celui de consistance, de résistance, de cohésion, de fermeté, de solidité et de force.
Avec l'éloquence qui le caractérise, Saint Léon le Grand enseignait: "Cette disposition de la Vérité demeure à jamais; et Pierre, en persévérant dans cette solidité de la pierre qui lui a été assignée, n'a plus abandonné le gouvernail de l'Eglise. En effet, il a été préposé à tous les autres, de sorte que, quand on l’appelle ‘pierre’, quand on le dénomme ‘fondement’, quand il est constitué ‘gardien du royaume des cieux’, quand il est préposé comme arbitre de l’œuvre de lier et de délier dont les jugements resteront stables jusque dans les cieux, il nous est donné de connaître quelle est son union avec le Christ à travers le mystère de ces surnoms" (S. Léon le Grand, Sermo 3).
C’est à Jean Paul II, notre Pape bien-aimé, que vont notre pensée, notre prière et notre profond et affectueux sens de la communion ecclésiale. Au cours de ces vingt-cinq ans, sa vie et son ministère apostolique suprême sont caractérisés par la défense infatigable de la Vérité, par le dévouement total à la cause de l'unité de l'Eglise et par l'œuvre pastorale prophétique et courageuse pour la promotion de la vraie et juste paix entre les peuples et entre tous les hommes. Plus sa personne physique semble fragile, et plus fort se dresse son rôle moral et spirituel devant l'humanité. "Et toi, confirme tes frères!" (Lc 22, 32).
Nous sommes plus que jamais conscients des orages et des défis qui se présentent pour le Corps Mystique du Christ. Tel est le sort de l'Eglise, divine dans son essence et humaine dans ses membres. Nous souffrons de tant de contradictions, que la nature humaine et le péché peuvent infliger à l'histoire tourmentée de notre humanité et à la marche de l'Eglise, en pèlerinage vers la Patrie définitive. Mais nous sommes invités à renouveler constamment notre confiance au Seigneur de l'Histoire, Fondateur et Tête invisible de son Corps Mystique: "N'ayez pas peur... J'ai vaincu le monde" (Jn 16,33).
L'Eglise est victorieuse de par l'assistance permanente de l'Esprit Saint, garant de la continuité de la foi catholique: "et les portes de l’enfer ne prévaudront point" (Mt 16, 18). Victorieuse, parce que dans les Sacrements nous est garantie la grâce qui transforme et qui sanctifie. L'Eglise est victorieuse, parce que construite sur le roc de Pierre, qui n’est autre que le roc même du Christ. Victorieuse, parce que la communion avec les Pasteurs légitimes garantit cette note de catholicité, indispensable pour rester dans la société mystique du Corps du Christ. L'Eglise est victorieuse en ses Saints: comme sont nombreuses et emblématiques les figures de sainteté sublime par lesquelles le Saint-Père a étendu le sanctoral, et qu'il nous a proposées au cours de ce quart de siècle de Souverain Pontificat!
"Duc in altum!" s'exclame Jean Paul II, et en lui c’est la voix même du Bon Pasteur qui résonne. "Hommes de peu de foi, pourquoi doutez-vous?." "Jetez vos filets pour la pêche... Duc in altum!" Et la pêche devient abondante (cf. Lc 5, 4).
"Duc in altum!" Nous voulons prendre le large dans la barque de Pierre. Avec Saint Léon le Grand, nous voulons réaffirmer notre foi: "La solidité que lui, Pierre devenu pierre, a reçu de la pierre qui est le Christ, se propage aussi dans ses héritiers..." (St Léon, Sermo 5). Nous voulons dire avec Saint Jérôme: "Je ne veux suivre aucune autre primauté que celle du Christ; c’est pour cela que je me mets en communion avec la chaire de Pierre" (Epistola ad Damasum).
Ici nous prions avec celle qui est l'Auxilium Christianorum pour entourer le Vicaire du Christ de la chaleur de notre affection, et nous le faisons avec la réalité la plus puissante qui soit: le saint sacrifice de la Messe dans lequel « s'accomplit l'œuvre de notre Rédemption » (Conc. Vat. II, Const. Sacrosantum Concilium, n. 2). Réalité absolument toute-puissante, en tant qu’il renouvelle, de manière non sanglante, l'unique Sacrifice de la Croix, en rendant substantiellement présents le Corps et le Sang du Christ. L'unique Sauveur représente et réactualise constamment dans la Messe le fruit infini du Sacrifice sanglant de la Croix, offert pour le rachat de nos péchés.
3. LE VÉNÉRABLE RITE DE SAINT PIE V
Aujourd'hui une coïncidence providentielle nous permet de rendre son culte à Dieu en célébrant le divin Sacrifice selon le rite romain qui prit forme dans le Missel dit de Saint Pie V ; ses dépouilles mortelles reposent justement dans cette Basilique. Voilà la troisième figure, bien présente à cette célébration.
Vous-mêmes, très chers fidèles, particulièrement sensibles à ce rite qui a constitué pendant des siècles la forme officielle de la Liturgie romaine, vous avez pris l'initiative de cette célébration d'aujourd'hui. Et j'ai été heureux de pouvoir répondre à cette demande – qui va bien au-delà du nombre que vous êtes – tant parce qu’elle était motivée par une dévotion filiale au Saint-Père, à l’approche du vingt-cinquième anniversaire de Son Pontificat, et tant pour reconnaître les fruits de sainteté que le Peuple chrétien a obtenu de la Sainte Eucharistie dans le cadre de ce rite.
On ne peut pas considérer que le rite dit de Saint Pie V soit éteint, et l'autorité du Saint-Père a exprimé son accueil bienveillant envers les fidèles qui, tout en reconnaissant la légitimité du rite romain renouvelé selon les indications du Concile Vatican II, restent attachés au rite précédent et y trouvent une nourriture spirituelle solide dans leur chemin de sanctification. D'ailleurs le même Concile Vatican II déclarait que "... la sainte Mère l’Eglise tient pour égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus, et elle veut qu’à l’avenir ils soient conservés et favorisés de toute façon ; le Concile désire que là où c’est nécessaire, ils soient intégralement révisés avec prudence, dans l'esprit de la saine tradition, pour leur donner une nouvelle vigueur en fonction des circonstances et des besoins de notre époque" (Conc. Oecum. Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 4).
L'ancien rite romain conserve donc dans l'Eglise son droit de citoyenneté au sein de la multiformité des rites catholiques tant latins qu'orientaux. Ce qu'unit la diversité de ces rites, c'est la même foi dans le mystère eucharistique, dont la profession a toujours assuré l'unité de l'Eglise, sainte, catholique et apostolique.
Jean-Paul II, en célébrant le dixième anniversaire du Motu proprio Ecclesia Dei, exhortait "tous les catholiques à accomplir des gestes d'unité et à renouveler leur adhésion à l'Eglise, pour que la diversité légitime et les sensibilités différentes, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres, mais les poussent à annoncer l'évangile ensemble; ainsi – poursuivait le Saint-Père - stimulés par l'Esprit qui fait concourir tous les charismes à l'unité, tous pourront glorifier le Seigneur et le salut sera proclamé à toutes les nations" (OR, le 26-27 octobre 1998, p. 8).
Tout cela est un motif de gratitude spéciale envers le Saint-Père. Nous sommes reconnaissants de cœur pour la compréhension exquise et paternelle qu'Il témoigne à ceux qui désirent maintenir vive, dans l'Eglise, la richesse que représente cette vénérable forme liturgique ; elle a nourri son enfance et sa jeunesse, elle a été celle de son ordination presbytérale, de sa première Messe, de sa consécration épiscopale, et elle fait donc partie de sa plus belle couronne de souvenirs spirituels.
Je sais que vous êtes immensément reconnaissants au Saint-Père pour l'invitation qu’il a adressée aux Évêques du monde entier "à avoir une compréhension et une attention pastorale renouvelée pour les fidèles attachés à l'ancien rite; et, au seuil du troisième millénaire, à aider tous les catholiques à vivre la célébration des saints mystères avec une dévotion qui soit un vrai aliment pour leur vie spirituelle et qui soit source de paix" (OR le 26-27 octobre 1998, 8).
Cette dévotion, comme l’enseignait l'Aquinate, doit être la plus haute possible, "propter hoc quod in hoc sacramento totus Christus continetur" (III q. 83, à. 4, à 5).
Nous sommes tous appelés à l'unité dans la Vérité, dans le respect réciproque de la diversité des opinions, sur la base de la même foi, en procédant "in eodem sensu" et en se souvenant du dicton augustinien: "In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas".
CONCLUSION
Au nom de vous tous, et de tous ceux qui aujourd'hui s'associent à nous dans cette célébration, je répète avec la Sainte Eglise, à la Très Sainte Trinité qui nous a donné Marie comme auxiliatrice: "concede propitius, ut, tali praesídio muniti certantes in vita, victóriam de hoste malígno cónsequi valeámus in morte." (Missale Romanum, Messe du jour, Collecte).
Loué soit Jésus-Christ.

10 mai 2003

"Traditionnel et Catholique, en Union avec le Saint Siège" - conférence de Mgr Rifan à Londres, le 10 mai 2003.
Mgr Fernando Arêas Rifan dirige l’Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney.
Mesdames et Messieurs les Directeurs du Centre International d'Études Liturgiques du Royaume-Uni - CIEL-UK – à l'invitation de qui je dois la grande joie d’être ici présent, Mes très Révérends Pères
Mesdames et Messieurs les Membres du CIEL-UK, Très chers frères et amis de la Liturgie Traditionnelle, Mesdames et Messieurs.
Il me faut tout d’abord remercier le CIEL-UK en la personne de sa présidente Mme Nicole Hall, pour son aimable invitation, pour l'occasion et la joie qu’elle me donne d'être ici, pour la Sainte Messe que nous célébrons et pour cette conférence.
Je remercie surtout Son Eminence le Cardinal Cormac Murphy-o'Connor, Archevêque de Westminster, qui nous a donné très aimablement l’autorisation de cette Messe Pontificale. Je remercie le Père Ignatius Harrison, Supérieur de l'Oratoire de Londres, qui est venu à notre sacre et qui me loge très gentiment ici à Londres.
Je vous remercie tous de votre présence et, d'avance, de votre attention et de votre patience.

INTRODUCTION.
Je vous ai déjà été présenté : je suis Mgr Fernando Arêas Rifan, Évêque titulaire de Cedamusa, Administrateur Apostolique de l'Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney de Campos, Rio de Janeiro au Brésil ; j’ai été consacré évêque le 18 août 2002 par Son Eminence le Cardinal Darío Castrillón Hoyos, préfet de la Congrégation pour le Clergé. Ayant été nommé par le Saint Père le Pape Jean-Paul II évêque coadjuteur de Son Excellence Mgr Licínio Rangel, lors du décès de ce dernier le 16 décembre, je suis devenu automatiquement, selon le Droit Canonique, son successeur, et donc l'Administrateur Apostolique.
Notre Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney est une circonscription ecclésiastique officielle dans l'Église Catholique, érigée par le décret Animarum bonum de la Congrégation pour les Évêques le 18 janvier 2002 ; selon la volonté du Souverain Pontife dans la lettre autographe Ecclesiae unitas du 25 décembre 2001, elle concerne les catholiques attachés aux formes liturgiques de la Liturgie Romaine antérieure à la dernière réforme liturgique de 1969. Pour que vous puissiez mieux comprendre comment tout cela s'est développé, j’aimerais vous raconter un peu de notre histoire.

NOTRE PETITE HISTOIRE À L'INTÉRIEUR DE L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE.
L'Église Catholique ici sur terre est militante, parce qu'elle est toujours en combat contre les ennemis de Dieu et des âmes, de l’intérieur et de l’extérieur, contre les péchés et les hérésies.
A peine sortie des persécutions romaines des trois premiers siècles, l'Église a eu à combattre les grandes hérésies trinitaires et christologiques qui sont apparues en son sein.
Même à l'apogée de la chrétienté médiévale, une époque de grands Saints, les grandes hérésies n’ont pas manqué, qui requirent beaucoup de vigilance de la part de l'Église.
La décadence des mœurs de la Renaissance, cette décadence morale qui a atteint tous les niveaux de l'univers chrétien, du petit peuple jusqu'à la plus haute hiérarchie, a produit comme fruit le protestantisme (la pseudo-réforme) qui a fait et qui fait encore de grands dommages parmi le peuple chrétien, surtout avec ses erreurs sur la prêtrise, sur l’Eucharistie et sur le sacrifice de la Messe. La vraie réforme a été opérée par l'Église à travers le Concile de Trente et le zèle des saints, tels saint Ignace et sa Compagnie de Jésus, saint Charles Borromée et la fondation des séminaires, saint Pie V et la codification de la Liturgie.
À la fin du XVIIIè siècle, vint la Révolution Française avec sa proclamation des droits de l'homme indépendamment des droits de Dieu, avec le laïcisme des États et les libertés modernes, avec une violente persécution de l'Église.
Ensuite, au XIXè siècle, c’est le libéralisme qui a prédominé, condamné par l'Enseignement de l'Église.
Au début du XXè siècle, Saint Pie X a condamné le modernisme dans l'Église, ce résumé de toutes les hérésies. Dans le domaine social apparaissait le communisme, fruit de la philosophie marxiste, destructeur de la société chrétienne et grand persécuteur de l'Église. Deux guerres mondiales ont servi pour augmenter la laïcisation et la déchristianisation de la société.
Et beaucoup d'erreurs, déjà condamnés par l'Église, ont commencé à se réintroduire dans les rangs catholiques. Le Saint-Père Pie XII a renouvelé la condamnation de ces erreurs dans plusieurs encycliques, surtout dans Humani Generis et, dans le domaine liturgique, dans Mediator Dei (1947).
En 1948, Mgr António de Castro Mayer a été nommé évêque de Campos ; c’était un professeur, docteur en Théologie, formé à l'Université Grégorienne de Rome, très fidèle à l'Enseignement de l'Église. Mgr António, à travers ses sermons, ses articles et, surtout, de brillantes Lettres Pastorales, alertait continuellement ses prêtres et ses diocésains contre les erreurs actuelles, déjà condamnées par l'Église, qui s'infiltraient de toute part. Et c’est dans cet esprit de fidélité à l'Église que Mgr António formait ses prêtres.
Ayant participé au Concile Vatican II de 1962 à 1965, Mgr António a cherché à donner aux prêtres et aux fidèles la légitime interprétation de l'"aggiornamento" désiré par le Pape Jean XXIII, mettant en garde contre ceux qui, profitant du Concile, cherchaient à faire revivre dans l'Église le modernisme et son ensemble d'hérésies, en mettant en place ce que le Pape Paul VI dénoncera comme l’ "autodémolition de l'Église".
Après le Concile, une grande crise, sans précédents, s'est installée dans l'Église, avec des apostasies de prêtres et de religieux à grande échelle, une désacralisation de la liturgie, une laïcisation du clergé, une diminution des vocations, la sécularisation des séminaires, un œcuménisme irénique, un syncrétisme religieux, etc. Comme l’a dit le Pape Jean-Paul II : "On a répandu à pleines mains des idées contraires à la vérité révélée et enseignée depuis toujours ; de véritables hérésies ont été diffusées dans les domaines de la dogmatique et de la morale... même la Liturgie a été violée" (Allocution au Congrès des Missions, 6/2/1981).
Au milieu de la crise générale, Mgr António a cherché à préserver son Diocèse dans la vraie doctrine catholique, en formant des prêtres et en guidant les fidèles.
Après le Concile ont été introduites quelques modifications dans la Liturgie de la Messe, que Mgr António a accepté docilement et a adopté dans le Diocèse. Mais quelques symptômes selon lesquels la réforme liturgique ne marchait pas bien laissaient insatisfait. Le Cardinal Antonelli, membre de la Commission Pontificale pour la Réforme de la Liturgie, admet que la réforme était l’œuvre de "personnes... avancées dans les voies des nouveautés..., sans aucun amour et sans aucune vénération pour ce qui nous avait été transmis" (Il Card. Ferdinando Antonelli et gli sviluppi della riforma liturgica dal 1948 al 1970 - Studia Anselmiana - Rome).
En 1969, arrivait le Novus Ordo Missae du Pape Paul VI, qui n'a pas manqué de laisser perplexes beaucoup de catholiques, même des personnalités importantes comme quelques cardinaux de la Curie Romaine.
C’est avec de telles perplexités que Mgr António écrivit au Pape Paul VI pour exposer sa difficulté de conscience à accepter la nouvelle Messe. Voici un extrait de sa lettre : "En ayant examiné attentivement le 'Novus Ordo Missae'... après avoir beaucoup prié et réfléchi, j'ai jugé de mon devoir, comme prêtre et comme évêque, de présenter à Votre Sainteté mon angoisse de conscience, et de formuler, avec la piété et la confiance filiales que je dois au Vicaire de Jésus-Christ, une supplique... J'accomplis ainsi un impérieux devoir de conscience, en suppliant humblement et respectueusement Votre Sainteté de bien vouloir daigner... nous autoriser à garder l'usage de l''Ordo Missae' de Saint Pie V, dont Votre Sainteté rappelle avec tant d’onction l'efficacité pour propager la Sainte Eglise et pour augmenter la ferveur des prêtres et des fidèles" (Lettre du 12 septembre 1969).
De cette manière, bien que Mgr António n'ait obligé personne (et il y a eu des prêtres qui adoptèrent la messe nouvelle) dans la grande majorité des paroisses du diocèse de Campos, on a conservé officiellement la Messe traditionnelle, dite de Saint Pie V, et toute l'orientation traditionnelle de l'apostolat.
En 1981, Mgr António a été remplacé sur le siège épiscopal de Campos. Les évêques qui l'ont suivi n'étaient pas de la même ligne. Ayant été retirés des paroisses, suivis par des milliers de fidèles qui désiraient la Messe et l'orientation traditionnelle de l'Église, les "prêtres de Campos" se virent dans la nécessité de s’occuper des fidèles qui s’adressaient à eux, et ils ont continué, dans de nouvelles églises et chapelles, à leur donner les sacrements. C’est ainsi que fut créée l'Union Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney. Et, sans aucune intention de faire le moindre schisme dans l'Église, ils ont demandé aux Évêques de la Fraternité Saint Pie X de consacrer l’un de leurs prêtres, Mgr Licínio Rangel, pour s’occuper des fidèles de la ligne traditionnelle. Évêque sans juridiction, avec seulement le pouvoir d'Ordre, sans intention de constituer un diocèse parallèle (1991). Il est clair que cette situation d'urgence n’aurait pas pu durer indéfiniment. Tous aspiraient à ce que tout revienne à la normale.
Lors du Jubilé de l'an 2000, les prêtres de Campos ont fait le pèlerinage de l'Année Sainte à Rome en même temps que la Fraternité Saint Pie X. À cette date, le Cardinal Darío Castrillón Hoyos, le préfet de la Congrégation pour le Clergé, avec l'approbation et la bénédiction du Saint Père le Pape Jean-Paul II, a commencé les conversations en vue d'une régularisation juridique de la situation de ceux que l’on appelle les prêtres et les fidèles de la Tradition.
Les prêtres de l'Union Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney ayant écrit une lettre au Saint Père, demandant à être "acceptés et reconnus comme catholiques", le Pape leur a répondu en les accueillant avec bienveillance, en érigeant, le 18 janvier 2002, l'Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney, avec son Évêque propre et ses prêtres, avec une juridiction personnelle sur les fidèles, avec le droit d'avoir la Messe Traditionnelle comme rite propre (obtenant donc la réalisation officielle de ce que sollicitait Mgr António de Castro Mayer) ; il suspendait toutes les censures et les peines qu’ils avaient éventuellement encouru, régularisant de cette manière leur situation juridique à l'intérieur de l'Église Catholique, reconnaissant canoniquement leur appartenance à l’Eglise et respectant leur réalité ecclésiale et leurs caractéristiques particulières.

MOTIF DE CE QUE L’ON APPELLE ACCORD AVEC LE SAINT SIÈGE
Comme nous l’avons déjà dit, par la lettre autographe Ecclesiae unitas du Saint Père le Pape Jean-Paul II, du 25 décembre 2001, et par le décret Animarum bonum de la Sacrée Congrégation pour les Évêques du 18 janvier 2002, le Saint-Siège a créé l'Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney, pour les catholiques du Rite Tridentin, avec Évêque propre, prêtres, paroisses personnelles et séminaire propre, pour prendre soin des fidèles liés à la Liturgie traditionnelle du rite latin.
Ce fut un événement historique et de grande importance pour l'Église Catholique.
Ce ne fut pas un accord à proprement parler, comme je vais vous l’expliquer.
Si nous considérons l'aspect juridique, à propos de ce qui nous a été accordé, nous pouvons dire qu'il y a eu une concession juridique de la part du Saint-Siège.
Mais si nous considérons les pourparlers et les conversations, ce ne fut pas proprement un accord, mais une compréhension.
Bien que le mot "accord" ait été utilisé dans les pourparlers avec le Saint-Siège, nous considérons qu’il est moins approprié à la circonstance présente. D’abord, parce qu’on ne fait pas d’accord avec un supérieur, et encore moins avec le Pape : on lui doit respect et obéissance, selon les normes de l'Église. En second lieu, parce que "accord" suppose des concessions et des négociations, qui en réalité n’ont pas eu lieu. Le mot qui exprime le mieux ce qui s’est passé est "entente".
En vérité, nous étions connus pour notre part négative et caricaturale : les "prêtres de Campos", "traditionalistes", étaient ceux qui n'acceptaient absolument pas le Pape et qui ne reconnaissaient ni le Concile Vatican II ni la validité du Novus Ordo Missae, la Messe de Paul VI. Il a donc été nécessaire d'exposer notre position véritable qui, une fois "comprise", "entendue" telle qu’elle est, a permis notre approbation et notre reconnaissance comme catholiques, en parfaite communion avec la Sainte Eglise. Il y a donc eu une "entente" et, avec elle, une régularisation juridique.

POURQUOI CHERCHONS-NOUS CETTE UNION AVEC LE SAINT SIÈGE.
Mgr Licínio Rangel a répondu de la manière suivante à la revue internationale 30 Jours : "Ce fut notre amour de Rome et du Pape, notre sens catholique, fruit de la formation que nous avions reçu de Mgr António de Castro Mayer, qui nous ont portés à toujours désirer l'union avec la Hiérarchie de la Sainte Eglise. Nous avons toujours eu conscience de ce que notre position de résistance pour la Tradition (et la situation d'exception qui s’en suivait) se devait d’être circonstancielle, temporaire et limitée à des sujets précis, à l’origine des points aigus de la crise ; une résistance justifiée par l'état de nécessité des âmes, sans aucune intention de schisme. La preuve en est qu’après le décès de Mgr António de Castro Mayer, quand j’ai reçu il y a dix ans un épiscopat d'urgence et de suppléance pour les fidèles de la ligne traditionnelle, j'ai déclaré que j’attendais un changement des circonstances pour remettre au Pape mon épiscopat, pour qu’il en dispose comme il le voudrait. Aucune rupture avec l'Église, donc. Ainsi nous avons toujours soupiré après une régularisation et une reconnaissance. L'occasion est apparue après notre pèlerinage à Rome pour le Jubilé de l'an 2000, quand le Saint Père a nommé le Cardinal Darío Castrillón Hóyos pour, en son nom, commencer des conversations en vue de notre régularisation. Les conversations se sont tenues toute l'année 2001 et, grâce à Dieu, elles sont arrivées à bon terme, avec notre complète reconnaissance canonique au sein de la Sainte Eglise".

LA NÉCESSITÉ D'UNE RECONNAISSANCE
Tout catholique doit être uni à la hiérarchie de l'Église. D'ailleurs, c'est un dogme de la Foi catholique : "Nous déclarons, disons et définissons qu’il est absolument nécessaire au salut que tous les hommes se soumettent au Pontife Romain" (Boniface VIII, Bulle Unam Sanctam, Dz-Sh 875). Et le Magistère de l'Église (Léon XIII - encyclique Satis Cognitum) nous enseigne que l'unité du gouvernement est aussi nécessaire que l'unité de Foi.
Donc, être séparé de la hiérarchie, même matériellement parlant, et même pour une question de nécessité, est quelque chose d’anormal, de temporaire, qui doit prendre fin. C'était bien la pensée de Mgr Marcel Lefebvre, quand, dans les conversations qu’il eût avec le Saint Siège en 1988, il écrivait au Cardinal Ratzinger : "Ayant pu suivre les travaux de la Commission chargée de préparer une solution acceptable pour le problème qui nous préoccupe, il semble, qu’avec la grâce de Dieu, nous nous acheminons vers un accord, ce dont nous sommes très heureux" (lettre du 15/4/1988 - cf. Fideliter - le dossier complet).

DANGER DE SCHISME DANS CET ÉTAT DE SÉARATION
Les prêtres de l'Union Sacerdotale de Campos et Mgr Licínio, après avoir beaucoup réfléchi, ont écrit officiellement le 5 juin 2001 au supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, Mgr Bernard Fellay, avec qui nous étions unis dans les conversations avec le Saint Siège; nous lui présentions 28 raisons graves en faveur de la nécessité d’une reconnaissance, l'alertant du danger de continuer dans cet état anormal de séparation : "En considérant... que la situation actuelle des catholiques de la Tradition, situation de séparation de la hiérarchie, provoquée par la crise de l'Église, outre son aspect anormal, se doit d’être occasionnelle et temporaire, et qu’elle exige donc de notre part un désir ardent de régulariser et de s’unir, et non de se satisfaire de la situation ; en considérant que les effets négatifs de cette séparation anormale se font déjà sentir dans les milieux traditionalistes, provoquant un esprit de critique généralisée et systématique, un esprit d'indépendance, une autosatisfaction de l'anomalie de la situation et un sentiment de détenir personnellement l'exclusivité de la vérité ; en considérant le danger que cette séparation, au fil du temps, bien qu’elle ne signifie l’adhésion à aucun schisme théorique, puisse prendre un esprit de schisme, étant donné l’absence d'unité dans le gouvernement...". (Malheureusement, cette lettre n'a pas obtenu de réponse).
Les exemples que nous connaissons de cet esprit dans les milieux traditionalistes nous ont amenés à réfléchir sur le danger de cette séparation habituelle et systématique : les radicaux finissent par devenir sédévacantistes, schismatiques ou même apostats.
Saint Thomas d'Aquin dit : "On appelle schismatiques ceux qui refusent de se soumettre au Souverain Pontife et ceux qui se refusent à vivre en communion avec les membres de l'Église qui lui sont soumis" (Ii -II, q. 39, art. 1).
Le célèbre théologien espagnol Francisco Suarez enseigne qu'il y a plusieurs manières de devenir schismatique : "sans nier que le Pape soit le chef de l'Église, ce qui serait déjà de l’hérésie, on agit comme s'il ne l'était pas : c'est la manière la plus fréquente..." (De Charitate, de disp. 12, sect. I, n.2, t. XII, p. 733, in Opera Omnia).

OÙ ÉTAIT RÉELLEMENT L'IRRÉGULARITÉ DE LA SITUATION.
La principale irrégularité tenait au Sacre d'un Évêque, et dans le fait de le maintenir contre la volonté du Pape. Donc, à la première occasion, il fallait sortir de cette situation irrégulière, sans quoi il y avait un grave danger de passer d'un état de simple séparation à un schisme réel.
Comme l’a dit le Pape Pie XII dans l'Encyclique Ad Apostolorum Principis : "Aucune autorité en dehors du Pasteur Suprême... aucune personne ni assemblée de prêtres ni de laïcs, ne peut s'arroger le droit de nommer des évêques. Personne ne peut conférer légitimement le sacre épiscopal sans être certain d’en avoir le mandat pontifical. Un sacre ainsi conféré contre le droit divin et humain, et qui est un très grave attentat à l'unité même de l'Église, est puni d'une excommunication...".
De plus, en laissant passer le temps, commencent à apparaître des cas dans lesquels on a besoin du "pouvoir des clés", qu'un évêque sans juridiction ne possède pas ; par exemple, pour déclarer la nullité de mariages, pour séculariser des diacres, pour dispenser de vœux publics, etc. S'arroger de tels pouvoirs ce serait se substituer à la hiérarchie, former une église parallèle, ce qui réellement serait un schisme.
Dans notre cas, même si Mgr Licínio Rangel avait été sacré évêque dans une situation extraordinaire pour prendre soin des fidèles liés à la Liturgie traditionnelle, il aspirait toujours à une normalisation de la situation irrégulière dans laquelle nous nous trouvions, et il avait donc conscience que ce qui est normal pour un catholique c’est d’être uni et soumis à la hiérarchie de l'Église. De la sorte, aussitôt que le Saint Siège a offert l'occasion de régulariser, Mgr Licínio a affirmé : "c’en est fini de l'état de nécessité !" Et il a tout fait pour que les conversations avec le Saint Siège arrivent à bon terme, malgré les pressions subies de la part de ceux qui voulaient continuer dans la marginalité.

LA LUTTE POUR LA MESSE TRADITIONNELLE
Pendant de nombreuses années nous avons combattu et souffert pour maintenir la Messe Traditionnelle. Et maintenant, grâce à Dieu, comme une récompense pour cette lutte, le Saint Père nous a accordé le droit de conserver officiellement dans notre Administration Apostolique la Sainte Messe traditionnelle, codifiée par Saint Pie V, avec tous les sacrements, toute la Liturgie et la discipline traditionnelles.
La création de l'Administration Apostolique venait démontrer au monde qu’il était possible de maintenir la Liturgie Traditionnelle, en parfaite communion avec le Saint Père le Pape, sans avoir besoin de rompre la communion avec lui. On avait enfin accédé à la requête de Mgr António de Castro Mayer quand il demandait au Pape la faculté de continuer avec la Messe traditionnelle.
Ainsi nous conservons, avec les bénédictions du Saint Père le Pape, la Messe Tridentine parce que c'est une authentique richesse de la Sainte Eglise Catholique, une Liturgie qui a sanctifié beaucoup d'âmes, une Messe à laquelle les Saints ont assisté, une Messe qui, par sa façon claire et sans ambiguïté d’exprimer les dogmes eucharistiques, est devenue une authentique profession de Foi, un symbole de notre identité catholique, un vrai patrimoine théologique et spirituel de l'Église qu’il importe de maintenir.
Comme l’a bien dit le Cardinal Castrillón Hoyos, préfet de la Sacrée Congrégation pour le Clergé : "Le rite antique de la Messe sert précisément à beaucoup de personnes pour maintenir vif ce sens du mystère… Le rite sacré, avec le sens du mystère, nous aide à pénétrer avec nos sens dans l’enceinte du mystère de Dieu. La noblesse d’un rite qui a accompagné l’Eglise pendant tant d’années vaut bien la peine de ce qu’un groupe choisi de fidèles maintienne l’appréciation de ce rite, et l’Eglise par la voix du Souverain Pontife l’a compris ainsi quand elle demande qu’il y ait des portes ouvertes pour la célébration... Nous célébrons ensemble un beau rite, rite qui fut celui de nombreux saints, une belle messe qui a rempli les voûtes de nombreuses cathédrales et qui fit résonner ses accents mystèriques dans les petites chapelles du monde entier..." (extraits de l'homélie pendant la Messe St Pie V qu’il a célébré à Chartres le 4 juin 2001).
Le Pape J-P II a dit la même chose, à propos de la Messe traditionnelle, quand il l’a proposée comme modèle de révérence et d’humilité pour tous les célébrants du monde : "Le Peuple de Dieu a besoin de voir dans les prêtres et dans les diacres un comportement plein de révérence et de dignité, capable de l'aider à pénétrer les choses invisibles, même avec peu de mots et d’explications. Dans le Missel Romain, dit de Saint Pie V... nous trouvons de splendides oraisons par lesquelles le prêtre exprime le plus grand sens d'humilité et de révérence face aux saints mystères : elles révèlent la substance même de toute la Liturgie" (J-P II, message à l'Assemblée Plénière de la S. Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, sur le thème, Approfondir la vie liturgique au sein du Peuple de Dieu, le 21/9/2001).
Mais, aimer, défendre et conserver la Messe traditionnelle ne signifient pas considérer la Nouvelle Messe en elle même comme hérétique, sacrilège, peccamineuse ou illégitime. Cela irait contre le dogme de l’indéfectibilité de l'Église.
Nous avons dit dans notre déclaration que nous reconnaissons la validité du Novus Ordo Missae, promulgué par le Pape Paul VI, chaque fois qu’il est célébré correctement et avec l'intention d'offrir le vrai Sacrifice de la Sainte Messe.
D'ailleurs, c’était déjà l'enseignement de Mgr de Castro Mayer et aussi de Mgr Lefebvre ; dans la déclaration doctrinale de l'accord que ce dernier a révisé et signé, on lit ceci : "Nous déclarons en outre reconnaître la validité du Sacrifice de la Messe et des Sacrements célébrés avec l'intention de faire ce que fait l'Eglise et selon les rites indiqués dans les éditions typiques du Missel et des Rituels des Sacrements promulgués par les Papes Paul VI et J-P II". (Fideliter, le dossier complet).
Pourquoi avons-nous fait cette exception "chaque fois qu’il est célébré correctement et avec l'intention d'offrir le vrai Sacrifice de la Sainte Messe" ?
Parce que, si le prêtre célèbre la Messe avec l'intention de ne faire qu’un repas communautaire ou une simple réunion avec le récit de la Cène du Seigneur, sans l'intention d'offrir le vrai sacrifice de la Messe, il est clair que la validité de cette messe sera affectée.
En outre, il faut déplorer des messes, même valides, dans lesquelles "la Liturgie a été violée", comme l’a dit le Pape J-P II (Allocution au Congrès des Missions, 6/2/1981), ou dans lesquelles la "Liturgie dégénère en 'show', où on essaye de rendre la religion intéressante à l’aide de folies à la mode... avec des succès momentanés de la part du groupe des fabricants liturgiques", comme critique le Cardinal Ratzinger (Introduction au livre La Réforme Liturgique, de Mgr. Klaus Gamber, p. 6). Et encore, comme l’a dit le Cardinal Gagnon, président du Comité Pontifical pour les Congrès Eucharistiques Internationaux, "On ne peut ignorer cependant que la réforme (liturgique) a donné lieu à beaucoup d'abus et a conduit dans une certaine mesure à la disparition du respect dû au sacré. Ce fait doit malheureusement être reconnu et disculpe un bon nombre de ceux qui se sont éloignés de notre Église ou de leur ancienne communauté paroissiale" (...) (Integrismo e conservatismo", Interview du Card. Gagnon, "Offerten Zitung - Römisches", nov.déc. 1993, p.35)..
Il est clair que l'Église vit une grande crise. C’est une des raisons pour lesquelles nous gardons la Messe Traditionnelle. Comme l’a bien dit le Cardinal Ratzinger, actuel préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, "la crise ecclésiale, dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, dépend en grande partie de l'effondrement de la Liturgie" (Card. Ratzinger - La mia vita, p. 113). Donc, pour notre plus grande tranquillité et sécurité, nous conservons à notre Administration Apostolique, avec tout l'amour et la dévotion, en vertu de la faculté que nous a accordée le Saint Père le Pape, la Liturgie et la discipline liturgique traditionnelle comme notre rite propre, ce grand trésor de l'Église comme une authentique profession de foi catholique, en parfaite communion avec le Siège de Pierre. Et vous faîtes de même ici. Et j'aimerais faire l'éloge du CIEL-UK et de tous les catholiques qui aiment et s'efforcent de faire aimer la Liturgie Traditionnelle, et le Saint Père nous rassure en nous disant que notre attachement à la tradition liturgique du Rite Romain est légitime.
Par conséquent, comme je l’ai écrit dans ma première Lettre Pastorale, nous conservons la Tradition et la Liturgie traditionnelle, en union avec la Hiérarchie et avec l'Enseignement vivant de l'Église, et non en nous y opposant. Et la création de notre Administration Apostolique démontre que cela est parfaitement possible. Il est possible d'être catholique et traditionnel, en parfaite communion avec le Saint-Siège.

EN CONCLUSION
Nous aimons la Sainte Messe comme le centre de notre vie catholique, et comme la forme d'expression de notre foi et de notre adhésion à Notre Seigneur et à la Sainte Eglise.
Nous aimons la Messe Traditionnelle, ce grand trésor de la Sainte Eglise, claire profession de notre Foi catholique, en union avec la Hiérarchie et l'Enseignement vivant de l'Église.
Nous aimons le Saint Père le Pape et nous prions toujours pour lui.
Nous prions pour que Dieu remporte la victoire sur les ennemis de son Église : "ut inimicos Sanctae Ecclesiae humiliare digneris, te rogamus, audi nos" (Litanies des Saints).
Nous restons unis dans la prière.
Que tout serve à la plus grande gloire de Dieu, au triomphe de la Sainte Eglise et au salut de nos âmes
Que Notre Dame, Mère de l'Église, nous garde dans son coeur immaculé.

6 mai 2003

« Le bilan est positif » !
Entretien avec Mgr Rifan ( Campos - Brésil ) dans La Nef du 6 Mai 2003
Mgr Rifan est, depuis la mort de Mgr Rangel le 16 décembre dernier, le supérieur de l’Administration apostolique, érigée, par le Saint Siège à Campos au Brésil le 18 janvier 2002. Mgr Rifan a été sacré évêque le 18 août 2002. Il tire pour nous un premier bilan de cette expérience La Nef : cela fait maintenant plus d’un an que votre administration a été érigée par Rome : quel premier bilan en tirez-vous ?
La crise dans l’Eglise continue et, dans ce contexte où toutes les expériences sont tentées, Mgr Lefebvre avait demandé au pape de pouvoir faire « l’expérience de la tradition » : c’est ce que nous faisons avec l’administration apostolique, en pleine communion avec Rome, c’est bien plus que cela. Le bilan est donc très positif.
La Nef : Quels contacts et relations y a-t-il entre le diocèse de Campos et votre administration apostolique ?
Malgré le fait que nous soyons rituellement et juridiquement indépendants, nous sommes sur le même territoire que le diocèse de Campos, il y a donc nécessité d’entretenir un bon voisinage, une convivialité avec le diocèse local, spécialement avec son évêque Mgr R Guimaraes à qui je rends souvent visite. D’ailleurs, Dom Roberto , qui fut mon professeur au séminaire diocésain et qui comme moi fut ordonné par Mgr Castro Mayer, a donné et donne tout son appui à l’Administration, et respecte totalement notre indépendance et nos caractéristiques propres.
La Nef : Depuis que vous êtes évêque, qu’est-ce qui a changé dans votre regard sur l’Eglise ?
Peut-être ai-je maintenant une vision plus universelle de l’Eglise, et une compréhension plus précise de la crise. Bien que gardant les principes que j’ai toujours défendus et dénonçant les erreurs que j’ai toujours combattues, un certain examen de conscience s’est avéré necessaire, et la rectification de certaines attitudes pour qu’elle puissent être plus conformes aux principes que nous défendons.
C’est une question de cohérence.
La « résistance traditionaliste » est née avec le concile Vatican II et s’est surtout développée à l’occasion de la promulgation du Nouvel Ordo :
Comment analysez-vous aujourd’hui cette résistance ?
Cette « résistance traditionaliste », qui a existé et existe encore, est acceptable quand elle est faite de manière constructive, pleine d’amour pour la Sainte Eglise et de respect pour l’autorité constituée. Le concile Vatican II a permis au modernisme de redresser la tête : au nom du concile – devenu « le » concile, comme s’il était le seul et comme si l’Eglise avait commencé à ce moment là - ; et profitant de ses imprécisions, on a introduit des nouveautés qui ont essayé de détruire le passé et la Tradition de l’Eglise et qui ont occasionné bien des dégâts. L’ »aggiornamento » voulu par le bienheureux Jean XXIII a été particulièrement mal interprété et appliqué. Paul VI a nommé cette crise « l’autodestruction de l’Eglise » et a affirmé que la fumée de Satan est entré dans le peuple de Dieu » (29 juin 72).
Le pape aussi a déploré qu’ "ont été répandues des mains pleines d’idées contraires à la vérité révélée et enseignée : de vraies hérésies dans les champs dogmatiques et moraux se propagent…La liturgie aussi a été violée". Il est clair que la réaction ou la résistance à ces dérives devaient arriver.
Vous avez déclaré plusieurs fois que vous acceptiez le concile Vatican II à condition qu’il soit ont interprété conformément à la tradition : cela signifie-t-il clairement pour vous que le concile ne marque pas de rupture fondamentale dans le Magistère de l’Eglise ?
Comme je l’ai déjà expliqué, nôtre résistance doit être constructive et non destructive. Sinon avec une main, on construit , et avec l’autre on détruit. On n’a pas le droit de combattre l’hérésie en tombant dans le schisme et vice et versa.
Dans notre déclaration, à l’occasion de notre entente avec le Saint Siège, nous avons dit cela :
« Nous reconnaissons le concile Vatican II comme un des conciles œcuméniques de l’église catholique, l’acceptant à la lumière de la tradition Sacrée ».
Le pape montre l’exemple quand il parle de la « doctrine intégrale du concile » qui, explique-t-il, est là « doctrine comprise à la lumière de la Sainte Tradition et se rapportant au magistère constant de l’Eglise ».Les enseignements du concile doivent donc être acceptés en accord avec tout l’ensemble du magistère de l’Eglise et à la lumière de la tradition. S’il y a des critiques à faire, elles doivent tenir compte des degrés d’autorité du magistère et être respectueuses et constructives, sous peine de pécher contre l’indéfectibilité de l’Eglise. Dieu qui permet ces crises dans l’Eglise, nous donne dans cette même Eglise, à travers son magistère, les moyens de les résoudre. Notre Seigneur est fidèle à ses promesses :
« les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ».
Avant ces accords avec Rome, vous étiez très proche de la Fraternité ST Pie X : Quelles sont vos relations avec depuis ?
Nous avons essayé d’être le plus cordial possible avec la FSPX et ses supérieurs, mais depuis que nous les avons informés que nous avions de sérieuses raisons de poursuivre les contacts avec Rome qu’eux mêmes ne souhaitaient pas maintenir, ils ont commencés à nous critiquer sévèrement, cherchant même à nous déshonorer en soupçonnant nos intentions et en cherchant à créer des divisions chez nos fidèles
Après notre reconnaissance par le Saint Siège, les dirigeant de la FSPX ont retiré notre nom de la liste des messes traditionnelles et on commencé à promouvoir des messes aux endroits où nous célébrons.
Voudraient-ils dire que la messe traditionnelle est bonne uniquement quand elle est séparée de la Hiérarchie ? Mais grâce à Dieu nos fidèles arrivent à discerner l’amour de la messe traditionnelle de ce mauvais esprit qui fait de la messe une bannière contre la hiérarchie.
Mgr Williamson, dans une lettre publique aux amis et bienfaiteurs, a affirmé que :
« Campos est tombé… dans les griffes de la Rome néo-moderniste… a coulé dans les eaux de l’apostasie… Les prêtres de Campos perdirent leur santé mentale et tombèrent dans la folie et la traîtrise de Rome…
L’abbé de Tanouarn de ST Nicolas du Chardonnet, a écrit que notre Administration « a été conçue de manière diabolique, comme une réserve d’Indiens ». Ces attaques sont regrettables et ne servent pas la cause qu’ils prétendent défendre.
Comment voyez-vous l’avenir de la FSPX et un accord avec Rome vous semble-t-il toujours possible ?
Certains prêtres de la FSPX souhaitent un accord avec Rome, mais visiblement pas ses responsables. Malheureusement la FSPX a cherché à conservé son unité par la peur.
Certains prêtres, qui nous approuvent, nous écrivent, mais ils le font en secret, car il est très dangereux d’être en désaccord avec les supérieurs de la fraternité. On peut critiquer le pape tranquillement, mais pas les supérieurs de la Fraternité… Et il y a des punitions pour tous ceux qui, publiquement, sortent de la ligne officielle : l’abbé Aulagnier a été réduit au silence complet et exilé au Canada pour avoir approuvé notre Administration apostolique et pour avoir assisté à mon sacre épiscopal.
L’opposition vis-à-vis du Saint Siège est chaque fois plus dure et plus radicale. Mgr Williamson a écrit qu’on ne devait pas rendre de culte officiel ni public à Saint Padre Pio, pour ne donner aucun crédit aux canonisations faites par le pape (lettre publique de décembre 2002). Et l’abbé Peter Scott, recteur en Australie, dans une lettre publique du 1er novembre 2002, a écrit aux amis et bienfaiteurs à propos des mystères lumineux proposés par le pape :
"Je vous demande, si vous voulez rester catholiques et si vous voulez avoir la véritable vie intérieure surnaturelle, de ne même pas penser à prier ces mystères."
Dans cette ligne directive, les plus logiques arrivent le sédévacantisme, tel que l’abbé Basilo Meramo, prieur de la FSPX de Bogota, me l’a écrit :
« Le pape, avec ses erreurs et ses hérésies, et avec toute cette manière d’action doctrinale et de gouvernement, ne donne pas la garantie d’être le successeur légitime de la Chaire de pierre, bien au contraire… Comment est-il possible qu’il faille désobéir au pape pour rester fidèles au Christ et à notre Sainte Mère l’Eglise, quand précisément c’est le pape qui par sa charge doit nous raffermir dans notre foi ? Par conséquent l’explication qui théologiquement tombe le mieux… est celle d’un pape illégitime, d’un antipape… (lettre du 2 mai 2002)
Pour avoir une idée du climat diplomatique du dialogue ou de l’accord, il suffit de lire la lettre du 29 mai 2001 de Mgr Williamson adressée au cardinal Castrillon :
« Eminence, si je n’avais pas déclaré au début de notre dialogue que je n’avais qu’un infime sinon aucun espoir de lancer un pont sur l’abîme qui sépare nos deux planètes mentales, je pourrai et devrai vous le dire, vous êtes « par une diabolique désorientation » ( expression tirée des écrits de sœur Lucie), une victime en phase terminale du néo-modernisme, tandis que la FSPX est catholique, par la grâce de Dieu et jamais sans elle (1 Cor X, 12) .Que Dieu vous donne ses lumières… »
Pour résumer, Mgr Williamson affirme que « la fraternité ST Pie X se maintient dans la Vérité au fur et à mesure que Rome s’en écarte » (lettre aux bienfaiteurs, février 2001).
Avec ces dispositions de rupture complète, il est très improbable d’aboutir à un accord avec Rome.
Comment faire pour améliorer les relations entre la hiérarchie et les fidèles attachés à la messe dite « traditionnelle » ?
Malheureusement, dans le passé, certaines radicalisations des deux côtés ont crée un climat de méfiance ». Dans la période critique d’autodestruction post conciliaire, commme les traditionalistes ont été maltraités et poursuivis, ils ont fortement réagis, ce qui a provoqué une radicalisation encore plus forte du côté opposé. Il me semble que les catholiques traditionnels devraient montrer aux évêques qu’ils sont des personnes normales, respectueuses de la hiérarchie, qui aiment l’Eglise et le pape, défendent sa Foi, et que leur adhésion à la tradition liturgique et doctrinale est parfaitement légitime, comme l’a dit le pape. De leur côté les évêques ne doivent pas forcer la conscience des fidèles, et respect et leur position parfaitement catholique.
De plus, considérant le rite romain ancien comme étant parfaitement légitime dans l’Eglise, conformément aux récents documents du magistère, le code du droit canonique donne les bases d’une solution : se référant au canon 213, qui donne aux fidèles le droit de recevoir de leurs pasteurs les sacrements, au canon 214, qui donne le droit au rite propre et à la spiritualité spécifique, au canon923, qui permet aux fidèles d’assister dans n’importe quel rite, au canon 383, qui demande aux évêques de satisfaire aux besoins spirituels des fidèles d’autres rites, et au canon 518, qui permet la création de paroisses personnelles en raison du rite, avec la bonne volonté, la compréhension et l’esprit catholique des deux bords, nous aurions la solution au problème.
Mais je rappelle aux fidèles que nous devons conserver la liturgie traditionnelle comme notre authentique profession de foi catholique en parfaite communion avec le Saint-Père et la hiérarchie catholique, et non en opposition.
Comment analysez-vous l’avenir de la question liturgique dans l’Eglise latine ? Que pensez-vous des analyses du cardinal Ratzinger qui prône à terme une réforme de la réforme » pour revenir à l’unité liturgique du rite romain ?
Il est clair que nous aspirons à une liturgie qui soit la claire et authentique expression de notre foi catholique : lex credenti legem statuat suplicandi. Même en gardant, avec la faculté que nous a concédée le Saint père, le rite romain classique comme rite propre de notre Administration apostolique en parfaite communion avec la Chaire de pierre, l’amour que nous avons pour la sainte Eglise nous amène à désirer la réforme de la réforme liturgique, car les imprécisions de cette dernière peuvent laisser le champ à beaucoup d’abus et même à des erreurs doctrinales. Dans ce sens, nous appuyons vivement les efforts du cardinal Ratzinger, lesquels, s’ils sont vraiment bien suivis, pourront amener à terme la liturgie du rite romain à son unité désiré.

4 mai 2003

[Aletheia n°42] Trois réactions à l'encyclique Ecclesia de Eucharistia

Aletheia n°42 - 4 mai 2003
Trois réactions à l'encyclique Ecclesia de Eucharistia
. Le père Paul De Clerck, théologien, professeur à l’Institut catholique de Paris, interrogé par la Croix le 18 avril 2003, commente la récente encyclique sur l’Eucharistie (cf. Alétheia n° 41). Il le fait sur un ton qui aurait été inimaginable il y a quarante ans. Il estime : « Les idées neuves sont entravées par le recours à la théologie eucharistique du Moyen Age occidental dont on connaît aujourd'hui les limites », « l’encyclique oublie de se situer dans une perspective historique », « elle semble se réduire à la théologie occidentale classique qui n'a qu'un seul propos : le sacrifice et le rôle sacerdotal du prêtre », « les deux mises en garde majeures concernent la dimension sacrificielle de l'Eucharistie, fortement soulignée, et la "nécessité du sacerdoce ministériel". On peut parler ici de crispation. »
Cette réaction d’une autorité enseignante, relayée par le seul quotidien catholique quasiment officiel en France, montre, a contrario, la nécessité de cette encyclique de clarification doctrinale.
. Christophe Geffroy, dans le numéro de mai de La Nef, avant d’en proposer une lecture pas à pas, présente ainsi l’encyclique : « Texte à vocation essentiellement doctrinale, il s’intéresse à l’Eucharistie dans ses aspects théologiques, non à la liturgie — c’est-à-dire à la façon concrète dont l’Eucharistie est célébrée —, sauf de façon incidente ici ou là. En effet, la situation pratique de la liturgie dans les paroisses est rarement abordée, de même que les questions rituelles qui sont totalement absentes. » Il signale aussi que « le cardinal Ratzinger a largement collaboré » à la rédaction de cette encyclique.
. Jean Madiran, le 30 avril, dans le quotidien Présent, reconnaît que l’encyclique « rappelle avec force le miraculeux changement » de la transsubstantiation, et qu’elle « s’en prend surtout aux causes doctrinales de la décomposition liturgique ». Il estime aussi que le Saint-Siège finira par rendre aux catholiques « la messe » — dans sa forme traditionnelle — ; « c’est inévitable ».
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L’abbé Berto
Dans son numéro 43, comme je l'ai ici déjà signalé, la revue trimestrielle Le Sel de la Terre, des Dominicains d’Avrillé (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé, 14 ¤  le numéro), publiait, pages 17 à 55, des « Lettres du Concile » de l’abbé Victor-Alain Berto (1900-1968). Jean Madiran, aussitôt, dans une pleine page de Présent (1er/2/2003), relevait plusieurs « anomalies » inexpliquées dans cette publication.
Jean Madiran — à la différence des Dominicains d’Avrillé dont aucun n’a connu celui dont ils ont publié les lettres — avait bien connu l’abbé Berto, à partir de 1955. Jean Madiran avait publié dix-huit de ses articles dans Itinéraires, et pouvait, à juste titre, l’appeler « notre ami vénéré » (cf. les 174 pages qui lui furent consacrées, après sa mort, dans le n° 132 d’Itinéraires, avril 1969).
Les Dominicaines du Saint-Esprit, de Pontcalec, fondées par l’abbé Berto, dirigées par lui jusqu’à sa mort et héritière de ses écrits comme de sa pensée, ont réagi aussi à cette publication intempestive des religieux d’Avrillé. Elles avaient été, il y quarante ans, les destinataires de ces lettres, publiées aujourd’hui sans leur accord.
Ces religieuses, qui se consacrent, dans la discrétion, à une œuvre admirable d’éducation envers les « chers petits pauvres », publient, en douze pages, une Réponse à la revue Le Sel de la terre n° 43 (brochure, hors commerce, disponible, contre une offrande puis-je me permettre d’ajouter, à l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit, Pontcalec, 56240 Berné).
La religieuse dominicaine, modestement anonyme, qui a signé ces pages, précise d’emblée, selon les normes du droit français, et particulièrement du droit qui régit la propriété littéraire, que la correspondance de l’abbé Berto « est presque tout entière la propriété exclusive de l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit ». L’autorisation de procéder à cette publication n’a pas été demandée par les Dominicains d’Avrillé et, précise la rédactrice, « elle aurait été formellement refusée pour plusieurs raisons ».
Ces raisons sont exposées avec précision. Il appert que la publication des lettres faite par les Dominicains d’Avrillé s’est faite non sans coupures, importantes et graves, notamment les passages où l’abbé Berto voulait faire saisir à ses correspondantes — les Dominicaines de Pontcalec — toute sa pitié filiale envers Paul VI. Les Dominicaines de Pontcalec, fidèles à l’esprit romain de leur fondateur, jugent aussi que ces lettres qui leur étaient adressées « n’ont été ni pensées, ni vécues, ni communiquées, dans l’esprit de la Revue [le Sel de la terre] qui les confisque aux fins de sa dialectique. »
Sans reproduire tous les arguments et très utiles éclairages apportés par cette Réponse, on citera encore ces lignes écrites par l’abbé Berto, à quelques semaines de sa mort, et qui sonnent comme un testament spirituel : « Je recommande à tous ceux et à toutes celles qui se sont trouvés plus spécialement confiés à moi, la fidélité à Notre Seigneur Jésus-Christ, la piété envers la sainte Vierge Marie, la fréquentation de l’Eucharistie, l’esprit de prière, l’attachement et la docilité envers le Souverain Pontife et l’Eglise romaine, l’amour de la vérité. Ce sont ces sentiments qui ont rempli ma vie. Je souhaite qu’ils remplissent la leur. »
Tout lecteur des « Lettres du Concile » parues dans Le Sel de la terre doit connaître les précisions et rectifications apportées par les héritières spirituelles et doctrinales de leur rédacteur.
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Nouveautés romaines
. Francesco LEONI, Il Cardinale Alfredo Ottaviani, carabiniere della Chiesa, Editrice Apes, 31 pages
Le professeur Leoni, recteur de l’Université libre « S. Pio V » fondée à Rome par le cardinal Ottaviani consacre une étude à la pensée et « au rôle politique » de celui qui fut surnommé « le carabinier de l’Eglise » et qui est mort en 1979. On trouvera là des renseignements intéressants et de longs extraits de textes ou de documents, notamment le texte intégral de l’entretien accordé en 1969 à la revue Relazioni. Le cardinal y expliquait dans quel contexte sont intervenues les deux condamnations du communisme prononcées par le Saint-Office, en 1949 (sous Pie XII) et en 1959 (sous le bienheureux Jean XXIII).
. Burkhardt SCHNEIDER, Pio XII, San Paolo, 148 pages.
Burkhardt Schneider (1917-1976), jésuite d’origine allemande, docteur en théologie et docteur en histoire ecclésiastique, professeur d’histoire de l’Eglise à l’Université Pontificale Grégorienne pendant plus de vingt ans, fut le fondateur, en 1963, de la revue annuelle Archivum Historiæ Pontificiæ, qui reste une des principales revues d’histoire ecclésiastique. Il fut aussi le co-directeur et co-éditeur du célèbre, mais peu lu, recueil documentaire : Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale (Libreria Editrice Vaticane, douze volumes publiés de 1965 à 1981).La collation et l’édition de ces actes et documents lui avaient donné une exceptionnelle connaissance du pontificat et de la personne de Pie XII. De cette familiarité historique avec le Pastor Angelicus, il avait tiré un livre, publié en 1968 en allemand : Pius XII. Friede, das Werk der Gerechtigkeit. Ce livre est aujourd’hui traduit en italien, augmenté d’une présentation par le P. Blet s.j., un des quatre responsables de l’édition des A.D.S.S., d’une « Nota bibliografica » sur Pie XII par Franco Perini et de trois appendices très importants : « La Santa Sede e la difesa degli Ebrei durante la seconda Guerra mondiale » par Robert A. Graham s.j. (article paru initialement dans La Civiltà cattolica en 1990), « La Leggenda alla prova degli archivi. Le ricorrenti accuse contro Pio XII » par Pierre Blet s.j. (article paru initialement dans La Civiltà cattolica en 1988) et « Pio XII e gli Ebrei » par le rabbin David G. Dalin (article paru initialement dans The Weekly Standard le 26.2.2001).
. PONTIFICIO CONSIGLIO PER LA FAMIGLIA, Lexicon. Termini ambigui e discussi su famiglia, vita e questione etiche, Edizioni Dehoniane Bologna, relié, 867 pages.
S’il est un domaine où la continuité du Magistère est indéniable, de Pie XI à Jean-Paul II, c’est bien celui qui concerne la famille, les droits à la vie et les questions éthiques. Le Conseil pontifical pour la famille a décidé, en 1999, de présenter cet enseignement en un volume synthétique et analytique à la fois : 78 thèmes ont été retenus et ont été confiés à des spécialistes de différents pays (théologiens, psychologues, scientifiques, clercs ou laïcs). Ils ont œuvré dans un souci de synthèse, claire et suffisamment ample pour répondre aux questions et objections, et aussi dans un esprit de fidélité à l’enseignement de l’Eglise sur ces questions. Présentés par ordre alphabétique, les thèmes traités vont de l’Amore conjugale à l’idéologie « Pro choice » (Vita e scelta libera), en passant par le travail des enfants, la biotechnologie, la contraception, le contrôle des naissances, l’économie domestique, l’euthanasie, les familles monoparentales, l’idéologie du « Gender », l’avortement, les mariages mixtes, et des dizaines d’autres notions ou réalités. Parmi les 69 collaborateurs de ce Lexicon, on relève le nom de dix français ou francophones : Tony Anatrella, prêtre et psychanalyste, qui, au moment des débats français sur le Pacs ou, en d’autres occasions, sur la drogue, a su exprimer des positions à contre-courant du discours dominant ; Mgr Jean-Louis Bruguès, évêque d’Angers, qui a longtemps enseigné la théologie morale à l’Université de Fribourg (Suisse) ; le père Cottier o.p., théologien de la Maison pontificale ; le professeur Gérard-François Dumont, démographe anti-malthusien ; Marie-Thérèse Hermange, député européen ; le professeur Jean Didier Lecaillon, économiste ; le Dr Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune ; Jean-Marie Meyer, philosophe ; le père Michel Schooyans, spécialiste de démographie politique ; Jacques Suaudeau, docteur.
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Revue des revues
. La revue italienne Si si no no (Via Madonna degli Angeli, 78   I - 00049 Velletri), proche du District italien de la FSSPX, consacre, dans son numéro du 15 mars 2003, un article à l’entretien que Sœur Lucie de Fatima, a accordé en 1993 au cardinal Vidal. La revue s’indigne des propos tenus en cette occasion et conclut qu’ « à la ‘nouvelle’ Eglise il ne pouvait manquer un ‘nouveau’ Fatima et une ‘nouvelle’ Sœur Lucie ».
La revue croit que cet entretien « a été tenu jusqu’ici caché (nascota) ». Il n’en est rien. Cet entretien, et un autre, ont été édités en portugais en 1998. J’ai contribué à leur traduction et édition en français en 1999 (Fatima. Sœur Lucie témoigne, Editions du Chalet). Les propos de Sœur Lucie avaient été alors fortement contestés par des publications en français de la FSSPX. Cette controverse a d’ailleurs été à l’origine de cette modeste Alétheia.
Si nouveauté il y a aujourd’hui, ce n’est point dans les propos de Sœur Lucie, connus donc depuis plusieurs années, mais dans le fait que, pour la première fois, en janvier 2003, l’entretien de 1993 a été diffusé sur les ondes italiennes. Ceux qui contestaient imprudemment l’authenticité des propos de Sœur Lucie doivent donc s’incliner. Même s’il est loisible de chercher des explications aux affirmations de la voyante : la consécration « a été faite » en 1984, et la conversion de la Russie « a déjà commencé ».
. StAR (The Saint Austin Review, 296A Brockley Road, London, SE4 2RA, United Kingdom), est une revue, de langue anglaise, proche de la Fraternité Saint-Pierre. Publication bimensuelle, à la présentation très élégante, elle consacre dans son numéro de mars-avril un dossier à la France. On y lit, notamment, des articles sur Mauriac, Bernanos, Maurras (accompagné d’une brève anthologie).
Dans cet ensemble intéressant, on trouve un article curieux, signé par Ferdi McDermott, « The Ball and the Cross. Haunted by the Ghost of Maurras ». L’auteur y affirme que Mgr Lefebvre est issu d’une « solide famille d’AF [Action Française] » et qu’il était « un vrai maurrassien » (a true Maurrassian). C’est donc logiquement que, la crise de l’Eglise survenant, Mgr Lefebvre aurait « subordonné » (subservient) sa foi catholique à ses « quelques grandes idées », maurrassiennes, bien entendu.
La réalité est tout autre. De son vivant, Mgr Lefebvre s’était expliqué, à plusieurs reprises, sur son « maurrassisme » supposé. Tout lecteur de bonne foi de la biographie que lui a consacrée Mgr Tissier de Mallerais (Marcel Lefebvre. Une vie, Clovis, 2002, 719 pages), y trouvera aussi une réfutation incontestable de cette légende. Il est regrettable qu’une revue traditionaliste anglaise la perpétue encore, et pas à bon escient.