19 décembre 2000

[Aletheia n°6] Les jubilés de la Fraternité Saint-Pie X - Les prières de guérison : un avertissement de Rome - Disparitions - Nouvelles

Yves Chiron - Aletheia n° 6 - 19 décembre 2000
Sommaire :
  • Les Jubilés de la Fraternité Saint-Pie X.
  • Les prières de guérison : un avertissement de Rome.
  • Disparitions.
  • Nouvelles.

I. Les jubilés de la Fraternité Saint-Pie X
On sait que la basilique Saint-Pierre a ouvert ses portes à la Fraternité Saint-Pie X venue en pèlerinage jubilaire à Rome. D’autres basiliques romaines se sont ouvertes pour les mêmes pèlerins, jusqu’à Sainte-Marie-Majeure où Mgr Fellay a pu célébrer la messe le 15 août.
C’est assurément un geste de grande charité à l’égard d’évêques et de prêtres que le Saint-Siège avait excommuniés. Il est moins connu, peut-être, que des marques de charité analogues ont été prodiguées dans plusieurs diocèses de France. Monsieur l’abbé Laurençon, supérieur pour la France de la Fraternité Saint-Pie X, a remercié “ pour leur bon accueil ” les évêques et prêtres de France.
Il l’a fait dans la très intéressante lettre trimestrielle de liaison de la FSPX avec le clergé de France (Lettre à nos frères prêtres, n° 8, décembre 2000, 15 F le numéro, à la Maison Lacordaire, 21150 Flavigny) :
“ Depuis le début de l’année, écrit M. l’abbé Laurençon, maintes cérémonies se sont organisées de-ci de-là en France, grâce à la bienveillance épiscopale et à la nombreuse participation des fidèles. Il m’est impossible de toutes les citer. Je pense bien sûr à cet après-midi d’Ascension où M. l’abbé Bouchacourt (Saint-Nicolas-du-Chardonnet) emmenait 3000 de ses fidèles à Saint-Sulpice, après permission cardinalice. Peu après (dimanche 18 juin), 1300 fidèles se retrouvaient dans la collégiale de Mantes-la-Jolie pour assister à une messe solennelle célébrée par un prêtre de la fraternité Saint-Pie X. Il faudrait également citer les 3500 pèlerins de Lisieux qui, le 14 octobre, remplirent la basilique. A Lourdes, la direction du sanctuaire accordait à nos 2500 laïcs réunis la basilique Sainte-Bernadette pour la messe dominicale. C’était le 29 octobre, à l’occasion de la fête du Christ-Roi. En sortant les ornements - offerts par Léon XIII s’il vous plaît ! - le sacristain, aimable et malicieux, déclara : “cela leur fera du bien de prendre l’air, ils n’ont pas servi depuis le concile“ ! A Nantes, Mgr Soubrier laissait sa cathédrale à la disposition de nos 1000 fidèles désireux d’y prier aux intentions de l’Eglise.
Enfin, un merci tout particulier à Mgr Billé, qui ouvrait Notre-Dame de Fourvière à nos fidèles lyonnais le premier dimanche de l’Avent.
(...) Arrêtons-nous là : mon but n’est pas d’être exhaustif, mais bien de remercier les évêques et prêtres qui, à chaque fois - sauf quelque part dans l’ouest bordelais ... -, se sont montrés bienveillants, accueillants, compréhensifs. Qu’ils en soient assurés : en ces jours, nous priâmes aussi afin que porte toujours plus grande soit ouverte au Christ. ”
Ainsi donc, en cette année jubilaire, les évêques de France et les autorités romaines ont pu faire droit, ponctuellement, aux fidèles et aux prêtres attachés à la Tradition. Ces petites hirondelles jubilaires ne font certes pas le printemps d’une restauration complète et durable. Mais le voeu de Mgr Lefebvre exprimé à Paul VI - Laissez-nous faire l’expérience de la Tradition - est toujours un peu plus exaucé. Historiquement, c’est Jean-Paul II qui, par l’indult de 1984, aura ouvert la voie. Beaucoup, certes, reste à faire. Les catholiques fidèles au motu proprio Ecclesia Dei regrettent que les recommandations de Rome ne soient pas assez suivies d’effet ; les catholiques restés fidèles au choix de Mgr Lefebvre en 1988 jugent que les différends doctrinaux restent plus importants que les concessions liturgiques ponctuelles.
Mais il devient, de jour en plus, plus ridicule d’agir et de penser comme si, depuis la mort de Paul VI (1978), la Tradition n’avait pas reconquis des droits, que ce soit dans le domaine liturgique ou dans le domaine doctrinal.
On relèvera encore, dans le dernier numéro paru en français - de la revue italienne 30 Jours (n° 9, 2000) - ou, du moins, dans le français souvent approximatif, de la traduction - , un long entretien avec Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X. Il s’interroge sur l’opportunité de demander une audience au Pape mais déclare aussi : “ S’il m’appelle, je vais. Tout de suite. Ou plutôt, je cours. C’est certain. par obéissance. Par obéissance filiale à l’égard du chef de l’Eglise. ” Il estime encore : “ La situation [au Vatican] est telle que l’on peut imaginer que la recomposition de l’unité [avec la FSPX] se fera en un an, mais aussi en vingt. ”

II. Les prières de guérison : un avertissement de Rome.
Le 23 novembre dernier, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié une Instruction sur les prières pour obtenir de Dieu la guérison. Curieusement, à ce jour, la Documentation catholique ne l’a pas encore publiée et la presse, d’habitude si prompte à s’emparer de toutes les déclarations et instructions romaines, s’est montrée très discrète.
Cette instruction vise, en fait, les multiples séances de prières de guérison qui se multiplient dans les communautés charismatiques. Et plus particulièrement les grandes assemblées de prières organisées régulièrement, dans le monde entier, autour de prêtres ou de religieuses qui prétendent exercer un “ ministère de guérison ” (cf. Yves Chiron, Enquête sur les miracles de Lourdes, Perrin, 2000, p. 191-200). Les plus célèbres “ guérisseurs ” des milieux charismatiques sont le père Tardif, décédé il y a quelque temps, soeur Briege Mc Kenna et le père Raymond Halter ; sans parler des milliers de charismatiques qui, dans leurs réunions de prière locales, prétendent exercer un charisme de guérison.
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sans nommer les personnes, s’inquiète de ce “phénomène nouveau ”, du conditionnement psychologique qui s’y révèle, de “ l’attente ” que les responsables de ces réunions de prière s’efforcent de susciter artificiellement et de l’exaltation sans discernement d’“ un prétendu charisme de guérison ”.
Cette instruction, organisée en cinq parties doctrinales, se termine par des dispositions disciplinaires en dix articles.

III. Disparitions
Le père Michel André est décédé le 17 novembre dernier à Angers. Ses obsèques ont été célébrées par Mgr Fellay le 21 novembre.
Sa grande modestie a fait que sa vie restait peu connue, y compris des fidèles qui lui étaient attachés.
Il était né le 13 mars 1915 à Angers. Il fit d’abord des études de droit et de commerce (licence en droit à la Faculté Catholique d’Angers et Ecole Supérieure de Commerce d’Angers). Il fut aussi le créateur de deux troupes scoutes et accomplit une P.M.S. (Préparation Militaire Supérieure) qui lui permit de sortir de son service militaire avec le grade de lieutenant.
En 1937, il entra au noviciat des Pères du Saint-Esprit (spiritains) à Orly. Ordonné prêtre en 1944, il fut envoyé l’année suivante en Martinique. De 1947 à 1956, il fut professeur dans divers institutions spiritaines en métropole, avant de repartir en mission en Guinée, de 1956 à 1958, et en Argentine, de 1962 à 1971.
Face à la crise de l’Eglise, et sur les conseils de Mgr Lefebvre, il quitta l’Argentine et revint en France en 1971. En 1972, il créa, à Angers, l’Association Noël Pinot (A.N.P.), pour la défense de la messe traditionnelle et pour l’aide aux prêtres fidèles à cette messe.
Depuis sa création, plus de 2.000 prêtres ont appartenu à l’A.N.P. ; aujourd’hui ils sont quelque 735 adhérents ou sympathisants, en France et à l’étranger (notamment en Amérique du sud).
Cette même année 1972, il fondait un bulletin trimestriel, Introïbo. Ce bulletin de doctrine et d’informations connaîtra une grande diffusion puisque son tirage a atteint 6.000 exemplaires. On peut encore se procurer la collection complète d’Introïbo (de 1972 à 1999, soit 106 numéros, pour 200 F) au siège de l’A.N.P., 54 rue Delaâge, 49100 Angers.
Claude Mouton, bien connu pour ses travaux sur Claire Ferchaud et le général de Sonis, prépare une biographie du père André.
• Dom Guy Marie Oury est décédé à l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes le 12 novembre dernier, à l’âge de 71 ans. Né à Tours en 1929, entré à l’abbaye de Solesmes alors qu’il n’avait pas encore dix-huit ans, il avait prononcé ses voeux solennels en 1952 et avait été ordonné prêtre en 1954.
Il occupa, au long de sa vie monastique, des charges très variées : cérémoniaire, lecteur de liturgie et de droit canonique, chapelain du monastère de bénédictines de Westfield (aux Etats-Unis), enfin, maître des novices.
Ce sont ses travaux historiques très nombreux (près de 80 livres et plus de 200 articles scientifiques) qui l’ont fait connaître d’un large public et reconnaître, par le milieu universitaire, comme un spécialiste de l’histoire de la spiritualité, notamment au XVIIe siècle. Il publia aussi, pendant quarante ans, de très nombreuses recensions dans l’Ami du clergé (devenu Esprit et Vie).
Dom Oury était devenu postulateur de la cause de béatification de dom Guéranger. Il avait achevé une biographie du grand restaurateur de la vie monastique et de la liturgie qui va paraître prochainement aux Editions de Solesmes (Abbaye Saint-Pierre, 72300 Sablé-sur-Sarthe).
On signalera encore que Dom Oury avait publié en 1975 La Messe de s. Pie V à Paul VI (éditions de Solesmes, 127 pages) pour répondre, expressément, aux livres de Louis Salleron et de da Silveira. Il voulait y montrer que le nouvel Ordo Missae “ s’insère sans véritable rupture dans la tradition liturgique de l’Eglise romaine ” et, pour ce, il apportait des réponses d’ordre canonique, théologique et liturgique.
On sait que la Congrégation de Solesmes, depuis la réforme liturgique, utilise le missel latin promulgué par Paul VI en 1969 ; à l’exception de l’abbaye de Fontgombault et de ses “ filles ” (les abbayes de Randol et de Triors et le prieuré de Gaussan) qui, elles, après 1988, ont pu revenir à l’usage du missel traditionnel.

IV. Nouvelles
A l’occasion du 25e anniversaire de la mort d’Henri Charlier (décédé le 24 décembre 1975), le peintre Albert Gérard, fondateur de l’Atelier de la Sainte-Espérance, organise au village du Barroux (rue de la Pératoure), une exposition. Y seront présentées, du 26 décembre au 6 janvier, puis de juillet à septembre 2001, des oeuvres d’Henri Charlier qui, avant d’être un écrivain, fut d’abord un sculpteur et un peintre de grand talent. Ses réflexions sur l’art ont été publiées, notamment, dans Le martyre de l’art, ou l’art livré aux bêtes (1957) et L’Art et la pensée (1972).
• Quinze ans après la parution en italien de l’ouvrage de Romano Amerio, Iota unum. Studio delle variazoni della Chiesa cattolica nel secolo XX, Enrico Maria Radaelli publie une très utile Introduzione a Iota unum (121 pages, 25.000 Lires, chez l’auteur : Via San Sisto 3, 20123 Milano).
En fait, l’ouvrage est autant une introduction au grand livre de R. Amerio (avec notamment un glossaire en vingt pages) qu’un recueil de documents et de notes inédites. Il comprend aussi une bibliographie complète de Romano Amerio.
On relève notamment un chapitre sur les rapports entre R. Amerio et Mgr Lefebvre et la publication de plusieurs recensions significatives parues en 1986 (dans la Civiltà cattolica, dans Jesus et aussi publication de la recension qui avait été demandée par l’Osservatore romano à don Angelo Paredi et qui n’a jamais été publiée...).
• Le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le Clergé et, depuis le 13 avril dernier, président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, a accordé un long et intéressant entretien à la Nef (n° 111, décembre 2000, 40 F le numéro, B.P. 73, 78490 Montfort l’Amaury). Il y évoque divers sujets : la crise des vocations dans le monde, la célébration de la messe dans l’ancien rite, la possible “ réforme de la réforme liturgique de 1969 ” et la crise de la Fraternité saint-Pierre.
Parmi ses propos, on relèvera une analyse statistique, très précise, sur le nombre des entrées au séminaire et le nombre des ordinations depuis 1975 : une tendance, mondiale, à la hausse, sauf en Europe : “ ce dernier continent est atypique, avec une forte chute jusqu’en 1975, une reprise tout aussi rapide jusqu’en 1986, et un nouveau fléchissement en certaines zones depuis 1991, qui est préoccupant pour ce qu’il peut signifier de perception du prêtre dans le peuple chrétien. ”
A propos de la “ réforme de la réforme liturgique de 1969 ”, le cardinal affirme : “ Rien ne s’oppose à ce que l’on puisse discuter certains aspects pratiques et certains choix concrets qui ont été faits, lors de l’élaboration de la réforme liturgique actuelle. En outre, la réalisation de la réforme, avec les années, réclamera certainement une oeuvre de révision. ”
• En août 1941, après l’adoption d’une nouvelle loi portant statut des Juifs, le Maréchal Pétain a demandé à son ambassadeur au Vatican, Léon Bérard, de consulter les autorités romaines.
Le 2 septembre suivant, Léon Bérard adressait un long rapport au Maréchal Pétain. Le Saint-Siège ne condamnait pas la législation adoptée par l’Etat Français mais regrettait seulement que le législateur se soit référé explicitement à la notion de “ race ”.
Ce rapport, souvent évoqué dans des polémiques récentes relatives à l’attitude de Pie XII pendant la IIe Guerre Mondiale, est très peu connu, même des historiens de la période, sans doute parce qu’il est quasiment introuvable depuis sa publication en octobre 1946 par la revue du C.D.J.C., Le Monde Juif. Je l’ai donc réédité intégralement, avec une présentation historique. Le Vatican et la question juive en 1941. Publication du rapport Bérard (25 pages, 35 F franco de port) est disponible auprès d’Alètheia.