28 octobre 1990

[Monseigneur Lefebvre] Messe pour la fête du Christ Roi à St Nicolas du Chardonnet

SOURCE - Mgr Lefebvre, fsspx - 28 octobre 1990

[Credidimus Caritati] "Dernière messe pontificale célébrée par Mgr Marcel Lefebvre à Saint-Nicolas du Chardonnet : le dimanche 28 octobre 1990 à l'occasion du dixième anniversaire de l'Institut universitaire Saint-Pie X à Paris. Il est mort moins de cinq mois plus tard."
 

[St Nicolas du Chardonnet] Messe pontificale par Mgr Marcel Lefebvre

SOURCE - 28 octobre 1990

1 octobre 1990

1er octobre 1990 [Abbé Franz Schmidberger, Supérieur général - FSSPX - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs (n°39)] "A mesure que la foi décline dans les âmes et que les institutions chrétiennes disparaissent, l'esprit de Satan pénètre la société et la détruit"

SOURCE - Abbé Franz Schmidberger, Supérieur général - FSSPX - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs (n°38) - 1er octobre 1990

Chers amis et bienfaiteurs,

A mesure que la foi décline dans les âmes et que les institutions chrétiennes disparaissent, l'esprit de Satan pénètre la société et la détruit; quelques exemples suffisent à faire voir cela, statistiques en mains.
  • Aux Etats-Unis, ont été fermées ces dernières années des milliers d'écoles catholiques; en ce moment mille églises sont à vendre. Depuis le Concile, des milliers de prêtres, religieux et religieuses ont mis leur idéal au rancart; le dernier déserteur est l'archevêque d'Atlanta lui-même. Est-ce par hasard si plus de 80% des écoliers et des jeunes Américains sont toucha par la drogue? ou si les discothèques, lieux de perversion de la jeunesse, poussent comme des champignons?
  • La mort ou l'infidélité enlèvent à la France huit cents prêtres par an, contre cent nouveaux, tandis que les médias répandant partout le flux immonde du blasphème et de la pornographie: excès impensable hier, devenu aujourd'hui banalité quotidienne, avec l'approbation des hommes publics.
  • En Valais (Suisse) il y avait trois grands séminaires avant le concile, ils sont tous trois fermés. A leur place s'est installée une chaîne de près de vingt discothèques.
  • En Hollande, où la foi est anéantie, on discute activement l'introduction de l'euthanasie, mais elle est pratiquée sous le manteau depuis quinze ans et c'est une clinique catholique qui a commencé!
  • A Aix-la-Chapelle (Allemagne), l'Islam projette un immense centre missionnaire, avec mosquée, télé-université, bibliothèques, magasins et piscine. Est-ce un pur hasard, que ce choix de la capitale de Charlemagne comme place-forte musulmane pour toute l'Europe du Nord ?

Où gît la racine du mal ? Dans l'Eglise ou plutôt en ses représentants, et dans le concile. Lentement mais sûrement croissent l'ivraie de l'indifférentisme religieux répandue par le décret sur l'œcuménisme et la mauvaise herbe de la sécularisation de la vie publique, préparée par la proclamation de ia liberté religieuse, sur le terrain empoisonné des fausses idéologies et de la négation pratique du péché originel contenue dans la constitution Gaudium et spes.

Quelques semaines avant sa mort, Paul VI fit cet aveu en présence de son ami Jean Guitton: « Ce qui me déconcerte dans le monde catholique d'aujourd'hui, c'est que parfois à l'intérieur même du catholicisme semble régner une mentalité qui n'est pas catholique. Il est tout à fait possible qu'à la fin cette tournure d'esprit devienne dominante. Pourtant, elle ne représentera jamais en aucune façon l'Eglise. Il demeurera immanquablement un petit troupeau, un petit reste, aussi réduit soit-il. »

Quel troupeau ? serait-ce celui des catholiques fidèles à la tradition, avec séminaires, couvents, maisons d'exercices spirituels, écoles et prieurés ? Sur quels critères juger ? Les critères, tout simplement, que Notre Seigneur donne aux envoyés de saint Jean Baptiste, qui lui fait demander: « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »; c'est par ses œuvres que le Christ prouve sa messianité: « Allez, dit-il, et rapportez à Jean ce que vous entendez et ce que vous voyez: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Mt 11,4-5).

Laissons parler les faits:
  • Est-ce que des écailles ne tombent pas des yeux de beaucoup, quand ils assistent de nouveau pour la première fois à la messe traditionnelle ? La lumière du Seigneur ne se fait-elle alors autour d'eux, tandis que les ténèbres couvrent la terre, et l'obscurité les peuples; les ténèbres de l'erreur et du mensonge, l'obscurité des idéologies séductrices?
  • Les fidèles ne reçoivent-ils pas dans nos chapelles une nouvelle force et un nouveau courage pour s'avancer dans le chemin de la vie chrétienne, après avoir été paralysés pendant des années par le libéralisme et le modernisme ? Combien, justement, ont été convertis par les exercices spirituels de saint Ignace et vivent désormais leur dignité baptismale d'enfants de Dieu et de temples du Saint-Esprit?
  • Des catholiques, qui ne s'étaient pas confessés depuis dix, vingt ans ou davantage, se jettent aux pieds du prêtre, sur eux coule le sang rédempteur du Christ et les voilà purifiés de la lèpre du péché et de l'esprit du siècle. Dans nos chapelles, Dieu merci, la confession est tenue en honneur, en particulier la confession fréquente des péchés même véniels, dont Pie XII dit qu'elle « augmente la vraie connaissance de soi, favorise l'humilité chrétienne, tend à déraciner les mauvaises habitudes, combat la négligence spirituelle et la tiédeur, purifie la conscience, fortifie la volonté, se prête à la direction spirituelle, et, par l'effet propre du sacrement, augmente la grâce » (Mystici Corporis). Rien de cela n'est opéré par les soi-disant cérémonies pénitentielles!
  • Le péché originel et personnel, les artifices séducteurs du diable et du monde à son service ont gravement endommagé l'oreille intérieure du chrétien; mais voilà ce qui réussit à l'ouvrir: le silence qui entoure l'autel du sacrifice, le repos des jours de récollection et la prédication de l'Evangile intégral. Les miraculés sont peu nombreux, mais il y en a de tous pays, continents, cultures et couches sociales, instruits et simples, jeunes et vieux, hommes et femmes.
  • L'Europe chrétienne de jadis est morte. Mais à partir de petites cellules, elle renaît à une vie nouvelle. Des enfants (comme la fille de Jaïre), des jeunes gens (tel l'adolescent de Naïm), des adultes (tel Lazare) s'éveillent de la mort et de l'éloignement de Dieu à une nouvelle vie, vie de foi et d'agir chrétien. Tandis que les novateurs transforment les églises en entrepôts, nous aménageons le mieux possible des entrepôts en chapelles. Tandis que la mort enlève couvents et séminaires, de nouvelles communautés se lèvent, fidèles à la tradition.
  • Les catholiques libéraux disent à la sagesse: « Tu es ma sœur! » Et ils se tiennent debout pour la sainte Communion, et ils disposent à leur gré des paroles de Jésus-Christ, en un mot, ils sont majeurs. Nous autres, au contraire, savons la nécessité de la grâce du Christ et notre radicale dépendance vis-à-vis de Dieu. Nous sommes pauvres en esprit et voulons le demeurer. C'est pourquoi tant d'entre vous entreprennent de longs trajets pour prendre part au saint sacrifice de la Messe catholique; et tant de familles éloignent de leur foyer la source empoisonnée de la télévision et installent à sa place le petit oratoire familial avec la prière en commun, spécialement le saint Rosaire, méditant les mystères de la vie, de la mort douloureuse et de la glorification du Christ, pour qu'ils portent du fruit dans leur vie.

Chers amis et bienfaiteurs, de toutes nos forces, rejetons le poison de l'hérésie et du schisme, les doctrines et pratiques séductrices des novateurs. Nous nous savons en communion avec tous les grands hommes d'Eglise du passé, en particulier avec les papes des deux cents dernières années. A la fin de son Encyclique Quanta cura, Pie IX rejette de son autorité apostolique toutes les opinions et doctrines perverses citées dans sa Lettre: naturalisme, fausse liberté de conscience et de culte, souveraineté populaire, subordination de l'Eglise à l'Etat: « Nous les réprouvons, proscrivons et condamnons (...) et Nous voulons et ordonnons que tous les fils de l'Eglise catholique les tiennent absolument pour réprouvées, proscrites et condamnées. » Et dans la quatre-vingtième proposition du Syllabus, il condamne l'opinion de ceux qui prétendent que « le Pontife Romain peut et doit se réconcilier et composer avec le progrès, avec le libéralisme et avec la civilisation moderne ».

Nous ne pouvons donc pas être d'accord avec le cardinal Ratzinger qui, présentant son document sur le rôle des théologiens dans l'Eglise, dit que les décisions de la commission biblique et la condamnation du modernisme ont été conditionnées par le temps et par les circonstances et qu'on peut par conséquent les laisser tomber aujourd'hui; ni avec le Pape lorsqu'au cours de son voyage en Scandinavie, il répète avec insistance que tout son pontificat est consacré à l'œcuménisme. Ceux qui viendraient nous reprocher notre désaccord, nous les renvoyons à saint Thomas d'Aquin qui, dans sa Somme théologique (IIa IIae, q.33, art.4, ad 2), écrit précisément: « Il faut savoir que là où il y aurait un péril imminent pour la foi, les prélats devraient être repris même publiquement par leurs inférieurs. C'est ainsi que Paul, pourtant l'inférieur de Pierre, reprit publiquement celui-ci à cause du péril imminent d'un scandale dans la foi. »

Chers amis et bienfaiteurs, il est impossible de rapporter ici en détail les initiatives, les progrès, les succès et aussi les épreuves de l'œuvre, sous la bénédiction divine. Les publications de votre district vous renseignent sur beaucoup de choses, quant au reste, vous l'apprendrez au dernier jour, avant tout la prière immolatrice, la souffrance réparatrice, le dévouement héroïque de tant d'âmes dans le silence et le secret. Et tandis qu'en la fête de tous les saints, pour le vingtième anniversaire de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, nous entonnerons un solennel Te Deum, nous n'aurons garde d'oublier que dans les mérites de ses saints, Dieu glorifie sa propre grâce.

O Dieu, dont la miséricorde est sans bornes et dont la bonté est un trésor infini, nous rendons grâces à votre majesté très bienveillante pour les bienfaits que vous nous avez accordés et demandons toujours à votre clémence que, vous qui exaucez les demandes de ceux qui vous prient, vous ne les délaissiez pas, et que vous les prépariez aux récompenses éternelles. »

Ne nous oubliez pas dans vos prières et vos aumônes; nous vivons du bon Dieu, dont nous sommes instruments. Je vous demeure très cordialement uni à tous en Notre Seigneur et Notre Dame.

Rickenbach, le 1er octobre 1990
Abbé Franz Schmidberger Supérieur général

28 septembre 1990

[Jean-Paul II] Allocution du Pape Jean Paul II au cours de l’audience privée accordée à une délégation de moines de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

Jean-Paul II - 28 septembre 1990

Allocution du Pape Jean Paul II au cours de l’audience privée accordée à une délégation de moines de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux - le vendredi 28 septembre

C’est avec joie que je vous rencontre aujourd’hui, fils de saint Benoît de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, qui avez voulu manifester par cette démarche communautaire votre fidélité au Seigneur et votre attachement à son Église.

Avec vous, je rends grâce à la divine Providence qui vous a aidés, lors des événements douloureux de juin 1988, à revenir à la communion avec le Siège apostolique. Depuis lors, votre attachement au successeur de Pierre s’est constamment affirmé, et il m’est agréable de savoir que vos relations avec l’église diocésaine deviennent chaque jour plus loyales et plus fraternelles.

Vous avez été également, pour les moniales bénédictines de l’Annonciation qui sont en train de construire leur monastère non loin du vôtre, un précieux encouragement et un appui constant dans leur chemin de communion, et vous avez contribué d’une manière particulièrement heureuse et efficace à affermir leurs liens avec le diocèse.

Le Saint-Siège a concédé à votre monastère la faculté d’utiliser les livres liturgiques en usage en 1962, afin de répondre aux aspirations de ceux « qui se sentent attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine » (cf. Ecclesia Dei, 2 juillet 1988, n. 5, c), confirmant ainsi les dispositions de la Constitution conciliaire sur la sainte liturgie, qui rappelle que « l’Église, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute la communauté, ne désire pas, même dans la liturgie, imposer la forme rigide d’un libellé unique : bien au contraire, elle cultive les qualités et les dons des divers peuples et elle les développe. » (Sacrosanctum Concilium, n. 37). Il est bien évident que, loin de chercher à mettre un frein à l’application de la réforme entreprise après le Concile, cette concession est destinée à faciliter la communion ecclésiale des personnes qui se sentent liées à ces formes liturgiques (cf. Ecclesia Dei, n. 5, c).

J’exprime le vœu que l’« Œuvre de Dieu », et en particulier l’Eucharistie, ainsi célébrées dans votre monastère, contribuent efficacement à la réalisation de votre idéal monastique, lequel assurément trouve aussi sa nourriture dans le travail, dans un silence qui favorise la contemplation et dans le zèle à rechercher Dieu par-dessus tout, de sorte que, communauté jeune et fervente, vous soyez capables de porter témoignage des réalités invisibles dans le monde contemporain. Ainsi, avec les autres monastères bénédictins, vous continuerez d’être des lieux de retraite pour le renouveau spirituel où, la première place étant justement réservée à Dieu, « ce qui est humain est ordonné et soumis au divin ; ce qui est visible, à l’invisible ; ce qui relève de l’action, à la contemplation ; et ce qui est présent, à la cité future que nous recherchons. » (Sacrosanctum Concilium, n. 2).



Je saisis l’occasion de cette rencontre pour m’adresser à ceux et à celles qui sont encore liés à la Fraternité Saint-Pie X. Je les invite à s’en remettre à la conduite du successeur de Pierre et à prendre contact avec la Commission « Ecclesia Dei »., instituée pour faciliter la réinsertion dans la pleine communion ecclésiale. L’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux doit être pour eux un encouragement à retrouver l’unité féconde de l’Église autour de l’Évêque de Rome.

Je confie à votre prière la grande intention de la réconciliation de tous les fils et filles de l’Église dans une même communion.

Pour vous aider dans votre vie monastique au cœur de l’Église, notre Mère, je vous bénis de tout cœur.

IOANNES PAULUS PP. II

15 février 1990

15 février 1990 [Abbé Franz Schmidberger, Supérieur général - FSSPX - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs (n°38)] «C’est à son cœur qu’il faudrait donner, non à sa main»

SOURCE - Abbé Franz Schmidberger, Supérieur général - FSSPX - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs (n°38) - 15 février 1990

Chers amis et bienfaiteurs,

Lors de son séjour à Paris, le poète Rilke, accompagné d’une jeune française, passait chaque jour sur l’heure de midi devant une vieille mendiante. Assise là, muette et immobile, la pauvre femme recevait les aumônes des passants sans donner le moindre signe de reconnaissance. Le poète ne lui donnait jamais rien, à la surprise de celle qui l’accompagnait qui, elle, tenait toujours prête une pièce. Interrogé discrètement sur sa conduite, il dit : « C’est à son cœur qu’il faudrait donner, non à sa main ». – L’un des jours suivants, Rilke parut, une magnifique rose mi-éclose à la main. Ah ! pensa la jeune fille, une fleur pour moi, comme c’est charmant ! Mais lui de mettre la fleur dans la main de la mendiante. – Alors se produisit une chose étonnante. La femme se leva, saisit sa main, la baisa et s’en alla avec la rose. Elle disparut toute une semaine. Puis on la revit assise à sa place, muette et immobile comme avant. « De quoi a-t-elle bien pu vivre toute la semaine ? » demanda la jeune fille. Et Rilke répondit : « De la rose ».

Ce que la rose était au naturel pour la mendiante, l’œuvre de la Tradition l’est au sens surnaturel pour les fidèles : une source vivante d’espérance, de confiance, de force et de joie.

Cette source a jailli abondamment le 19 novembre 1989 à Paris, lors de cette fête de chrétienté qui vit les familles nombreuses, les écoles catholiques, une jeunesse conquérante et joyeuse, des religieux et religieuses, des prêtres jeunes et vieux et avant tout quatre jeunes évêques catholiques, tous réunis autour de Monseigneur Lefebvre, pour remercier avec lui le Dieu Trinité pour soixante ans de ministère sacerdotal le plus fructueux. Venus de tous les continents et de nombreux pays, peuples et langues, ils entouraient l’autel du sacrifice et l’agneau immolé, s’écriant à haute voix : « Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône et à l’Agneau ! » (Apo. 7, 9-12).

Chers amis et bienfaiteurs, l’interview qui suit pourra vous donner une idée exacte du travail réalisé par la Fraternité sous le manteau protecteur de Marie. Que Notre Seigneur Jésus-Christ vous bénisse et vous accorde un Carême riche en grâces. Et à bientôt, à Friedrichshafen le 29 avril 1990, pour célébrer les vingt ans d’existence de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, tous réunis autour de son fondateur, Monseigneur Marcel Lefebvre.

Rickenbach, le 15 février 1990

Abbé Franz Schmidberger
Supérieur général

29 janvier 1990

[Mgr Lefebvre] Itinéraire spirituel : prologue

SOURCE - Mgr Marcel Lefebvre - 29 janvier 1990

Bien chers lecteurs,

Au soir d'une longue vie - puisque né en 1905, je vois l'année 1990 -, je puis dire que cette vie a été marquée par des événements mondiaux exceptionnels: trois guerres mondiales, celle de 1914-1918, celle de 1939-1945 et celle du Concile Vatican Il de 1962-1965.

Les désastres accumulés par ces trois guerres, et spécialement la dernière, sont incalculables dans le domaine des ruines matérielles, mais bien plus encore spirituelles. Les deux premières ont préparé la guerre à l'intérieur de l'Eglise en facilitant la ruine des institutions chrétiennes et la domination de la Franc-Maçonnerie, devenue si puissante qu'elle a pénétré profondément par sa doctrine libérale et moderniste les organismes directeurs de l'Eglise.

Par la grâce de Dieu, instruit dès mon séminaire à Rome du danger mortel pour l'Eglise de ces influences par le Recteur du Séminaire français, le vénéré Père Le Floch, et par les professeurs: les RR. PP. Voetgli, Frey, Le Rohellec, j'ai pu constater tout au long de ma vie sacerdotale combien leurs appels à la vigilance, basés sur les enseignements des papes et surtout de saint Pie X, étaient justifiés.

J'ai pu constater à mes dépens combien cette vigilance était justifiée non seulement doctrinalement, mais aussi par la haine qu'elle provoquait dans les milieux libéraux laïcs et ecclésiastiques, une haine diabolique. Les innombrables contacts, auxquels m'ont amené les charges qui m'ont été conférées, avec les plus hautes autorités civiles et ecclésiastiques dans de nombreux pays et particulièrement en France et à Rome, m'ont précieusement confirmé que le vent était généralement favorable à tous ceux qui étaient disposés aux compromissions avec les idéaux maçonniques libéraux, et défavorable au maintien ferme de la doctrine traditionnelle.

Je crois pouvoir dire que peu de personnes dans l'Eglise ont pu avoir et faire cette expérience d'information, dans la mesure où j'ai pu la faire moi-même, non par ma propre volonté, mais par la volonté de la Providence.

Missionnaire au Gabon, les contacts avec les autorités civiles étaient évidemment plus fréquents que comme vicaire au Marais-de-Lomme dans le diocèse de Lille. Ce temps de mission fut marqué par l'invasion gaulliste; nous avons pu constater la victoire de la Maçonnerie contre l'ordre catholique de Pétain. C'était l'invasion des Barbares, sans foi ni loi!

Peut-être un jour, mes mémoires donneront quelques détails sur ces années qui vont de 1945 à 1960 et qui illustreront cette guerre à l'intérieur de l'Eglise! Lisez les livres de M. Marteaux sur cette période, ils sont révélateurs.

La rupture s'accentuait à Rome et au dehors de Rome entre le libéralisme et la doctrine de l'Eglise.

Les libéraux arrivant à faire nommer des papes comme Jean XXIII et Paul VI feront triompher leur doctrine par le Concile, moyen merveilleux pour obliger toute l'Eglise à adopter leurs erreurs.

Ayant assisté à la joute dramatique entre le Cardinal Bea et le Cardinal Ottaviani, représentant le premier le libéralisme et l'autre la doctrine de l'Eglise, il était clair après le vote des soixante-dix cardinaux que la rupture était consommée. Et on pouvait sans se tromper penser que l'appui du Pape irait aux libéraux. Voilà le problème désormais posé au grand jour! Que vont faire les évêques conscients du danger que court l'Eglise? Tous constatent le triomphe, à l'intérieur de l'Eglise, des idées nouvelles issues de la Révolution et des Loges: deux cent cinquante cardinaux et évêques se réjouissent de leur victoire, deux cent cinquante sont atterrés, mille sept cent cinquante essayent de ne pas se poser de problèmes et suivent le Pape: "on verra bien plus tard!..."

Le Concile passe, les réformes se multiplient le plus vite possible. La persécution commence contre les cardinaux et évêques traditionnels, puis bientôt partout contre les prêtres et les religieux ou religieuses s'efforçant de garder la Tradition. C'est la guerre ouverte contre le passé de l'Eglise et ses institutions: "Aggiornamento, aggiornamento!"

Le résultat de ce Concile est bien pire que celui de la Révolution; les exécutions et les martyres sont silencieux; des dizaines de milliers de prêtres, de religieux et religieuses abandonnent leurs engagements, les autres se laïcisent, les clôtures disparaissent, le vandalisme envahit les églises, les autels sont détruits, les croix disparaissent... les séminaires et noviciats se vident.

Les sociétés civiles encore catholiques se laïcisent sous la pression des autorités romaines: Notre Seigneur n'a plus à régner ici-bas! L'enseignement catholique devient œcuménique et libéral. Les catéchismes sont changés et ne sont plus catholiques. La Grégorienne à Rome devient mixte, saint Thomas n'est plus à la base de l'enseignement.

Devant ce constat public, universel, quel est le devoir des évêques officiellement membres responsables de l'institution qu'est l'Eglise? Que feront-ils? Pour beaucoup l'institution est intangible même si elle ne se conforme plus à la fin pour laquelle elle a été instituée!... Ceux qui occupent les sièges de Pierre et des évêques sont responsables; il fallait bien que l'Eglise s'adapte à son temps. Les excès passeront. Mieux vaut accepter la Révolution dans notre diocèse, la conduire que la contredire.

Parmi les traditionalistes, un bon nombre, méprisés désormais par Rome, donneront leur démission et quelques-uns comme Mgr Morcillo, archevêque de Madrid, et Mgr Mac Quaid, archevêque de Dublin, en mourront de tristesse, comme beaucoup de bons prêtres.

Il est évident que si beaucoup d'évêques avaient agi comme Mgr de Castro Mayer, évêque de Campos au Brésil, la Révolution idéologique à l'intérieur de l'Eglise aurait pu être limitée, car il ne faut pas avoir peur d'affirmer que les autorités romaines actuelles depuis Jean XXIII et Paul VI se sont faites les collaboratrices actives de la Franc-Maçonnerie juive internationale et du socialisme mondial. Jean Paul Il est avant tout un politicien philo-communiste au service d'un communisme mondial à teinte religieuse. Il attaque ouvertement tous les gouvernements anti-communistes, et n'apporte par ses voyages aucun renouveau catholique.

Ces autorités romaines conciliaires ne peuvent donc que s'opposer farouchement et violemment à toute réaffirmation du Magistère traditionnel. Les erreurs du Concile et ses réformes demeurent la norme officielle consacrée par la profession de foi du Cardinal Ratzinger de mars 1989.

Personne ne niait que j'étais membre officiel reconnu du corps épiscopal. L'Annuario Pontificio l'a affirmé jusqu'au moment du sacre des évêques de 1988, me présentant comme Archevêque-Evêque émérite du diocèse de Tulle.

C'est à ce titre d'archevêque catholique que j'ai pensé rendre service à l'Eglise meurtrie par les siens, en fondant une société pour la formation de vrais prêtres catholiques, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, dûment approuvée par Mgr Charrière, Evêque de Fribourg en Suisse et dotée d'une lettre de louanges par le Cardinal Wright, Préfet de la Congrégation pour le Clergé.

Je pouvais penser à juste titre que cette Fraternité, qui se voulait attachée à toutes les traditions de l'Eglise, doctrinales, disciplinaires, liturgiques etc, ne demeurerait pas longtemps approuvée par les démolisseurs libéraux de l'Eglise.

Ce qui est un mystère, c'est qu'il n'y ait pas eu cinquante, cent évêques à agir comme Mgr de Castro Mayer et moi-même, en vrais successeurs des apôtres contre les imposteurs.

Ce n'est pas de l'orgueil et de la suffisance que de dire que Dieu dans sa miséricordieuse Sagesse, a sauvé l'héritage de son sacerdoce, de sa grâce, de sa révélation, à travers ces deux évêques. Ce n'est pas nous qui nous sommes choisis, mais Dieu qui nous a guidés dans le maintien de toutes les richesses de son Incarnation et de sa Rédemption. Ceux qui estiment devoir minimiser ces richesses et même les nier ne peuvent que nous condamner, ce qui ne fait que confirmer leur schisme d'avec Notre-Seigneur et son Règne, par leur laïcisme et leur œcuménisme apostat.

J'entends dire: "Vous exagérez, il y a de plus en plus de bons évêques qui prient, qui ont la foi, qui sont édifiants..." Seraient-ils des saints, dès lors qu'ils admettent la fausse liberté religieuse, donc l'Etat laïque, le faux œcuménisme, donc l'admission de plusieurs voies de salut, la réforme liturgique, donc la négation pratique du sacrifice de la Messe, les nouveaux catéchismes avec toutes leurs erreurs et hérésies, ils contribuent officiellement à la révolution dans l'Eglise et à sa destruction.

Le Pape actuel et ces évêques ne transmettent plus Notre Seigneur Jésus-Christ mais une religiosité sentimentale, superficielle, charismatique, où ne passe plus la vraie grâce de l'Esprit-Saint dans son ensemble. Cette nouvelle religion n'est pas la religion catholique; elle est stérile, incapable de sanctifier la société et la famille.

Une seule chose est nécessaire pour la continuation de l'Eglise catholique: des évêques pleinement catholiques, sans aucune compromission avec l'erreur, qui fondent des séminaires catholiques, où des jeunes aspirants pourront se nourrir au lait de la vraie doctrine, mettront Notre-Seigneur Jésus-Christ au centre de leurs intelligences, de leurs volontés, de leurs cœurs; une foi vive, une charité profonde, une dévotion sans bornes les uniront à Notre Seigneur; ils demanderont comme saint Paul que l'on prie pour eux, pour qu'ils avancent dans la science et la sagesse du "Mysterium Christi" où ils découvriront tous les trésors divins.

Qu'ils se préparent à prêcher Jésus-Christ, et Jésus- Christ crucifié « importune, opportune... »

Soyons chrétiens! Que même toutes les sciences humaines, rationnelles soient éclairées par la lumière du Christ, qui est la Lumière du monde et qui donne à chaque homme son intelligence lorsqu'il vient au monde!

Le mal du Concile c'est l'ignorance de Jésus-Christ et de son Règne. C'est le mal des mauvais anges, c'est le mal qui est le chemin de l'Enfer.

C'est parce que saint Thomas a eu une science exceptionnelle du Mystère du Christ, que l'Eglise en a fait son docteur. Aimons à lire et relire les encycliques des papes sur saint Thomas et la nécessité de le suivre dans la formation des prêtres, afin de ne pas hésiter un instant sur la richesse de ses écrits et surtout de sa Somme théologique pour nous communiquer une foi immuable et le moyen le plus sûr d'aborder dans l'oraison et la contemplation, les rivages célestes qui, au travers des vicissitudes de cette vie terrestre, ne quitteront plus nos âmes embrasées de l'esprit de Jésus."

+ Marcel Lefebvre